L’eau en France : quels traitements et quels contrôles ?

Un article de National Geographic, par Morgan Joulin, le 02/05/2024.

En bouteille ou au robinet, nous la buvons tous les jours, et pourtant, nous ne savons pas toujours comment elle est traitée et contrôlée.

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Selon le Service de l’Observation et des Statistiques (SOeS), 33,4 milliards de m³ d’eau ont été prélevés en France métropolitaine en 2009 (soit 520m³ par personne), pour satisfaire l’ensemble des besoins des différents secteurs d’activités. Ce chiffre est inférieur à la moyenne des pays les plus développés (OCDE : 920 m³ par personne) et se situe dans la moyenne européenne (550 m³). Photo de Skorzewiak / Alamy Banque D’Images

En 2001, 65 % des Français consommaient de l’eau en bouteille, contre seulement 53 % pour l’eau du robinet. Mais cette tendance s’est inversée en 2006. D’après le baromètre TNS-SOFRES datant de 2018 sur « Les Français et l’eau », 66 % des Français déclarent boire au quotidien de l’eau du robinet, contre 47 % pour l’eau embouteillée.

Cette bascule générale vers l’eau du robinet semble être liée à des raisons économiques. « Le prix de l’eau en bouteille est déjà extrêmement cher par rapport à l’eau du robinet », explique Alexandre Mayol, Maître de conférences HDR en économie à l’Université de Lorraine et spécialiste de l’économie de l’eau. « Lorsque l’eau du robinet est à trois ou quatre euros le m3, l’eau en bouteille est plutôt entre un et deux euros le litre. Cela signifie donc que l’eau en bouteille est déjà cent voire mille fois plus chère que l’eau municipale. » L’eau du robinet est également plus écologique, car elle nécessite moins de transports et entraîne moins de pollution plastique. Malgré tout, certains Français restent attachés à l’eau en bouteille, préférant son goût, ses méthodes de traitement ou encore les minéraux qu’elle peut contenir. Parfois même, le choix n’en est pas vraiment un. En Outre-mer, l’eau du robinet est souvent impropre à la consommation, ce qui pousse la population à se tourner vers l’eau embouteillée.

Que l’on boive de l’eau du robinet ou de l’eau embouteillée, la question de l’origine, du traitement et des contrôles de qualité de l’eau que l’on boit est primordiale. Une enquête Toluna Harris interactive pour l’Observatoire Santé Pro BTP datant de janvier 2024, estime que les Français sont assez peu informés sur l’origine de l’eau qu’ils boivent au quotidien. Ainsi, 46 % d’entre eux déclarent ne pas savoir d’où l’eau du robinet est issue.

LES TRAITEMENTS

Selon le Centre de l’information sur l’eau, 62 % de la consommation d’eau du robinet est issue des nappes souterraines (surface et profondeur), tandis que les 38 % restants proviennent des eaux superficielles (torrents, rivières, lacs). L’eau est directement captée dans un forage ou un puits, et le sol, en tant que filtre naturel, garantit une qualité de l’eau.

Malgré tout, cette eau doit être traitée chimiquement pour être rendue propre à la consommation. Pour cela, elle passe par une usine de traitement afin d’être décontaminée. Il existe différents types de traitement de l’eau. D’abord des traitements physiques pour la rendre potable, tels que le dégrillage et le tamisage, qui consiste à faire passer l’eau à travers des grilles pour éliminer les débris les plus imposants. Il existe aussi des traitements physico-chimiques tels que la coagulation-floculation, qui consiste à adjoindre un produit coagulant pour déstabiliser les particules de petite taille que l’on nomme colloïdes, afin d’en former des agrégats suffisamment importants pour être séparés de l’eau. Ces traitements incluent aussi la filtration à travers des filtres minéraux comme du sable. Enfin, il y a les traitements chimiques, comme l’oxydation, qui peut se faire avec du chlore ou de l’ozone.

L’eau embouteillée, minérale ou de source, ne peut faire l’objet de traitements chimiques. Cependant, étant donné que plusieurs substances toxiques (arsenic, fer, manganèse) sont soumises à des limites de concentration, certains traitements sont permis. La décantation, la filtration ou l’oxygénation peuvent donc être effectuées sur l’eau de source et l’eau minérale pour éliminer certains éléments instables ou indésirables.

LA COMPOSITION 

Il existe deux types d’eau en bouteilles : les eaux minérales et les eaux de source. Elles se différencient principalement par leur teneur en minéraux. Les eaux minérales possèdent une composition stable en minéraux et oligo-éléments, quand les eaux de source ont une composition qui peut varier à partir du moment où elles répondent aux mêmes critères de potabilité que l’eau du robinet.

De fait, toutes les eaux minérales ne répondent pas toujours aux normes de potabilité, parce qu’elles peuvent contenir une quantité trop importante de minéraux, tels que le sodium, le fluorure, le sulfate ou le chlorure. Aujourd’hui, la quantité de sodium autorisée dans l’eau du robinet et les eaux de sources est de 200 milligrammes par litre, tandis que certaines eaux minérales sont à plus de 1 000 milligrammes par litre. Il y a donc un seuil de tolérance plus important pour ces dernières. Néanmoins, elles peuvent être utiles pour compenser certaines carences et autres problèmes digestifs. « Grâce à son contenu important en sulfates de magnésium (120 mg/l), Hépar lutte efficacement contre la constipation », exemplifie le docteur Laurence Plumey, médecin nutritionniste à l’hôpital Antoine Béclère à Clamart (Hauts-de-Seine) dans un entretien pour Le Parisien.

Ces différences peuvent expliquer la préférence de certains Français pour les eaux minérales en bouteille. Pour autant, il est conseillé de diversifier ses apports en eau et de ne pas uniquement boire des eaux minérales, surtout lorsqu’on ne souffre pas de carences.

LES CONTRÔLES

Fin avril 2024, la multinationale suisse Nestlé a été contrainte de détruire deux millions de bouteilles Perrier après une contamination bactérienne d’origine fécale. L’entreprise a expliqué au journal Le Monde l’avoir fait « par précaution ». Celle-ci avait déjà été pointée du doigt par un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui confirmait la contamination généralisée aux bactéries, pesticides, Pfas, de certaines sources d’eau minérale naturelle exploitées par le groupe Nestlé en France. Cela a pu faire craindre une insuffisance des contrôles de la qualité de l’eau en France, en bouteille comme au robinet.

Pourtant, durant toutes les étapes de son trajet, de la zone de captage aux rivières, en passant par les nappes souterraines, la qualité et la potabilité de l’eau du robinet est constamment contrôlée en France. Des prélèvements sont réalisés à toutes les étapes de son trajet, pour y chercher des traces de micro-organismes, polluants chimiques (pesticides, nitrates, solvants, retardateurs de flamme, plastifiants, etc.), métaux et substances radioactives. L’Anses surveille également sept composés dits « émergents » ayant conduit à des dépassements de la limite de qualité de 0,1 µg/litre, et particulièrement du métabolite du chlorothalonil R471811. Ce métabolite est issu de la dégradation dans l’environnement du chlorothalonil, un fongicide interdit en France depuis 2020. Il est retrouvé dans un prélèvement sur deux et conduit à des dépassements de la limite de qualité dans un prélèvement sur trois.

« Avec les produits chimiques, on a affaire à une toxicité à long terme, qui peut provoquer des cancers au bout de quarante ans. Pour tous ces paramètres, l’Union européenne impose des taux à ne pas dépasser afin de préserver la santé des consommateurs », explique Yves Lévi, professeur de santé publique à l’université Paris-Sud dans un article National Geographic sur l’eau du robinet

En ce qui concerne le contrôle des eaux conditionnées, c’est-à-dire des eaux embouteillées et mises en bonbonnes, les contrôles incluent « l’inspection des installations, le contrôle des mesures de sécurité sanitaire mises en œuvre par l’exploitant et la réalisation d’un programme d’analyses de la qualité de l’eau », comme on peut le lire sur le site du Ministère de la Santé. De la même façon que pour l’eau du robinet, des prélèvements d’échantillons d’eau sont réalisés pour rechercher plus de soixante-dix paramètres réglementés. Les paramètres microbiologiques, physicochimiques généraux, minéraux, organiques et indicateurs de radioactivité sont principalement concernés. D’après le Ministère de la Santé, en 2016, pour l’ensemble des 178 eaux conditionnées, « plus de 4 500 prélèvements d’échantillons et 120 000 mesures ont été réalisés sur les eaux conditionnées. Plus de 99,9 % des analyses étaient conformes par rapport aux limites de qualités fixées par la réglementation. »

Pour autant, la perte de confiance de certains consommateurs est bien réelle, surtout après le rapport affirmant que la qualité sanitaire des eaux du groupe Nestlé n’était « pas garantie », selon une expertise remise au gouvernement français en avril 2024. Et cela pourrait, à terme, impacter le prix de l’eau en bouteille dans un sens comme dans l’autre, comme l’allègue Alexandre Mayol : « la perte de confiance des consommateurs peut conduire à chercher à compenser cela par le prix. À l’inverse, le soin apporté à rassurer le consommateur en investissant dans la qualité peut également conduire à une augmentation du prix. »

L’article de National Geographic est ici.

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Ce village a décidé de limiter sa population face aux pénuries d’eau

Un article de Novethic, par Florine Morestin, le 29/04/2024.

Face aux effets du changement climatique sur les ressources en eau, la commune de Grimisuat en Suisse a fait le choix de limiter le nombre de ses habitants. Une décision “logique” pour cette ville où l’or bleu se fait rare, qui pourrait inspirer d’autres municipalités.

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Grimisuat, qui n’a pas d’accès direct à l’eau potable, surveille de très près cette ressource précieuse. @Joan Cros / NurPhoto / AFP

C’est une décision inédite. En Suisse, la commune de Grimisuat a annoncé limiter sa population à 5 000 habitants pour faire face à d’éventuelles tensions d’approvisionnement en eau. Pour cela, la ville qui compte aujourd’hui 3 800 résidents a fait le choix de ne pas planifier de nouvelles zones à bâtir sur son territoire.

“Nos infrastructures et notre réservoir sont prévus pour 5 000 habitants. Nous aurions pu ouvrir de nouvelles zones dans un objectif de croissance, mais au vue des incertitudes qui pèsent sur le climat, nous avons décidé de conserver le statut quo”, explique à Novethic Raphaël Vuigner, président de la commune de Grimisuat. Au rythme actuel, la mesure devrait permettre à de nouveaux résidents de s’installer durant encore dix ou quinze ans. Charge ensuite aux générations suivantes d’élargir ou non la limite posée par la commune.

“Une décision logique”

Le but est avant tout de maintenir la qualité de vie et des ressources en eau des habitants, avance la municipalité. “Pour nous, c’est une décision logique et non un blocage”, estime Raphaël Vuigner. Grimisuat pâti en effet d’une situation géographique particulière, étant l’une des seules communes du pays à n’avoir accès ni à l’eau issue des montagnes, ni à celle des plaines. “Cela nous oblige à l’acheter auprès des villes voisines”, indique le président.

Et par conséquent à surveiller de très près cette précieuse ressource. Dès les années 50, la municipalité a ainsi installé des compteurs d’eau chez les habitants. Plus récemment, elle a investi dans des capteurs pour prévenir les fuites sur son réseau. Une gestion durable qui pourrait inspirer d’autres villes. “Il faudrait que les autres communes, et même celles qui sont moins confrontées aux pénuries d’eau, s’inspirent de Grimisuat”, appuie auprès du Temps Emmanuel Reynard, professeur de géographie physique à l’Université de Lausanne.

Car la pression sur l’eau posée par l’expansion des villes couplées aux impacts du changement climatique dépasse bien largement les frontières de Grimisuat. “C’est aussi un problème régional, rappelle Raphaël Vuigner. Si toutes les communes ouvrent de nouvelles zones à bâtir, nous n’aurons pas assez d’eau pour tout le monde.” D’autant plus que la Suisse commence à son tour à constater les effets de la sécheresse. Bien qu’il abrite 6% des réserves d’eau douce du continent, le “château d’eau de l’Europe” devrait souffrir de plus en plus d’un manque de précipitations.

Multiplication des restrictions

Entre 1994 et 2017, les sécheresses causées par un déficit de neige ont augmenté de 15% dans les Alpes, affirme l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) dans un rapport publié en 2023. Ces deux dernières années, le pays a par ailleurs été marqué par plusieurs vagues de chaleur, conduisant à approvisionner des alpages en eau grâce à des hélicoptères ou encore à recourir à de l’eau potable pour augmenter le débit de certaines rivières.

Face à l’urgence, Grimisuat n’est pas la seule ville à chercher des solutions. En 2019, la petite commune suisse d’Enges avait annoncé geler les permis de construire durant deux ans pour préserver ses ressources en eau. Des mesures de restrictions dont s’emparent également un nombre croissant de municipalités françaises. Dans l’Hexagone, la construction de nouvelles piscines a été interdite en 2023 dans les Vosges, les Pyrénées-Orientales et le Var. Un peu plus tôt dans l’année, un collectif de maires du pays de Fayence prenait quant à eux la décision de suspendre toute construction pour une durée de quatre ans.

L’article de Novethic est ici.

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Traité sur la charte de l’énergie : la sortie coordonnée de l’UE adoptée au Parlement

Un article de Novethic, par Concepcion Alvarez, le 24/04/2024.

Après de longues années de bataille, l’Union européenne se libère enfin du Traité sur la charte de l’énergie, un texte qui pesait comme une épée de Damoclès sur les politiques climatiques des pays.

Photo d’illustration @wildpixel

Dans la dernière ligne droite avant les élections européennes, les eurodéputés ont adopté ce mercredi 24 avril le retrait coordonné de l’UE du traité international sur la Charte de l’Energie (TCE), un texte qui agit comme une épée de Damoclès sur la transition énergétique du continent et qui coûte extrêmement cher.

Une victoire qui est “le fruit de plus de 5 années d’efforts et de travail en collectif !”, se réjouit sur Linkedin Mathilde Dupré, co-directrice au sein de l’institut Veblen. De nombreuses organisations comme le collectif national stop Mercosur ou l’association Les Amis de la terre se réjouissent également de cette adoption. “Le vote d’aujourd’hui prouve que le pouvoir des citoyens peut l’emporter, même sur celui des multinationales. Après des années de campagne, nous avons réussi à enlever l’épée de Damoclès du TCE qui menaçait les objectifs climatiques des gouvernements de l’UE”, réagit Paul de Clerck, spécialiste des questions commerciales aux Amis de la Terre Europe.

La France est déjà sortie du TCE

Le TCE est un accord signé en 1994, à la sortie de la guerre froide, par une cinquantaine de pays dont l’Union européenne, les pays de l’ancien bloc soviétique, le Japon ou encore l’Afghanistan. Il donne la possibilité aux multinationales et aux investisseurs d’attaquer en justice les gouvernements dès lors que ces derniers modifient leurs politiques énergétiques : que ce soit en abandonnant les énergies fossiles, mais aussi en réduisant par exemple les subventions aux énergies renouvelables.

Fin 2022, après des années de mobilisation citoyenne, une vague de pays dont la France, l’Espagne, les Pays-Bas, la Pologne, l’Allemagne, la Slovénie, le Luxembourg, le Danemark et le Portugal, avaient annoncé leur décision de se retirer unilatéralement du traité, qui faisait l’objet d’une modernisation depuis 2018. Face à cette fronde, la Commission européenne s’était résignée à proposer une sortie coordonnée de l’UE du TCE en juillet 2023. Mais depuis, les négociations étaient enlisées au sein du Conseil de l’UE.

Début mars, un accord avait finalement été trouvé. Les États membres avaient alors franchi une étape importante en approuvant ce texte de compromis qui actait la sortie de l’UE tout en permettant aux États membres qui le souhaitent de rester dans le TCE. Le vote des eurodéputés ce jour sera suivi d’un dernier feu vert du Conseil de l’UE en mai ou en juin, avant la fin de la présidence belge.

“S’engouffrer dans la brèche ?”

Ce vote “est un signal collectif, un vrai poids politique qui renforce notre feuille de route climatique”, a indiqué à l’AFP l’eurodéputé Renew (libéraux) Christophe Grudler, rapporteur du texte. Certes, tous les pays restent concernés par la “clause de survie” du TCE, qui protège encore 20 ans, même après le retrait d’un pays signataire, les installations d’énergies fossiles couvertes par le traité. Mais ce retrait concerté peut contribuer à dissuader les poursuites au sein de l’UE, estime Christophe Grudler.

Dans le cadre du TCE, on relève 150 réclamations avec 115 milliards d’euros de compensations demandées, et près de 43 milliards accordés. La France a elle aussi été poursuivie pour la première fois début septembre 2022 par le producteur d’énergie renouvelable allemand Encavis AG pour avoir modifié ses tarifs de rachat sur le photovoltaïque. Un contentieux qui suit son cours malgré le retrait de la France du TCE.

Face à cette victoire, qui n’était “pas gagnée d’avance”, comme le rappelle Maxime Combes, les militants veulent aller plus loin. L’économiste, membre du réseau Attac, appelle ainsi à “s’engouffrer dans la brèche, en ne ratifiant pas le CETA, qui comporte un dispositif similaire au TCE d’arbitrage investisseur-Etats (ISDS), en protégeant les investisseurs étrangers des politiques de transition énergétique et climatique. Chiche ?”

L’article de Novethic est ici.

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Le devoir de vigilance adopté au Parlement Européen

Un article de Novethic, par Clément Fournier, le 24/04/2024.

Après des mois de turbulences et de débats, le Parlement Européen vient finalement d’adopter la directive sur le devoir de vigilance européen. Une révolution juridique qui permettra bientôt d’encadrer le respect des droits humains et des droits environnementaux par les grandes entreprises.

@Istock PeskyMonkey

C’est une avancée majeure pour la responsabilité sociale des entreprises et des multinationales. A 374 voix pour, 235 voix contre, le Parlement Européen vient d’adopter la directive européenne sur le devoir de vigilance. Ce vote intervient 11 ans jour pour jour après l’effondrement du Rana Plaza, qui avait causé la mort de milliers de travailleurs des chaînes de production des multinationales de la mode, et provoqué un vif débat sur la responsabilité juridique des entreprises en matière de vigilance.

La directive CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) instaure pour les grandes entreprises européennes ou opérant en Europe une obligation de garantir le respect des droits humains, sociaux et environnementaux tout au long de leur chaîne de valeur, y compris chez leurs fournisseurs. Une révolution juridique qui pourrait considérablement améliorer la réglementation des pratiques des entreprises en matière sociale et environnementale, et éviter de futurs drames comme celui du Rana Plaza.

Un vote historique pour la régulation des multinationales

Le vote a été immédiatement largement salué par le monde politique, notamment à gauche, et par le monde associatif. En conférence de presse, Lara Wolters, eurodéputée socialiste, rapporteuse du texte, a exprimé sa satisfaction : “je suis une eurodéputée heureuse, c’est une étape majeure, vraiment. L’Europe montre qu’elle peut tenir son rang, et qu’elle compte agir pour le respect des droits humains et environnementaux.” Marie Toussaint, eurodéputée écologiste et tête de liste Europe Ecologie Les Verts pour l’élection européenne à venir voit dans “l’adoption de ce texte une première historique dans le monde et une victoire de taille”. Pascal Canfin, eurodéputé du groupe Renaissance a qualifié le vote “d’avancée historique”.

Pour l’association Notre Affaire à Tous, il s’agit également “d’un pas historique vers la régulation des acteurs privés en matière de droits humains et de vigilance climatique”. “On avance dans la lutte contre l’impunité des multinationales” commente pour Novethic Clara Alibert, chargée de plaidoyer chez CCFD-Terre Solidaire. Pour François de Cambiaire, avocat des requérants dans la plainte contre TotalEnergies sur son devoir de vigilance climatique, il s’agit “d’une avancée majeure du point de vue juridique.”

Dans les milieux économiques, bon nombre d’entreprises ont également salué l’adoption du texte. Le collectif Business for a Better Tomorrow, qui rassemble près de 100 000 entreprises européennes engagées pour une économie plus durable, appelait notamment à voter un texte ambitieux sur le devoir de vigilance, et s’est réjoui du vote du jour. Fabrice Bonnifet, président du Collège des directeurs du développement durable, s’est réjouit quand à lui auprès de Novethic de l’adoption : “ceux qui estiment que cette réglementation est une contrainte n’ont pas compris que prévenir et atténuer l’inacceptable est définitivement préférable à la gestion de l’intolérable”, ajoute-t-il.

Une adoption difficile pour un devoir de vigilance affaibli par les droites et les patrons européens

Malgré ces soutiens, il aura fallu attendre les tous derniers jours de la mandature de l’actuel Parlement Européen pour que ce texte, qui a suscité des débats houleux et des retournements politiques majeurs, soit finalement voté. “Aujourd’hui se termine un processus qui comprenait 9 commissions parlementaires, plus de 3 000 amendements, et clôt près de 5 ans de débats et de négociations” commente Richard Gardiner, chargé des politiques publiques européennes à la World Benchmarking Alliance.

Considérée comme une pierre angulaire du Pacte Vert européen, qui doit permettre de structurer de réels mécanismes de responsabilité juridique pour les entreprises en cas de violation des droits humains ou environnementaux, la directive sur le devoir de vigilance était en effet très contestée depuis quelques mois. Les partis de droite européens ainsi que certains représentants patronaux comme le Medef (Mouvement des entreprises de France) ou la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) ont en effet tenté d’empêcher l’adoption du texte.

Les gouvernements de la France, de l’Allemagne et de l’Italie, après avoir pourtant validé le projet de directive en trilogue, ont notamment bloqué plusieurs semaines durant les débats en comité des représentants permanents au Conseil européen, et négocié un affaiblissement significatif de la portée de la CSDDD. Un revirement politique inédit, qui a, selon Lara Wolters, “laissé un goût amer”, et prouvé que certains acteurs européens ne prennent pas au sérieux les processus démocratiques européens”.

Dans les prochaines semaines, les États membres devront valider leur accord définitif, le 15 et le 23 mai prochains au Conseil. D’ici l’entrée en vigueur, pas avant 2027, le texte devra toutefois passer par l’étape de la transposition dans le droit interne des États-Membres, “une étape qui ne va pas être un long fleuve tranquille” selon Clara Alibert. En France et en Allemagne, où il existe déjà une réglementation sur le devoir de vigilance, la transposition pourrait ainsi susciter des débats et faire l’objet de nouvelles discussions.

L’article de Novethic est ici.

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Le Slip Français divise par deux ses prix pour relancer le Made in France

Un article de Novethic, par Florine Morestin, le 17/04/2024.

Moins 40%. C’est la réduction que la marque de sous-vêtements « Le Slip Français » s’engage à appliquer sur sa nouvelle gamme. Un pari risqué pour l’entreprise qui change d’échelle afin de relancer l’industrie textile française, mais aussi reconquérir des consommateurs contraints par l’inflation.

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En 2024, Le Slip Français va produire 400 000 sous-vêtements vendus à 25€. / Le Slip Français

Une mode française abordable, est-ce vraiment possible ? La marque tricolore de sous-vêtements « Le Slip Français » veut y croire. Début avril, l’entreprise a annoncé la mise en vente d’une nouvelle gamme “accessible au plus grand nombre”. Deux références, un caleçon et un slip, ont rejoint de manière pérenne le catalogue de l’enseigne au prix de 25 euros, contre environ 40 euros pour ses modèles les plus onéreux, soit une réduction de 40%.

Le Slip Français n’en est pas à son coup d’essai. En 2023, la marque avait déjà réduit ses tarifs sur 50 000 produits, via un système de précommande. Un test qui a poussé l’entreprise à aller un cran plus loin. Cette année, elle va ainsi engager la fabrication de 400 000 sous-vêtements, contre 5 000 à 10 000 par gamme habituellement. “Produire à grande échelle nous permet de massifier les achats de matières premières et d’industrialiser le montage des produits”, indique à Novethic Guillaume Gibault, fondateur du Slip Français. Le design des modèles a également été simplifié, tout comme certaines opérations comme les broderies, sans “aucune concession sur la qualité” assure l’enseigne.

Le prix, premier critère d’achat

L’objectif est double : réduire les coûts pour proposer une nouvelle gamme “accessible à une majorité de Français”, mais aussi relancer une industrie en grande difficulté. Depuis plusieurs mois, le secteur de l’habillement souffre en effet de multiples faillites. D’après les chiffres de l’Institut de la mode française (IFM), plus de 700 points de vente de chaînes indépendantes ont mis la clé sous la porte en 2023, tandis que les ventes ont globalement reculé de 1,3% sur l’année. Le segment du made in France, lui, ne représente que 3% des quantités achetées et peine à survivre.

En cause, notamment, la baisse de pouvoir d’achat des ménages. “En période d’inflation, l’habillement devient une variable d’ajustement”, confirme à Novethic Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire économique de l’IFM. Selon une enquête du réseau des Chambres de Commerce et de l’Industrie (CCI) réalisée en octobre 2023, si 89% des consommateurs interrogés assurent vouloir consommer plus de produits fabriqués dans l’Hexagone, 67% affirment que l’inflation a un impact sur leurs décisions d’achats. 80% des Français placent par ailleurs le prix en haut des critères les plus importants, devant la qualité, la durée de vie ou le pays de fabrication.

Perte de repères des consommateurs

Un contexte économique d’autant plus complexe que les nouveaux géants de la mode rapide à l’instar de Temu, exercent une pression constante sur les prix, au détriment entre autres, des conditions de production. Difficile alors pour les acteurs du made in France de lever les freins à l’achat, alors que “90% du coût du produit réside dans la main d’œuvre” selon Guillaume Gibault. “Il y a une perte de repères chez le consommateur sur le prix légitime d’un vêtement avec la montée en puissance des soldes, ou plus récemment l’arrivée de Shein et Vinted”, ajoute Gildas Minvielle.

Alors, baisser les prix est-il un passage obligé pour convaincre les consommateurs ? Si la tendance s’observe pour une partie des enseignes françaises ou non, comme Gentle Factory, Princesse Tam-Tam ou Comptoir des cotonniers rapporte Le Monde, d’autres acteurs font au contraire le pari de monter en gamme pour se démarquer note Gildas Minvielle. Du côté du Slip Français, “c’est indispensable, mais ce n’est pas tant une baisse de prix que de retrouver un prix de marché”, estime Guillaume Gibault. “Dans le contexte économique actuel, il faut prendre le taureau par les cornes pour trouver des solutions, même si cela induit des risques”, conclut-il.

L’article de Novethic est ici.

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A 100 jours de l’ouverture, l’impact climatique “insoutenable” des JO de Paris 2024 pointé du doigt

Un article de Novethic, par Clément Fournier, le 17/04/2024.

Un rapport d’experts met en évidence l’impact climatique colossal des Jeux Olympiques de Paris 2024. Les lacunes de la stratégie climatique du comité d’organisation et les incohérences de sa communication sont également épinglées.

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L’impact climatique des JO de Paris 2024 en question – Bertrand Guay AFP

Le compte à rebours est lancé mais les controverses perdurent autour des Jeux Olympiques de Paris 2024. Les conséquences écologiques des Jeux Olympiques (JO), et notamment leur impact climatique, viennent ainsi d’être pointés du doigt dans une analyse publiée par le Carbon Market Watch et éclaircies, collectif indépendant de recherche sur les questions écologiques.

Malgré des “efforts louables” mis en œuvre par le comité d’organisation des JO, le rapport note que la “stratégie climat de Paris 2024 visant à minimiser les émissions carbone de l’événement est incomplète”. L’organisation prévoit que 1,5 millions de tonnes de CO² seront émises lors des quelques semaines de l’événement, soit autant que 150 000 Français pendant 1 an. “Les Jeux Olympiques ne peuvent être véritablement compatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris qu’à condition que leurs opérations globales soient fondamentalement réformées” analyse ainsi le rapport.

Les lacunes des JO en matière climatique

Le comité d’organisation affichait pourtant la volonté de diviser par plus de deux l’empreinte carbone des JO par rapport aux éditions précédentes, avec la mise en place d’objectifs chiffrés et d’une stratégie climatique relativement détaillée. Pour Guillaume Kerlero de Rosbo, membre du collectif éclaircies, le comité a “fait un travail honorable et une partie de sa stratégie climat pourra inspirer de futures éditions.” Le comité d’organisation s’était notamment engagé à des efforts significatifs en matière de construction des infrastructures, en misant pour plus de 95% sur des constructions existantes ou temporaires. La stratégie climatique des JO misait également sur le volet alimentation, en proposant tout au long de l’événement des repas à plus faible empreinte carbone (végétariens notamment).

Mais efforts ne visent que “30% (environ) des émissions de GES de l’événement” selon Guillaume Kerlero de Rosbo, qui ajoute “même si un plan d’action existe aussi sur les autres postes d’émissions, les actions évoquées ne sont pas suffisamment claires et ambitieuses.” Les enjeux liés au transport des spectateurs, ainsi que les stratégies d’achats non-alimentaires (goodies par exemple) restent des “impensés” de la stratégie climatique de Paris 2024. “Ce sont pourtant les enjeux qui comptent le plus dans l’empreinte carbone de ce type d’événements” analyse César Dugast, lui-aussi membre du collectif éclaircies et consultant spécialisé dans les enjeux carbone. Le rapport pointe également “le manque de méthodologie détaillée” dans l’élaboration de la stratégie climatique, et le manque de “suivi complet et de transparence” dans la mesure des impacts climatiques liés à l’événement.

Les sponsors et la communication pointés du doigt

Plus globalement, c’est la stratégie de communication autour des enjeux climatiques qui est pointée du doigt. D’abord, car Paris 2024 a longtemps communiqué sur des Jeux “neutres en carbone” voire “climate positive”. Deux “affirmations trompeuses” que le comité a fini par abandonner. La communication des Jeux Olympiques de Paris 2024 est également floue en matière “d’achats de crédits carbone censés compenser les émissions “inévitables” des jeux.” La stratégie climatique des Jeux ne fournit ainsi aucun détail sur “le type de projets financés” ou sur l’efficacité de ces systèmes de compensation, provoquant ainsi “une perte de crédibilité de l’ensemble de la stratégie climatique.”

Enfin, les analystes pointent “l’absence de critères climatiques lors de la sélection des sponsors” : “Au moins 6 sponsors de l’événement (ArcelorMittal, AccorHotels, Air France, Danone, Saint Gobain, VINCI) sont sur une trajectoire climat incompatible avec l’Accord de Paris” dénonce ainsi Guillaume Kerlero de Rosbo.

“On n’arrivera pas à la hauteur des objectifs climatiques en restant dans le modèle actuel des JO” tranche César Dugast. Pour des JO compatibles avec nos objectifs climatiques, il s’agit donc de repenser ce modèle de façon radicale. “On pourrait imaginer sortir du méga-événement centralisé dans une seule ville, pour plutôt répartir les disciplines dans différents pays, développer les fanzones décentralisées” Objectif : “recruter plus de spectateurs localement, créer une expérience enrichie et élargir des Jeux, et réduire la place de l’avion dans les déplacements.”

L’article de Novethic est ici.

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L’A69 et d’autres projets autoroutiers vont échapper à la loi zéro artificialisation nette

Un article de Novethic, par Marina Fabre Soundron avec AFP, le 12/04/2024.

La loi Zéro artificialisation nette des sols (ZAN) ne s’appliquera pas à tous. Le gouvernement a révélé la liste des projets “d’envergure nationale” qui y échapperont. Sur les 167 exemptions, celles concernant les routes pèsent 28 % des surfaces. Un “droit à bétonner” dénoncé alors que le projet très controversé de l’A69 entre Toulouse et Castres fait partie des exceptions à la loi.

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L’A69 fait partie des projets autoroutiers non soumis à la loi sur l’artificialisation des sols.

718 hectares pour le Grand port maritime de Dunkerque, 70 pour une mine de lithium dans l’Allier, 54 pour le site industriel d’Airbus… le ministère de la Transition écologique a dévoilé lors d’un point presse le 10 avril la liste des projets “industriels” qui pourront être exclus du dispositif “zéro artificialisation nette des sols” (ZAN) et ainsi déroger à la loi Climat et résilience. L’arrêté devrait être publié très prochainement.

Pour bien comprendre l’enjeu de cette liste, il faut revenir en arrière. Le texte concerné, la loi “Climat et résilience”, issu de la Convention citoyenne et voté en 2021 visait initialement le ZAN en 2050, avec pour objectif intermédiaire la réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) d’ici 2031. Soit diviser l’artificialisation par deux en dix ans pour passer de 250 000 à 125 000 hectares artificialisés entre 2021 et 2031, et puis plus aucune artificialisation à l’horizon 2050, à moins de “renaturer” des surfaces équivalentes.

En juillet dernier, face à la levée de boucliers de certains élus locaux (le dispositif doit être piloté par les régions) et chefs d’entreprise, la loi a été “assouplie”. Le texte prévoit notamment d’exclure les “projets d’envergure nationale” du décompte des zones artificialisées, à hauteur de 12 500 hectares.

28 % de projets routiers

Au total, une première liste de 167 projets, “les plus matures et les plus précis” a été dévoilée, ainsi qu’une deuxième, comportant 267 projets “qui manquent à ce stade de maturité” mais qui “vise à donner de la visibilité aux collectivités locales”. Transmise aux élus locaux, la liste fera l’objet d’une consultation publique durant un mois, précise le cabinet de Christophe Béchu. “Les projets industriels pèsent pour 30 % de la liste des projets”, explique le ministère. Mais ce ne sont pas les seuls à être exemptés de la loi ZAN.

Selon nos calculs, 28 % des projets de la liste 1 échappant à la ZAN sont des projets de routes, pesant 3 221 hectares sur 11 870 hectares. Parmi eux, l’aménagement autoroutier A154 / A120 artificialisant 576 hectares, l’aménagement routier Contournement Ouest de Nîmes pour 155 hectares et… le fameux projet de l’A69 destiné à relier Toulouse à Castres représentant, lui, 353 hectares. “Tous les projets d’autoroute sont d’un autre siècle. Ce n’est plus le moment de faire des autoroutes”, dénonce auprès de Novethic, Jean-Claude Bevillard, administrateur de France Nature Environnement Haute-Savoie. “Il y aura sûrement quelques infrastructures à élargir, éventuellement, mais cela doit rester très à la marge. Si on ajoute des exemptions aux exemptions, la loi n’aura plus de sens”, ajoute-t-il.

“Des lois sont faites mais ne sont pas appliquées”

L‘A69 est un des projets les plus décriés du moment en raison des hectares agricoles bétonnisés et des nombreux arbres à abattre. Depuis des mois, les associations se mobilisent sur place pour tenter de stopper le chantier. Grève de la faim, grève de la soif, ZAD… interrogé par Novethic, l’activiste Thomas Brail qui avait été hospitalisé en septembre dernier après avoir passé plusieurs jours perché sur un arbre devant le ministère de la Transition écologique à Paris, ne cache pas sa lassitude. “Des lois sont faites mais ne sont pas appliquées”, se désole-t-il.

Face à la mobilisation, l’ancien ministre des Transports, Clément Beaune, n’avait pas plié sur l’A69. Il avait par contre annoncé en janvier dernier qu’il annoncerait prochainement des mesures inédites d’abandon de projets autoroutiers”. “Il est clair qu’on va réduire la part des projets routiers – il n’y en aura pas zéro, il y en aura moins – pour donner une priorité assumée aux transports publics et au transport ferroviaire”, avait-il affirmé. Une liste qui n’a jamais été dévoilée, Clément Beaune ayant été débarqué quelques jours plus tard dans le sillage du remaniement.

Pour rappel, au cours de la dernière décennie en France, entre 20 000 et 30 000 hectares ont été artificialisés chaque année en moyenne. Soit un peu plus de deux fois la surface de Paris. Au total, 276 377 hectares ont été bétonnés entre 2009 et 2019. “C’est en réalité la loi du droit à bétonner”, a dénoncé sur les réseaux sociaux Vanessa Logerais, fondatrice de l’agence de conseil et de communication durable Parangone.

L’article de Novethic est ici.

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Bilan carbone : Victoire de Greenpeace contre TotalEnergies

Un article de Novethic, par Concepcion Alvarez, le 29/03/2024.

Le Tribunal de justice de Paris a annulé l’assignation de TotalEnergies contre Greenpeace. La major dénonçait des informations “fausses et trompeuses” concernant son bilan carbone calculé par l’ONG. Une démarche au civil inédite, comparée par Greenpeace à une procédure-bâillon.

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Siège social de Total, à Paris-la Défense.

C’est une drôle de coïncidence. Alors que TotalEnergies fêtait jeudi 28 mars son centième anniversaire, le Tribunal judiciaire de Paris annulait le même jour l’assignation de la major pétro-gazière contre Greenpeace. Les faits portent sur la publication d’un rapport en novembre 2022, baptisé “Bilan carbone de TotalEnergies : le compte n’y est pas”, dans lequel l’ONG affirme que TotalEnergies a “un total d’émission de 1,6 milliard de tonnes d’équivalent CO²″ contre 455 millions de tonnes selon le groupe, pour l’année 2019.

TotalEnergies avait dénoncé “des informations fausses et trompeuses, reposant sur une méthodologie contestable et comportant de multiples erreurs, doubles comptages et approximations, aboutissant à un résultat incohérent“. La major avait dès lors assigné Greenpeace en avril 2023, et demandé au juge civil d’obliger l’association à supprimer le rapport et toutes les publications afférentes, sous astreinte de 2 000 euros par jour. Un procédé pour le moins inédit par rapport aux traditionnelles poursuites en diffamation, assimilée par l’ONG à une “procédure-bâillon” visant à étouffer sa voix.

“Tentatives d’intimidation”

Dans son ordonnance, le juge a finalement annulé l’assignation, estimant que “le défaut de précisions cause nécessairement grief” aux parties assignées, “qui ne peuvent se défendre utilement sur le fond”, selon le document consulté par Novethic. Il condamne TotalEnergies à verser 15 000 euros à Greenpeace France et à Factor X, le cabinet ayant réalisé l’analyse, au titre des frais engagés pour la procédure.

“C’est une très belle victoire pour la liberté d’expression”, a réagi Clara Gonzales, juriste à Greenpeace France, dans un communiqué. “Nous devons rester vigilants, a-t-elle toutefois indiqué. Cette poursuite-bâillon s’inscrit dans un contexte inquiétant d’augmentation des tentatives d’intimidation judiciaire contre la société civile”.

Greenpeace a fait l’objet de deux autres procédures similaires : en Grande-Bretagne, Shell lui réclame des millions de dollars pour une action pacifique, et en Italie, ENI a engagé une procédure qui pourrait aboutir à un procès en diffamation. De son côté, TotalEnergies dit prendre “acte de la décision du juge” du tribunal judiciaire de Paris et examiner “les suites à donner”.

L’article de Novethic est ici.

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Encore un aigle abattu, ça suffit !

Un communiqué de presse de la LPO, le 13/03/2024.

Une jeune pygargue à queue blanche récemment réintroduite dans le cadre d’un programme de sauvegarde de l’espèce a été retrouvée, tuée par balle, en Isère. La LPO et Les aigles du Léman ont porté plainte et attendent des sanctions à la hauteur des enjeux de conservation de ce rapace rarissime.

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Aigle pygargue à queue blanche

Elle s’appelait Morzine, en remerciement à la commune de Haute-Savoie qui avait financé la balise GPS grâce à laquelle les enfants de ses écoles primaires suivaient avec passion les déplacements quotidiens du jeune pygargue femelle. Le signal étant immobile depuis 3 jours, une équipe composée de 2 gardes de l’Office français de la biodiversité (OFB) et 5 naturalistes est partie à la recherche de l’aiglon. Le 27 février, ils ont découvert son cadavre au sommet d’une crête enneigée surplombant le sanctuaire de Notre Dame de la Salette (Isère). Le trou béant dans sa poitrine ne laisse aucun doute sur la cause de mortalité : le rapace a été victime d’un tir de fusil. D’autres indices ont confirmé la présence récente de braconniers dans la zone.

Née au parc animalier « Les aigles du Léman », Morzine avait été relâchée dans le cadre d’un programme de réintroduction de 85 pygargues dans les Alpes d’ici 2030. Sur 14 individus ainsi mis en liberté depuis 2022, 3 sont déjà morts abattus. En avril 2023, Sciez, un jeune mâle, a en effet été tué en Allemagne dans des circonstances sordides. En octobre 2023 un autre a été abattu dans le Gers, l’enquête de l’OFB est toujours en cours.

Le Pygargue à queue blanche est l’aigle le plus rare de France avec 5 couples nicheurs recensés sur le territoire. L’espèce avait officiellement disparu de notre pays en 1959 avant de s’y reproduire de nouveau à partir de 2015. Elle bénéficie d’un Plan national d’action animé par la LPO, dont fait partie le programme de réintroduction.

Une enquête exemplaire prélude à une justice sévère ?

Une plainte a été déposée par la LPO et Les aigles du Léman le 6 mars 2024. Sous l’impulsion du procureur de la république de Grenoble, une enquête éclair a été menée par le service OFB de l’Isère. Celle-ci s’est révélée particulièrement efficace puisque ce mercredi 13 mars un homme a été placé en garde à vue et a avoué être l’auteur du tir mortel. La destruction illicite d’espèces protégées est passible de 3 ans de prison et 150 000€ d’amende ainsi que de la confiscation des armes et du retrait du permis de chasser.

Beaucoup d’affaires similaires sont toutefois classées sans suite faute de moyens d’enquête, comme pour les 2 aigles de Bonelli abattus dans le Gers et les Landes fin 2019 ou un Gypaète barbu en octobre 2020 en Lozère. Et quand elles aboutissent, les verdicts sont le plus souvent trop cléments. Reconnu coupable d’avoir tué deux vautours fauves en août 2022, un éleveur ariégeois a ainsi été condamné à une amende de 3000 €, dont 2000 € avec sursis… Le tireur responsable de la mort d’un autre Gypaète barbu et d’un Vautour moine découverts criblés de plomb en janvier 2023 a néanmoins été puni en octobre dernier de 4 mois d’emprisonnement avec sursis et plus de 30 000 € de réparation des préjudices, signe que la sévérité de la justice évolue. Mais combien de rapaces non équipés de balise GPS sont abattus sans jamais être retrouvés ?

Pas une semaine ne passe sans qu’un rapace ne soit abattu en France, où ces espèces sont pourtant intégralement protégées. Et quand les auteurs sont identifiés, ils sont toujours titulaires du permis de chasse, ce qui interroge sur la qualité de leur formation. Seules des sanctions exemplaires suffisamment dissuasives permettront d’enrayer de tels actes de cruauté gratuite qui mettent en péril des efforts de conservation considérables.

Allain Bougrain Dubourg – Président de la LPO

Laisser ce crime impuni aurait été un affront pour tous ceux qui se mobilisent afin de sauvegarder la biodiversité. Retrouver et punir les coupables, c’est aussi montrer aux enfants des écoles de Morzine que leur oiseau n’est pas mort impunément. Je remercie le procureur de Grenoble et les services OFB de l’Isère pour le travail effectué

Jacques-Olivier Travers – Responsable du programme de réintroduction des pygargues sur le bassin lémanique

Le communiqué de presse de la LPO est ici.

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Protection du loup : signez la pétition !

Un communiqué de FNE, le 19/03/2024.

La Commission européenne propose d’affaiblir le statut de protection du loup, qui passerait de “strictement protégé” à “protégé”. Concrètement, cela faciliterait les tirs et empêcherait l’installation du loup sur de nouveaux territoires, mettant en danger l’objectif de bon état de conservation de l’espèce. France Nature Environnement, avec le WWF et la LPO, lance une grande pétition citoyenne pour appeler le gouvernement français à rejeter sans ambiguïté cette proposition, ni nécessaire ni justifiée, de la Commission européenne. Plus nous serons nombreuses et nombreux à nous mobiliser, plus notre demande aura de la force !

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Ces 11 organisations de protection de la nature appellent le gouvernement français à s’opposer à ce projet dangereux pour la biodiversité et la vie sauvage.

7 bonnes raisons de se mobiliser

1. Un déclassement mettrait en danger le loup

Selon l’Union Internationale de Conservation de la Nature, six des neuf populations de loups présentes dans l’UE sont vulnérables ou quasi-menacées. Et selon la Commission elle-même, le statut de conservation du loup n’est favorable que dans la région alpine. Affaiblir le niveau de protection du loup apparaît prématuré au regard des situations de ses différentes populations.

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2. Un déclassement du loup mettrait en danger d’autres espèces

La Commission met également en danger la préservation des espèces et des habitats naturels dans leur ensemble, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’UE. Cette démarche d’affaiblir le niveau de protection d’une espèce protégée par une convention internationale (la Convention de Berne, 1979) serait inédite et extrêmement préoccupante. Le lynx, l’ours brun et bien d’autres espèces pourraient être les prochaines victimes de cette décision. Plusieurs pays se sont déjà ainsi engagés dans la brèche pour demander le déclassement de l’ours et du lynx.

3. La proposition de déclassement repose sur un mensonge et détourne l’attention des vraies difficultés des éleveurs

Le discours récurrent au niveau européen, comme au niveau français d’ailleurs, que le loup par sa prédation met en péril les élevages est faux. Les véritables menaces pesant sur la filière sont liées aux importations dans l’UE, à l’instar de l’accord de libre échange signé avec la Nouvelle-Zélande en novembre dernier. Le déclassement du loup ne changera rien aux difficultés économiques et structurelles de la filière. Mais le loup est le bouc émissaire bien pratique qui permet de cacher l’inaction du gouvernement sur les difficultés économiques de la filière.

4. Il y a des solutions efficaces pour réduire la prédation  

Dans les territoires, des expérimentations et des solutions de coexistence entre loups et éleveurs se sont développées, des solutions qui sont notamment présentées dans le film “Vivre avec les loups” de Jean-Michel Bertrand.  Par le renforcement de la présence humaine au sein des troupeaux, le recours aux chiens de protection, la pose de clôtures appropriées, l’expérimentation de nouvelles techniques d’effarouchement, la prédation en France est stabilisée depuis 7 ans. Le nombre de dégâts causés au bétail est en recul avec moins de 12 000 brebis tuées chaque année en France pour un cheptel national de plus de 5 millions, soit environ 0,2%, et ce alors que dans le même temps, la population de loups s’est accrue.

Au niveau européen, les attaques de loups impactent moins de 0,067 % du bétail en moyenne. Certes, la présence du loup impose de nouvelles contraintes à l’élevage et nécessite une adaptation, mais les moyens de protection des troupeaux existent et ont fait leurs preuves.

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Une louve et ses petits – Crédit : Bildagentur Zoonar GmbH

5. La présence du loup apporte de nombreux bénéfices

Les loups font partie intégrante de notre patrimoine naturel et jouent un rôle essentiel dans le maintien de l’équilibre des écosystèmes. Le retour naturel de l’espèce dans des régions d’Europe où elle avait disparu constitue un succès considérable en matière de restauration de la biodiversité, qui ne doit pas être mis en péril.

Ni ange, ni démon, le loup est un super prédateur. En chassant des proies sauvages, il contribue à réguler de nombreuses espèces. De plus, en les contraignant à rester vigilantes et à se déplacer, le loup permet à la végétation et à la forêt de se régénérer. Par contre, il ne met pas en péril les populations d’ongulés sauvages, comme le laissent entendre certains promoteurs du déclassement.

6. Les tirs dérogatoires sont déjà permis par le statut actuel de stricte protection du loup

Les tirs ne sont qu’une solution ponctuelle quand les moyens d’effarouchement et de protection ont échoué. L’État français a mis en place les dérogations déjà comme prévu par la réglementation. Ainsi, chaque année, jusqu’à 19% de la population lupine de l’Hexagone peut faire l’objet de tir. Mais le gouvernement ne gère ces tirs que par le chiffre, sans utiliser ce dispositif à bon escient, là où les tirs pourraient permettre de faire baisser la pression de prédation sur un troupeau. Or, la prédation ne peut être circonscrite qu’en généralisant la protection des troupeaux avec la combinaison chiens de protection, bergers et clôtures efficaces.

7. Un déclassement du loup irait à l’encontre de l’opinion publique  

D’après une récente enquête européenne sur les perceptions des communautés rurales concernant la coexistence avec les grands carnivores, plus des deux tiers (68 %) des habitant·es des zones rurales estiment que les loups devraient être strictement protégés et près des trois quarts d’entre eux (72 %) reconnaissent que l’espèce a le droit d’exister dans l’Union européenne.

En France, le nouveau Plan national d’actions (PNA) 2024-2029 sur le loup et les activités d’élevage et l’arrêté ministériel du 21 février 2024 fixant les conditions des tirs de destruction du loup viennent récemment de faciliter encore davantage l’abattage de loups sur le territoire français, en dépit des 97% d’opinions négatives sur plus de 13000 contributions exprimées lors de la consultation publique sur le PNA et de l’avis unanimement défavorable émis par les expert·es scientifiques du Conseil national de la protection de la nature (CNPN).

L’article de FNE et la pétition sont ici.

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Projet d’usine à granulés de bois Biosyl à Guéret : on vous explique le bras de fer juridique entre les « anti » et les « pro »

Un article de France3 Nouvelle Aquitaine, par Antoine Jegat, le 27/03/2024.

C’est un projet qui fait polémique ces dernières semaines : une usine de granulés de bois pour le chauffage doit s’installer dans une zone industrielle au nord de Guéret. L’agglomération soutient l’opération alors que la maire de Guéret et la députée de la Creuse s’y opposent, soutenues par plusieurs associations de défense de l’environnement.

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Au cœur des débats, il y a le mode d’approvisionnement en bois de la future usine Biosyl : « gestion durable » pour les défenseurs du projet, « coupes-rases » pour ses détracteurs. (Photo d’illustration) • © France Télévisions

Dans le bras de fer juridique qui les oppose à Biosyl, les associations de défense de l’environnement viennent de remporter une première victoire : le tribunal administratif de Limoges a rejeté le permis de construire délivré par Saint-Fiel, l’une des deux communes sur lesquelles l’usine devait s’implanter avec Guéret. Cette parcelle avait été effectivement reclassée en zone naturelle dans le dernier plan local d’urbanisme (PLU) de la commune.

« Nouvelle victoire d’étape dans notre campagne contre l’ouverture d’une usine à granulés par l’entreprise BIOSYL, qui s’approvisionne en partie avec du bois de coupes rases. Le permis de construire sur la commune de Saint Fiel vient d’être retiré, suite au recours de Canopée. » pic.twitter.com/seP9QUDz50

Une victoire que minimisent les défenseurs du projet, à commencer par Antoine de Cockborne, gérant de Biosyl : “La parcelle de Saint-Fiel est vraiment très minime, et donc le fait de l’exclure de l’emprise du projet est complètement anecdotique.” 

François Barnaud, maire de Saint-Fiel et vice-président du Grand Guéret en charge du développement économique, précise qu’« il y aura une modification apportée sur le permis de Guéret. » Selon lui, « les modifications sont mineures et ne remettent pas en cause la future implantation. » Le projet final devrait donc regrouper l’ensemble des aménagements sur le territoire de Guéret.

« On a voulu faire les choses dans la précipitation », tempête, de son côté, Catherine Couturier, fervente opposante au projet. Cet « imbroglio » administratif démontre, selon elle, que « l’étude de ce dossier n’est pas sérieuse ». Des arguments qu’elle a pu exposer directement au président de la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset.

La bataille des études

Depuis plusieurs semaines, la députée LFI de la Creuse et les élus écologistes de la région font pression sur l’exécutif régional pour le convaincre d’abandonner sa subvention à l’entreprise Biosyl. Une enveloppe de 650.000 euros. Cette campagne s’est soldée, ce lundi 25 mars, par le retrait in extremis d’une délibération au sein de la commission permanente de Nouvelle-Aquitaine pour l’attribution de cette subvention.

Un retrait qui ressemble davantage à un report, si l’on en croit Andréa Brouille, vice-présidente de la région interrogée, ce mardi, à notre micro : « Bien sûr que si le doute est levé sur le permis de construire (…) nous représenterons ce dossier à une commission permanente prochaine »affirme-t-elle

Toutefois, la bataille autour des permis de construire ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. « Le véritable objectif de l’action de mes clientes, c’est d’obtenir un débat démocratique sur ce type de projet, assure Yann Fauconnier, l’avocat des associations France Nature Environnement Creuse et de Canopée. Il n’a pas eu lieu parce que Mme la Préfète a délivré un arrêté d’enregistrement à Biosyl. On appelle ça “l’autorisation simplifiée”, qui permet de passer outre la partie évaluation environnementale, donc pas d’enquête publique et pas d’étude d’impact, » poursuit l’avocat, spécialiste du droit de l’environnement.

Contactée, Anne Frackowiak-Jacobs confirme qu’elle s’est appuyée sur les notes de ses services pour donner son feu vert au projet. « C’est une note de la DREAL qui répond à toutes les inquiétudes et à toutes les questions posées par les associations environnementales avec des chiffres très précis. Elle démontre que le prélèvement de 130 000 tonnes de bois par an ne prend que quelques pourcents de la production annuelle de la forêt sur les six départements concernés. »

« La forêt produit naturellement quatre millions de mètres cubes par an. On est très loin du massacre de la forêt limousine que semble indiquer certaines associations. »

Anne Frackowiak-Jacobs – Préfète de la Creuse

Une note interne contestée par les opposants au projet, qui avancent une autre étude produite par l’Observatoire des forêts françaises sur l’état de la ressource en bois. « L’un dit blanc, l’autre dit noir, donc il faut qu’on ait des éléments concrets.”, avance Catherine Couturier.

Vers un nouveau recours ? 

Une étude publique avec étude d’impact entraîne la nomination d’un commissaire enquêteur indépendant, chargé d’évaluer de façon impartiale l’impact environnemental d’un projet d’aménagement d’ampleur. Selon nos informations, France Nature Environnement Creuse et Canopée préparent donc un nouveau recours devant le tribunal administratif de Limoges, cette fois pour attaquer l’arrêté préfectoral autorisant l’implantation de Biosyl sans étude d’impact. « Je suis en train de finaliser la requête à l’heure où je vous parle », nous précisait, ce mardi soir, Yann Fauconnier.

De son côté, la préfète préfère ne pas commenter cette prochaine action en justice, tout en assurant qu’elle veut mettre en place des gardes fous contre une exploitation intensive de la forêt limousine. « Nous travaillons avec mes deux collègues de Corrèze et de Haute-Vienne sur une modification possible de la réglementation qui s’applique aux coupes rases et aux conditions de prélèvement. »  L’obligation d’une demande d’autorisation en préfecture pour des travaux forestiers pourrait être abaissée de quatre à deux hectares.

Une réunion entre les trois hauts fonctionnaires et les deux principales coopératives forestières de la région – Alliance Forêts Bois et Unisylva – doit se dérouler le 5 avril… Les associations environnementales n’ont, selon nos informations, pas été conviées.

L’article de France3 Nouvelle Aquitaine est ici

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Projet polémique d’usine Biosyl en Creuse : la subvention régionale retirée du vote

Un article de France3 Nouvelle Aquitaine, par Céline Serrano, le 25/03/2024.

La commission permanente du Conseil Régional de Nouvelle-Aquitaine devait se prononcer, ce 25 mars, sur l’attribution d’une subvention de 650 000€ au projet controversé d’usine à pellets à Guéret (Creuse). Le groupe écologiste s’opposait à ce financement. La délibération a finalement été retirée du vote.

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Biosyl a déjà ouvert plusieurs usines du même type, ici dans la Nièvre. © France 3 Limousin

« La délibération a été retirée par le président après entretien avec la préfète. » L’information nous a été confirmée par le cabinet d’Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine, ce lundi 25 mars. À 14 h 30, la commission permanente de l’institution régionale se réunissait et devait voter, entre autres, une subvention d’un montant de 650 000 € pour le projet d’usine Biosyl dans la Creuse.

Les élus opposés au projet se réjouissent

Ayant découvert tardivement cette délibération à l’ordre du jour, le groupe écologiste à la région avait indiqué, ce vendredi 22 mars, qu’il s’opposait « à ce projet potentiel destructeur de forêts à court terme et demande à la Région de ne pas le financer. »

L’installation de cette usine de granulés de chauffage portée par l’entreprise Biosyl fait en effet des remous depuis plusieurs mois. Elle doit prendre place sur deux communes, Saint-Fiel et Guéret. Ses promoteurs mettent en avant le développement économique du secteur, ses opposants défendent la forêt et demandent de la prudence.

Joint par téléphone à l’issue de la réunion de la commission, le conseiller régional écologiste de la Haute-Vienne et membre de la commission permanente Jean-Louis Pagès, se félicite de ce retrait : « C’est une grande victoire. C’est mon deuxième mandat et je n’avais encore jamais vu Alain Rousset retirer une délibération quand elle passait en commission permanente. » Il précise : « Ce dossier a de très grosses lacunes, on ne peut pas le présenter comme tel. La région a demandé à la préfète un complément d’information.« 

Nous nous réjouissons du retrait par la Région de la subvention à l’usine à pellets #Biosyl, en commission permanente. La mobilisation des écologistes a permis ce report. Le dossier sera réexaminé prochainement, nous restons vigilants.
Notre CP👉 https://t.co/FIXCAALMof pic.twitter.com/yFwfmDFLBm

La députée LFI de la Creuse, Catherine Couturier, elle aussi mobilisée contre ce projet, se réjouit de cette décision de retirer la subvention du vote.

En début de mois, Catherine Couturier avait fait part d’une nouvelle information dans ce dossier qui fait polémique : « La @Prefet23 me confirme que le permis de construire instruit par la mairie de St-Fiel du projet écocide Biosyl n’est pas conforme avec le Plan d’urbanisme. Monsieur le Maire, retirez votre permis ! » 

Les élus opposés à cette usine précisent qu’ils vont « rester vigilants » : le projet est loin d’être abandonné, et la subvention régionale pourra être réellement soumise au vote une fois les compléments d’informations obtenus.

L’article de France3 Nouvelle Aquitaine est ici

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Pourquoi les pellets et le bois sont-ils très polluants, même par rapport aux combustibles fossiles ?

Un article du magazine GEO, par

Une étude américaine, relayée par La Reppublica, calcule que les centrales énergétiques fonctionnant avec de la biomasse ligneuse – bois, copeaux de bois et pellets – polluent près de trois fois plus que les centrales à combustible fossile. Et au Royaume-Uni, les poêles à bois domestiques produisent tant de particules fines qu’ils neutralisent la baisse de la pollution de l’air d’origine routière (The Guardian).

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Photo d’illustration

Remplacer le fioul ou le gaz par du bois, des copeaux ou des pellets (granulés) – autrement dit, de la « biomasse ligneuse » – permet-il de moins polluer ? La réponse dépend du pays où l’on se trouve, des normes de l’installation choisie (pour une chaudière, par exemple)… mais aussi de ce que l’on entend par « polluer » : émettre des gaz à effet de serre qui réchauffent le climat, ou dégager des particules fines aux conséquences directes sur la santé.

Des centrales énergétiques (très) polluantes

Les résultats d’une étude publiée par des chercheurs de l’université de Caroline du Nord dans la revue Renewable Energy (décembre 2023), relayés en Italie par La Reppublica, sont édifiants. D’après ces travaux, les émissions polluantes (oxydes d’azote, composés organiques volatils, dioxyde de soufre, particules fines et hydrocarbures aromatiques polycycliques) des centrales énergétiques fonctionnant avec de la biomasse ligneuse sont jusqu’à 2,8 fois supérieures à celles de leurs homologues sans biomasse (centrales à pétrole et à charbon), en moyenne, par unité d’énergie.

Or, soulignent les auteurs, 2,3 millions d’Américains vivent dans un rayon de 2 km des centrales à biomasse et se trouvent donc particulièrement exposés aux effets néfastes sur la santé générés par les émissions polluantes. Il s’agit pour l’essentiel de la tranche la plus pauvre de la population américaine, ayant difficilement accès aux soins hospitaliers, notent-ils.

Le mauvais bilan de la « pelletisation »

Outre cette pollution de l’air directement nocive à la santé humaine, l’impact n’est pas non plus neutre d’un point de vue climatique. « En général, les biomasses ligneuses sont considérées comme ayant un impact nul en CO² par rapport aux combustibles fossiles, puisque la croissance des plantes élimine le carbone de l’atmosphère. En réalité, la culture, la coupe et le transport des biomasses produisent du CO² », pointe Ettore Guerriero de l’Institut de Pollution de l’Air au Centre National de la Recherche italien, interrogé par La Reppublica.

Par ailleurs, la « pelletisation » est elle aussi polluante. Cette production des pellets se fait à partir de sciure et de copeaux de bois compressés, et d’autres résidus végétaux. Or, « ces matières doivent être collectées, triées, séchées, broyées et pressées en petits cylindres. Chaque phase nécessite l’utilisation de machines, de carburant, d’eau et d’électricité, qui génèrent des émissions et des déchets », explique le chercheur italien.

Chaudières et poêles à bois…

L’étude américaine concerne les centrales énergétiques, mais qu’en est-il de nos chaudières et autres poêles ? Si les dispositifs neufs se sont certes nettement améliorés, réduisant la production de déchets imbrûlés – en particulier de particules – jusqu’à 80 % par rapport à ceux produits avant 2010, ce n’est toutefois pas la panacée.

« La biomasse domestique produit toujours davantage de polluants que les chaudières au fioul ou au gaz, notamment en termes de particules, de composés organiques volatils et de monoxyde de carbone », compare Ettore Guerriero.

Au Royaume-Uni, la hausse des émissions nocives des poêles à bois – de plus en plus populaires outre-Manche (+67 % de ventes au cours des trois derniers mois de 2022 par rapport à l’année précédente) – a même annulé en grande partie la baisse de la pollution aux particules fines provenant des routes et des sources d’énergie non-domestiques, révèlent des données gouvernementales (The Guardian, 14 février 2024).

Les émissions de PM2,5 et de PM10 [deux catégories de particules fines] provenant du chauffage des habitations à l’aide de combustibles solides tels que le bois ont ainsi augmenté de 19 % entre 2012 et 2022, contrebalançant les efforts déployés pour se déplacer et produire de l’énergie de manière moins polluante, détaillent nos confrères. Or, les particules entraînent chaque année la mort prématurée de plus de 400 000 personnes en Europe.

Récupérer la chaleur des usines ?

Des chercheurs irlandais, eux, ont décidé d’utiliser le bois – ou plutôt les sous-produits de sa transformation, notamment en papier et en carton – d’une autre manière. Ainsi, une étude publiée dans le Journal of Advanced Functional Materials montre que des membranes en lignine, un déchet de l’industrie papetière, peuvent servir à convertir la chaleur résiduelle (celle d’une usine, par exemple) en électricité en utilisant le mouvement des ions (atomes chargés) dans le matériau. Astucieux.

L’article de GEO est ici.

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A69 : les laboratoires Pierre Fabre reconnaissent financer le projet d’autoroute

Un article de Novethic, par Concepcion Alvarez, le 16/03/2024.

Longtemps murée dans son silence, l’entreprise Pierre Fabre vient de reconnaître qu’elle finançait le projet vivement contesté d’autoroute A69 entre Toulouse et Castres. Bien qu’il s’agisse d’une participation minoritaire, cela vient confirmer les intérêts des Laboratoires dans le chantier.

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Des membres de Scientifiques en rébellion, d’ExtinctionRebellion et des soignants ont interpellé le groupe pharmaceutique Pierre Fabre à Boulogne Billancourt pour qu’il cesse son soutien au projet de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres. @Scientifiques en rébellion

Interpelée pour ses liens avec le projet d’A69, l’entreprise Pierre Fabre est finalement sortie de son silence. Dans un entretien à La Dépêche du midi, publiée jeudi 14 mars, le directeur général des Laboratoires, Eric Ducournau, a révélé que l’entreprise était entrée au capital du concessionnaire de l’autoroute, Atosca.

“Avec la CCI (Chambre de commerce et d’industrie) du Tarn et une douzaine d’autres entreprises locales, nous avons rejoint la société Tarn Sud Développement qui a pris une participation minoritaire (5,3%) dans Atosca en août 2023”, reconnaît Eric Ducournau.

“Nous avons voulu manifester notre soutien à un projet indispensable pour que le bassin de Castres-Mazamet puisse se développer dans les décennies à venir. De plus, cette participation nous procure un poste privilégié d’observation pour veiller au respect par le concessionnaire de tous ses engagements, en particulier en matière d’environnement et de création d’emplois locaux”, poursuit-il.

“Les soupçons de conflits d’intérêt sont désormais avérés”

L’entreprise n’a jamais caché qu’elle était favorable au projet, voire même qu’elle en était à l’initiative. Dans une lettre publique ouverte, datant de septembre 2022, le directeur général affichait ainsi un “soutien résolu à la réalisation” de l’A69, qui doit relier Toulouse à Castres. Les laboratoires Pierre Fabre ont en outre tissé d’importants liens avec les élus locaux, qui n’hésitent pas à prendre la défense du projet au niveau national et jusqu’aux plus hautes sphères.

Le député Renaissance de la 3ème circonscription du Tarn, Jean Terlier, dont la femme est directrice du marketing au sein du groupe pharmaceutique depuis près de 20 ans, vient ainsi d’être nommé président de la commission d’enquête parlementaire devant étudier le montage juridique et financier du projet. “Les soupçons de conflits d’intérêt sont désormais avérés”, dénonce La voie est libre, dans un communiqué de presse.

Le collectif qui s’oppose à l’A69 demande la démission de Jean Terlier. “Le déontologue de l’Assemblée doit s’exprimer à nouveau sur ce mélange des genres inacceptable, ses précédentes conclusions balayant d’éventuels conflits d’intérêt doivent être révisées au plus vite”, dénonce-t-il.

Un projet dénoncé par 2000 scientifiques et 500 soignants

La veille de ces révélations, une action militante menée par des membres d’Extinction Rébellion, des scientifiques et des soignants ciblait un site Pierre Fabre à Boulogne-Billancourt, en région parisienne. “L’empire Pierre Fabre vient d’atteindre le milliard de chiffre d’affaires pour la seule marque Avène sans avoir eu besoin d’autoroute”, a souligné une militante. L’appel au boycott des produits du groupe, notamment sa marque phare Avène, a également été relayé et les militants promettent de nouvelles actions.

L’article de Novethic est ici.

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TotalEnergies, LVMH, BNP Paribas… La France, championne des dividendes malgré une économie au ralenti

Un article de Novethic, par Arnaud Dumas, le 14/03/2024.

Les entreprises françaises ont été particulièrement généreuses avec leurs actionnaires en 2023. Les distributions de dividendes en France ont progressé de 10,4%, bien plus rapidement que le reste du monde. Une dynamique qui pose question alors que les salaires ont augmenté bien moins vite que les versements aux actionnaires ces 10 dernières années, selon Oxfam.

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Les dividendes versés par les entreprises ont connu des niveaux record en 2023. @Chris Liverani-Unspl

On pourrait croire à une bonne nouvelle pour l’économie française. Les entreprises tricolores sont parmi celles dans le monde qui ont le plus augmenté les versements de dividendes, selon la dernière étude de la société de gestion britannique Janus Henderson. Elles ont versé 68,7 milliards de dollars à leurs actionnaires en 2023, en progression de 10,4% (hors dividendes exceptionnels). Une progression largement supérieure à celle enregistrée au niveau international. Les 1200 entreprises couvertes par l’étude ont versé en tout 1660 milliards de dollars de dividendes en 2023, en augmentation de 5%.

TotalEnergies atteint la première marche du podium français, avec 7,79 milliards de dollars distribués, suivi par LVMH (6,85 milliards) et BNP Paribas (5,18 milliards). Mais l’entreprise qui obtient la palme de la croissance la plus importante, c’est Engie. Selon l’étude, l’énergéticien a versé le plus gros dividende de ces dix dernières années (3,77 milliards de dollars) et représente la contribution la plus importante à l’augmentation des dividendes en France. Engie a expliqué à ses actionnaires vouloir verser entre 65% et 75% de ses résultats nets part du groupe pour les années 2024 à 2025, le dividende 2023 représentant déjà 65% des bénéfices.

Des niveaux de dividendes décorrélés de l’économie

“Le pessimisme concernant l’économie mondiale s’est avéré infondé en 2023 et, bien que les perspectives soient incertaines, les dividendes sont bien soutenus“, assure Ben Lofthouse, le responsable de l’équipe Global equity income de Janus Henderson. Mais la hausse spectaculaire des dividendes versés par les entreprises françaises semble pourtant décorrélée de l’état réel de l’économie. La Banque de France vient ainsi de publier des projections macroéconomiques à la baisse, montrant que le moteur économique français tourne au ralenti. La croissance pour l’année 2023 a plafonné à 0,9%, les prévisions pour 2024 ayant été révisée à 0,8% (0,9% prévus initialement). L’année 2023 a par ailleurs été secouée par des restructurations retentissantes d’ex-fleurons de l’économie, comme celles de Casino et d’Atos.

Pour l’année 2024, Janus Henderson prévoit pourtant encore une augmentation de la distribution des bénéfices aux actionnaires. Les entreprises pétrolières devraient notamment contribuer à cette tendance, les prix de l’énergie demeurant à des niveaux élevés. Malgré les incertitudes sur l’économie, les dividendes devraient atteindre 1720 milliards d’euros au niveau mondial, en hausse de 5%.

Le partage de la valeur en question

Ces distributions record aux actionnaires posent également la question de la manière dont les entreprises répartissent la valeur créée. Oxfam pointait ainsi du doigt dans un rapport de juin 2023 le fait que les entreprises favorisaient plutôt leurs actionnaires au détriment de leurs salariés. En dix ans, entre 2011 et 2021, les salaires n’ont augmenté que de 22% tandis que les versements aux actionnaires progressaient de 57%.

Pire, l’ONG s’inquiète du fait que les entreprises françaises versent une trop grande part de leurs gains, les dividendes ayant représenté 71% de leurs bénéfices sur cette période. Pour certaines, des dividendes ont été versés alors même qu’elles étaient en déficit, l’étude pointant notamment Engie. La transition écologique va pourtant leur imposer d’augmenter leurs investissements afin de décarboner leurs modèles d’affaires. L’institut I4CE estime ainsi que, dans l’Union européenne, les investissements publics et privés devraient doubler tous les ans d’ici 2030 pour atteindre les objectifs climatiques du Green deal, soit 813 milliards d’euros d’investissement, contre 407 milliards en 2022. L’arbitrage entre les actionnaires et les investissements verts ne semble donc, pour l’instant, toujours pas à la hauteur.

L’article de Novethic est ici.

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Dans l’Avesnois, des producteurs de pommes de terre accusés de détruire le bocage

Un article de France Bleu, par Clémentine Sabrié, le 12/03/2024.

Certains agriculteurs belges et hollandais ont arrachés des haies pour cultiver la pomme de terre dans l’Avesnois ces dernières années, ce qui provoque des problèmes écologiques, d’après les autorités locales.

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           Ce champs de pommes de terre sur la commune d’Ohain n’a pas de haies sur ses bords, lundi 4 mars.             © Radio France – Clémentine Sabrié

Le bocage avesnois, ses haies et ses forêts, sont troués, début mars, de gigantesques parcelles à la terre retournée : des champs de patates. Le Parc naturel régional de l’Avesnois est niché dans le sud-est du département du Nord, entre l’Aisne et la Belgique. Des agriculteurs y cultivent la pomme de terre depuis toujours, mais, ces dernières années, des exploitants belges et hollandais achètent ou louent des terres pour cette culture sans respecter la nature du bocage local, selon les autorités locales. Avec les fortes pluies de cet hiver, certains champs sont encore partiellement inondés.

A Ohain, le maire Sylvain Oxoby bataille depuis plusieurs années avec un agriculteur hollandais qui a des parcelles sur sa commune et d’autres alentours. En arrivant dans l’Avesnois, ce producteur a arraché beaucoup de haies, d’après l’élu qui constate qu’à ces endroits le sol absorbe moins bien l’eau. « L’eau ruisselle et va où elle doit aller, au point le plus bas, donc c’est catastrophique si on a des terrains en pente », ce qui n’est pas le cas d’Ohain, souligne Sylvain Oxoby. « Dans des communes aux alentours, on a des rues qui sont régulièrement inondées et qui se retrouvent marron alors qu’on n’a jamais eu le cas dans le passé », précise-t-il.

Les discussions entre le maire et l’agriculteur hollandais commencent à porter leurs fruits puisque ce dernier a arrêté d’arracher des haies. Sylvain Oxoby explique qu’il surveille l’état du bocage grâce à des images satellite.

« Pas l’agriculteur originaire de l’Avesnois qui fait ça »

Comme le maire d’Ohain, la direction du Parc naturel régional de l’Avesnois appelle ces agriculteurs à replanter des haies. « Le territoire de bocage avec beaucoup de haies basses » permet de retenir l’eau, assure le directeur Yvon Brunelle. Ces haies sont faites d’aubépine, de charmes, de frênes et de saules. « On pourrait, dans des secteurs qui ne sont pas en ce moment bocagés, planter des haies quelque soit la culture en terre labourable pour éviter l’érosion, pour pouvoir aussi remettre l’eau dans le sol plutôt qu’elle ne coule vers la rivière », détaille-t-il.

Ces arrachages de haies indignent Geneviève Cauchy qui cultive des patates de l’autre côté de l’Avesnois, à Wargines-le-Grand, depuis plus de 40 ans : « Eux arrachent des haies, dès qu’il y a un orage on a de la terre qui coule, les villageois sont inondés et ils ont de la terre dans leur maison. » D’après la productrice, « ça donne une mauvaise image et après tout le monde met tout le monde dans le même sac, mais c’est pas l’agriculteur originaire de l’Avesnois qui fait ça ».

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Ghislain et Geneviève Cauchy dans leur hangar de stockage de pommes de terre, lundi 4 mars, à Wargnies-le-Grand. © Radio France – Clémentine Sabrié

Son mari, Ghislain Cauchy, se souvient qu’en 2002 plusieurs de ses parcelles ont subi un remembrement. A cette occasion, « il y a eu 19 km de haies d’arracher et 21 ou 22 km de replanter », affirme-t-il.

Replanter des haies partout

A Ohain, Sylvain Oxoby a lancé une grande opération pour replanter des haies. « On replante le long des chemins communaux à la limite [des] champs [de l’agriculteur hollandais et de sa famille], donc déjà ça les perturbe un petit peu, mais la prochaine étape ce sera de discuter avec eux et de recréer des grands parcellaires dans leurs champs », explique le maire. « C’est pas gagné, mais avec le dialogue, j’espère pouvoir réussir », ajoute-t-il.

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         La commune d’Ohain va replanter 3.200 mètres de haies au bord de ses chemins communaux en 2024.             © Radio France – Clémentine Sabrié

En 2024, 3.200 mètres de haies vont être replantés sur sa commune. L’opération coûte 10.000 euros (hors main d’œuvre), dont 90% sont pris en charge par la Région des Hauts-de-France. Sylvain Oxoby propose même à ses administrés de troquer leurs tuyas pour des haies composées d’essences locales, aux frais de la commune. Une vingtaine d’habitants ont ainsi changé le bord de leur jardin.

L’article de France Bleu est ici.

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Le pillage des forêts françaises : un phénomène qui prend de l’ampleur

Un article de RTL, par Eléonore Aparicio, le 11/03/2024.

En Moselle, dans le Jura, en Loire-Atlantique ou encore dans l’Hérault, les forêts sont régulièrement victimes de coupes sauvages. Des petits propriétaires de forêts découvrent un jour avec horreur leur terrain saccagé. Un préjudice moral, financier, mais surtout une catastrophe pour la faune et la flore locale.

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À Basse-Goulaine, dans la banlieue de Nantes, une vingtaine d’arbres ont été abattus sur une parcelle privée en bordure de route, fin février. Pendant quatre jours, les bûcherons ont coupé et emporté le bois, sous le nez des voisins. La propriétaire, qui n’habite pas la commune, a porté plainte et une enquête a été ouverte.

Le cas est loin d’être anecdotique. En Moselle, dans le Jura ou encore dans l’Hérault, la presse locale se fait souvent l’écho de vols de bois dans les forêts. Il ne s’agit pas seulement de bois de chauffage, mais bien de vol de grumes, provenant le plus souvent de chênes. Une opération qui nécessite un équipement professionnel.

Didier Daclin, vice-président de la Fédération des syndicats de forestiers privés du Grand-Est (Fransylva) a constaté une augmentation des cas dans sa région qu’il impute notamment à la hausse de la demande de parquet, de bois de construction et de bois à l’exportation.

« Il y a eu ses cinq dernières années, essentiellement sur le chêne, une embellie sur les prix et la demande a beaucoup augmenté », explique-t-il. « Ce bois volé sert à alimenter des marchés parallèles ». 

Un préjudice moral, financier et environnemental

Ces coupes sauvages ont un impact désastreux sur la faune et la flore locale. « La coupe est brutale et définitive, le propriétaire n’aura plus les moyens de reconstruire une forêt derrière, cela coûte très cher. Ces parcelles ne seront jamais reconstituées », déplore Didier Daclin. « C’est une catastrophe, c’est une destruction systématique du paysage, de la forêt qui relâche de l’oxygène », insiste-t-il.

À cela, s’ajoute le préjudice moral de perdre une forêt transmise de génération en génération. « C’est une vraie violence psychologique, une forêt, c’est un patrimoine, c’est les racines d’une famille », insiste le vice-président de Fransylva Grand-Est.

Une justice qui manque d’efficacité

En février 2023, un exploitant espagnol avait été condamné à deux ans de prison avec sursis par la cour d’appel de Toulouse pour avoir découpé illégalement une centaine de chênes centenaires et plus de 300 sapins ou épicéas dans plusieurs communes ariégeoises. Sa société avait également été condamnée à payer 80.000 euros d’amendes.

Un cas qui fait presque figure d’exception en France. Les propriétaires de forêts obtiennent rarement gain de cause au tribunal. Dans son département, en Moselle, Didier Daclin essaye de convaincre les victimes de porter plainte, mais elles sont encore peu à le faire : « Au tribunal, c’est 1000 euros le droit d’entrée, c’est un avocat, un expert et les procédures longues », explique Didier Daclin. « Tant qu’au niveau de la justice, on n’aura pas sévi, les malfaiteurs seront toujours tentés d’aller plus loin », ajoute-t-il.

Comment remédier à ce trafic ?

Avec leurs moyens, Fransylva tente de trouver des solutions pour prévenir ces coupes sauvages et surveiller plus facilement la forêt. Cela passe par la sensibilisation des maires à la question, le regroupement des petites parcelles, le nettoyage des cadastres ou encore l’identification des propriétaires. « Le morcellement de la forêt privée peut devenir un handicap », confie Didier Daclin. « La forêt française, c’est 75% de propriétaires privées ».

Le vice-président de Fransylva Grand-Est regrette que le sujet ne soit pas pris en charge au niveau national. « Il faut inciter les ministères à créer une cellule pour suivre ses affaires de délits forestiers », estime-t-il. « Il faut prendre la mesure de ce marché, c’est un vrai sujet de sécurité intérieure ». 

L’article de RTL est ici.

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Un plan pour protéger le loup… mais qui permet de le tuer plus facilement ?

Un article de France Nature Environnement, le 06/03/2024.

Le gouvernement vient de présenter le nouveau Plan national d’actions « Loup et activités d’élevage », qu’il décrit comme « soucieux de la préservation de l’élevage extensif et pastoral ». Cela signifie-t-il que le Plan précédent ne se souciait pas de l’élevage ? En fait, cela exprime simplement le fait que dans le nouveau Plan la priorité soit mise sur la facilitation de destruction de loups. Pour le gouvernement, protéger ne signifie pas d’abord favoriser la coexistence entre la présence de l’espèce et les activités humaines dont le pastoralisme, mais permettre de détruire plus facilement des individus de cette espèce protégée. France Nature Environnement livre son analyse. 

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Photo d’illustration.

Un plan qui va à l’encontre de l’avis des scientifiques et de la population 

Lors de sa présentation en septembre dernier, nos associations avaient alerté l’État sur le déséquilibre du Plan national d’actions 2024-2029 sur le loup et les activités d’élevage (PNA). Malgré notre alerte, malgré les travaux du Groupe National Loup et malgré les avis négatifs du Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) et du Conseil Scientifique du PNA, l’État a lancé la consultation publique sur le nouveau PNA. Le dépôt de plus de 13 000 avis, à plus de 97 % défavorables au projet, a montré un vaste attachement à la publication d’un PNA permettant d’assurer la coexistence du loup et des activités d’élevage.

Tout ceci pour aboutir à l’annonce d’un nouveau PNA quasiment inchangé par rapport à sa version initiale. L’État n’a donc tenu compte d’aucun avis scientifique et ignoré les conclusions de la consultation publique. Au contraire, ce plan contient de nombreuses inexactitudes et des affirmations mensongères, en particulier sur l’état de conservation de l’espèce en France, le bilan des dommages (qui ont baissé l’année dernière) et les difficultés de l’élevage.

Le choix de la régulation plutôt que la coexistence 

Nos associations regrettent l’absence totale d’évaluation du PNA précédent (2018-2023) et d’analyse de l’évolution de la situation en termes de dommages, de développement de la population de loups, de valorisation des expériences de terrain favorisant la coexistence, ou de baisse du nombre d’animaux d’élevage tués par rapport au nombre de loups présents. Le gouvernement fait ainsi le choix délibéré d’utiliser les dérogations juridiquement prévues par le statut de protection pour organiser sans l’assumer une véritable régulation du loup. Pour cela, il simplifie les procédures d’abattage, empêche le rétablissement d’une population viable de l’espèce sur son aire naturelle de répartition, décrète des zones de non-protégeabilité et autorise des tirs de loups sans même exiger la mise en place préalable de moyens de protection !

De plus, les principaux points d’engagement de l’État concernent d’une part le déclassement du statut de protection du loup, et d’autre part la facilitation des autorisations et modalités de tirs qui vont générer une augmentation des destructions de loups à proximité d’élevages subissant très peu d’attaques.

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Une louve et ses petits – Crédit : Bildagentur Zoonar GmbH

Alors que ce PNA devrait garantir la bonne conservation de l’espèce en France tout en assurant le soutien et l’accompagnement du pastoralisme, il n’est fait mention que des impacts négatifs de la présence du loup et pas des bénéfices qu’elle apporte, notamment pour la régulation des populations de grands ongulés nécessaire au bon fonctionnement des écosystèmes forestiers.

Sortir du déni 

Dans leur communication, les ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique présentent ce nouveau PNA comme ancré « pleinement dans le réel ».

France Nature Environnement constate que ce Plan est au contraire ancré dans le déni :

  • déni des progrès permis par le travail conduit aujourd’hui par de nombreux éleveurs et éleveuses, bergers et bergères, qui au quotidien mettent en œuvre des moyens de protection efficaces qui ont abouti à une baisse du nombre des dommages
  • déni des expérimentations conduites un peu partout en France et en Europe, entre acteurs multiples, pour mettre en échec la prédation du loup sur les troupeaux, par de nouvelles clôtures, d’autres moyens d’effarouchement, d’autres conduites pastorales, …
  • déni de la nécessaire adaptation à la présence durable du loup, qui continuera à gagner de nouveaux territoires
  • déni des bénéfices qu’apporte la présence du loup, notamment pour le bon fonctionnement des écosystèmes forestiers par son rôle de régulation des populations de grands ongulés
  • déni des véritables difficultés des éleveurs et éleveuses, que la régulation du loup ne résoudra pas
  • déni du fait que ce sont les accords de libre-échange de la Commission européenne et du gouvernement qui fragilisent depuis longtemps l’élevage bien plus que le loup, à l’instar de l’accord signé en novembre dernier avec la Nouvelle-Zélande, qui prévoit l’importation annuelle de 34 000 T de viande ovine.

France Nature Environnement regrette que le gouvernement s’obstine dans cette orientation court-termiste de régulation du loup qui ne répondra pas aux difficultés des éleveurs. Plus de 30 ans après son retour en France, il est temps d’admettre que le loup est présent pour longtemps, qu’il va continuer à progresser dans de nouveaux territoires. Il est donc préférable d’anticiper et d’accompagner les éleveurs et éleveuses pour mettre en œuvre le triptyque de protection qui a fait ses preuves : chiens de protection, clôtures et présence humaine. Le tir doit rester une option de dernier recours, et pas être l’alpha et l’oméga de la stratégie de l’État. 

L’article de FNE est ici.

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Restauration de la nature : une victoire historique​

Un article de France Nature Environnement, le 27/02/2024.

Mardi 27 février 2024, le Parlement européen adopte le règlement sur la restauration de la nature, pierre angulaire du volet biodiversité du “Green Deal”. Le texte a traversé d’intenses phases de négociations entre le Conseil et le Parlement, et survécu à une campagne de désinformation massive orchestrée par la droite et l’extrême-droite.

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Avec plus de 80% d’habitats naturels en mauvais état, et 70% de sols en mauvaise santé, l’UE se dote aujourd’hui des moyens nécessaires pour pérenniser les modes de vie de ses citoyen·nes et de son économie.

Aujourd’hui, les états membres s’engagent à mettre en place des mesures de restauration sur 20% des terres et mers européennes d’ici 2030, et sur 100% des surfaces dégradées d’ici 2050. Cet objectif général sera décliné par type d’écosystème (marins, forestiers, agricoles, urbains, etc.) et adapté aux réalités environnementales nationales. Les états membres ont désormais deux ans pour élaborer leurs plans nationaux de restauration, qui seront révisés par la Commission jusqu’en 2027 au plus tard.

Restaurer la biodiversité pour l’humain et la nature

La biodiversité décline à un rythme sans précédent dans le monde, et en Europe, avec des conséquences dévastatrices. Selon la Commission européenne, « 81% des habitats et des écosystèmes de l’UE sont en mauvais état de conservation ». En France, le constat est similaire avec seulement 20% des habitats en bon état de conservation en métropole sur la période 2013-2018. Un chiffre qui baisse même à 6% pour les écosystèmes marins et côtiers et pour les écosystèmes humides (données de l’Observatoire national de la biodiversité). Une dégradation qui a un impact sur les espèces végétales et animales. Le rapport de la Commission européenne sur l’état de conservation de la nature dans l’Union européenne montre que les populations d’oiseaux déclinent et que 63 % des autres espèces ont un état de conservation jugé «insuffisant» ou «médiocre» (EUR-lex).

Il convient de rappeler que cette érosion dramatique de la biodiversité est liée aux activités humaines. A l’échelle mondiale, les cinq grands facteurs d’érosion de la biodiversité sont l’artificialisation des milieux naturels, la surexploitation des ressources, le changement climatique (d’origine anthropique), la pollution, et enfin les espèces invasives et envahissantes. Et l’érosion de la biodiversité menace directement la pérennité de nos modes de vie. Le Forum économique mondial a estimé en 2020 que plus de 50% du PIB mondial (soit 44 000 milliards de dollars) dépend de la nature et de ses services. La nature est en effet le support de nombre d’activités essentielles à notre existence et nos économies : production alimentaire, extraction de matériaux renouvelables (comme le bois ou les fibres textiles), assainissement de l’eau, régulation du climat, ou encore protection contre les catastrophes naturelles (glissements de terrain et inondations par exemple).

Ainsi, la restauration des écosystèmes au sein desquels (et par lesquels) nous vivons relève d’un impératif scientifique et social, pas d’un choix idéologique. Après l’inefficacité des engagements volontaires passés, l’inscription d’une obligation légale de restauration dans les textes européens est un signal fort. Ce signal est d’autant plus important que l’UE s’est engagée pour la biodiversité au niveau international, via l’accord de Kunming-Montréal dont elle a soutenu l’ambition, et elle se doit désormais d’être exemplaire et de montrer la voie aux autres pays. Au sein de l’Union, le cadre et les ambitions partagées du règlement sur la restauration de la nature viendront donner cohérence et ampleur aux efforts de restauration déjà portés à certaines échelles nationales ou dans les territoires par de nombreux acteurs (collectivités, syndicats mixtes, associations, exploitants en agroforesterie, usagers de la nature, etc.).

Il reste aujourd’hui aux états Membres à traduire cette ambition dans leurs plans nationaux, en définissant des cibles et moyens d’actions adéquats. France Nature Environnement et l’ensemble de la société civile seront là pour soutenir la France dans l’élaboration de stratégies ambitieuses et vitales pour nos écosystèmes.

Une victoire citoyenne face à des stratégies électoralistes

Dans un contexte pré-électoral, la proposition de règlement sur la restauration de la nature a fait l’objet d’une campagne de torpillage et de désinformation massive orchestrée par une alliance entre partis de droite et d’extrême-droite, et aussi alimentée par les lobbies de l’exploitation intensive des ressources naturelles (agriculture, pêche, foresterie).

Le 12 juillet 2023, la restauration des écosystèmes européens a été sauvée de justesse au Parlement – à 12 voix près sur 648 – contre une tentative d’annulation pure et simple du texte. Motivés par un calcul électoraliste, les libéraux et conservateurs européens se sont alliés pour polariser le débat, en jouant sur la peur et en utilisant la crise agricole à leur avantage. Inversant causes et conséquences, l’alliance des droites a brandi la menace de l’insécurité alimentaire et de la perte de souveraineté si l’UE désirait mettre en œuvre son «Green Deal». Or, aujourd’hui, c’est bien la surexploitation des ressources, la pollution et l’artificialisation des terres qui menacent nos systèmes de production.

Toutefois, la mobilisation massive de la société civile l’a emporté sur les contre-vérités : citoyen·nes, scientifiques, associations de protection de l’environnement, mais aussi grandes entreprises se sont exprimés par milliers en faveur du règlement sur la restauration de la nature. Pour l’ensemble de ces acteurs, c’est la protection des écosystèmes et la présence d’un cadre réglementaire fort qui assurera la transition et la résilience de notre société, en garantissant la durabilité de nos ressources et en favorisant la planification à long terme pour la transformation de nos modèles économiques.

Cette victoire confirme le rôle clé de l’Union européenne dans la protection de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique. A l’approche des élections européennes, France Nature Environnement appelle donc chacun et chacune à se rendre aux urnes le 9 juin 2024 pour permettre la poursuite des efforts engagés avec le Green Deal.

L’article de France Nature Environnement est ici.

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La contamination des fruits et légumes aux pesticides a triplé en 10 ans

Un article de La Relève et La Peste, par Juliette Boffy, le 28/02/2024.

Un nouveau rapport publié par plusieurs ONGs révèle que les fruits et légumes consommés en France et en Europe sont trois fois plus contaminés aux pesticides contenant des PFAS qu’il y a dix ans, lorsqu’ils sont issus de l’agriculture industrielle. Au total, 14% des échantillons de fruits analysés et 7% des légumes contiennent des résidus d’au moins un pesticide PFAS, contre 4% et 2% en 2011.

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Les chicorées, les aubergines et les poivrons arrivent en tête des légumes les plus contaminés.

20% des fruits cultivés dans l’UE contaminés

Les chiffres sont alarmants. Entre 2011 et 2021, la proportion des fruits et légumes de l’Union Européenne contaminés par des résidus de pesticides contenant des PFAS a augmenté respectivement de 220% et 274%.

En se basant sur les données de surveillance officielles des États membres, Générations Futures, à l’origine du rapport aux côtés d’une dizaine d’autres associations de défense de l’environnement, a constaté que l’augmentation de ces résidus se trouvait principalement dans les abricots (+333%), les pêches (+362%) et les fraises (+534%). Au total, 20 % des fruits cultivés dans l’UE et 12 % des légumes contiennent des résidus d’au moins un pesticide PFAS, les plus couramment retrouvés étant le fongicide fluopyrame, l’insecticide flonicamide et le fongicide trifloxystrobine.

Par ailleurs, ce sont la Belgique, les Pays-Bas, l’Autriche et l’Espagne qui affichent les plus hauts taux de contamination de leurs fruits et légumes, compris entre 27 et 22%.

Et en France ?

Dans l’Hexagone, cette fois, ce sont 12% des fruits et 8% des légumes qui contiennent des résidus d’au moins un pesticide PFAS. La proportion d’échantillons contaminés, surtout, a dramatiquement augmenté. À 3,4% en 2011 pour les fruits, elle a atteint 25,1% en 2021. Du côté des légumes, un chiffre moins vertigineux mais tout de même éloquent, passant de 2 % à 8,6% sur la même période.

On retrouve, là encore, en tête des pesticides relevés, le fluopyram et la trifloxystrobine, mais aussi la lambda-cyhalothrine, dans les 143 échantillons qui ont pu être analysés en 2021. Les aliments cultivés en France où la part de contamination se trouve être la plus importante sont les raisins de table (48% des échantillons positifs), les abricots (39%) et les melons (37%). Les chicorées, les aubergines et les poivrons arrivent quant à eux en tête des légumes les plus contaminés, avec 52%, 29% et 23% d’échantillons positifs aux résidus PFAS.

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Des «risques chroniques» pour l’environnement et la santé

L’association rappelle par ailleurs que les pesticides font partie des premières sources d’exposition aux PFAS pour les citoyens, menaçant tout particulièrement les travailleurs agricoles. Présents dans l’eau mais aussi l’alimentation, ces polluants dits éternels ont la particularité d’être extrêmement stables et persistants dans l’environnement.

En outre, comme le souligne Générations Futures, « les résultats de ce rapport ne sont que la pointe émergée de l’iceberg. L’étendue réelle de la contamination par les pesticides PFAS est bien plus étendue et, pour l’essentiel, reste non quantifiée et inconnue ». En effet, « l’accumulation continue de PFAS dans les sols, les eaux, la chaîne alimentaire et les cocktails qui en résultent présentent des risques chroniques pour l’environnement et la santé humaine », précise François Veillerette, porte-parole de Générations Futures.

Sans oublier la bombe sanitaire à retardement que les PFAS représentent. Même à faible dose, ils seraient responsables de cancers du rein et du testicule, mais aussi d’augmenter le taux de cholestérol ou encore de diminuer les hormones, la fertilité, les réactions immunitaires aux vaccins…

L’association en appelle aujourd’hui à interdire urgemment l’utilisation des pesticides PFAS afin de réduire leur exposition aux populations à travers les aliments.

Source : « Résidus de pesticides PFAS dans les fruits et légumes en Europe et en France : une augmentation préoccupante ! », Générations Futures, 27/02/2024

L’article de La Relève et La Peste est ici.

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Importations à bas prix, pesticides, crise climatique… L’apiculture, un secteur en souffrance

Un article de Novethic, par Florine Morestin, le 24/02/2024.

Parmi les agriculteurs en colère, il y a notamment les apiculteurs. Dans tout le pays, les producteurs de miel en vrac peinent à écouler leur stock, déjà fragilisé par les impacts du changement climatique sur les cultures et la biodiversité. Un nouveau règlement européen pour renforcer la transparence sur l’origine du miel constitue un premier pas mais les revendications sont nombreuses.

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Le 5 février dernier, des apiculteurs se mobilisaient à Lyon pour mettre en lumière leur détresse. Jeff Pachoud / AFP

La fin de l’enfumage sur l’origine du miel a-t-elle sonné ? L’accord trouvé le 31 janvier dernier par les représentants du Parlement européen et du Conseil de l’UE prévoit de rendre obligatoire l’affichage détaillé des pays de récolte du miel afin de mieux informer les consommateurs. Alors que jusqu’à aujourd’hui, seule la provenance ou non de l’Union européenne était obligatoire, chaque pays devra maintenant être mentionné dans le cas de mélanges, ainsi que le pourcentage des miels utilisés dans la composition du produit.

Un code permettra également de remonter jusqu’aux différents producteurs. Pour Elodie Colombo, directrice de l’Ada, la fédération nationale du réseau de développement apicole, “la mesure va dans le bon sens”. Car les miels vendus dans la grande distribution sont régulièrement pointés du doigt quant à leur composition et leur qualité.

“Concurrence déloyale”

Actuellement, “une grande partie du miel importé de pays hors Union européenne est soupçonnée d’être modifiée avec un ajout de sucre et n’est pas détectée” précise le Parlement européen. Les miels français sont en effet concurrencés par des nectars importés du monde entier à bas prix. En 2022, l’Institut de l’abeille (Itsap) notait une “explosion des tonnages” venus de Chine. Avec un miel vendu à moins de 3€ le kilo, le pays arrive même sur la première marche des fournisseurs du marché hexagonal.

En face, les producteurs français, eux, ne s’en sortent plus. En 2023, nombreux sont ceux qui n’ont pas réussi à écouler leur stock, entraînant des difficultés économiques. Selon une enquête menée par la Fédération française des apiculteurs professionnels, 75% des apiculteurs souffriraient d’une baisse de leurs ventes, constituant pour plus d’un tiers d’entre eux une menace pour “la survie de leur exploitation”. Cela fait plusieurs mois que [les] apiculteurs n’arrivent plus à écouler leur production ou sont contraints de la vendre à un prix proche ou en deçà du simple coût de revient”, confirme dans un communiqué l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF).

Derrière ces difficultés, le syndicat évoque “une concurrence déloyale” entraînée par des importations “massives”. A l’origine de la colère des apiculteurs, ces préoccupations viennent s’ajouter aux impacts de la crise climatique qui fragilisent de plus en plus la filière. En 2023, la sécheresse a ainsi mis en péril de nombreuses exploitations. “On voit déjà l’impact du manque d’eau sur tout l’arc Sud-Est, à des endroits où historiquement il y avait beaucoup d’apiculteurs. Il ne pleut pas suffisamment pour assurer la survie des colonies d’abeilles”, explique à Novethic Elodie Colombo.

Inquiétudes face aux pesticides

Perturbation des périodes de floraison, réduction de ressources, baisse de la qualité du pollen… Les températures extrêmes, l’absence de précipitations et les événements climatiques influent directement sur l’activité des apiculteurs. “Le changement climatique pose la question du nombre de ruches que le territoire pourra accepter d’un point de vue de la ressource”, s’inquiète Elodie Colombo.

La crise climatique pourrait également entraîner une modification des cultures, l’apparition de nouveaux prédateurs ou encore l’émergence de maladies. “Cela pourrait amener l’industrie phytopharmaceutique à développer de nouveaux pesticides, impliquant des risques chimiques sur les abeilles”, projette Elodie Colombo. Et l’inquiétude des apiculteurs sur ce point n’est pas prête de s’apaiser. Alors que le gouvernement a acté une pause sur le plan Ecophyto, les producteurs de miel pointent du doigt les conséquences de cette décision sur la survie des pollinisateurs et plus largement sur l’avenir de l‘apiculture.

“Nous déplorons avec force le recul de la politique environnementale de la France, opéré par le gouvernement suite aux manifestations agricoles, réagit Christian Pons, président de l’UNAF. Il est primordial et urgentissime que l’État revoie en profondeur sa stratégie agricole et accompagne financièrement les agriculteurs vers une transition agroécologique.”

L’article de Novethic est ici.

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Tempêtes, inondations, sécheresses… En 2023, plus de 3 phénomènes climatiques extrêmes sur 4 sont attribués au changement climatique

Un article de Novethic, par Blandine Garot, le 11/02/2024.

Des inondations dans le Pas-de-Calais à l’ouragan Otis au Mexique, en passant par les incendies monstres qui ont ravagé la Grèce et ses îles cet été… L’année 2023 a été marquée par une série d’évènements climatiques extrêmes. Et sur les 26 identifiés comme tel, 23 sont attribuables au changement climatique d’origine humaine, d’après les calculs menés par un consortium de chercheurs européens.

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Début septembre, une vague de chaleur s’abattait sur la France entraînant la mort de plus de 5 000 personnes, selon les chiffres publiés jeudi 8 février par Santé publique France. Cet événement climatique extrême avait surpris une large partie du pays en raison de son intensité et de son caractère tardif. Passée au crible par des chercheurs européens issus du consortium XAIDA (pour eXtreme events : Artificial Intelligence for Detection and Attribution), cette canicule tardive a été identifiée “comme un évènement largement unique, dont les caractéristiques peuvent être principalement attribuées au changement climatique provoqué par l’Homme”.

Or cet événement climatique extrême n’est pas le seul à avoir marqué l’année 2023. Des inondations meurtrières provoquées par le passage du medicane Daniel en Libye, aux pluies torrentielles dans les Cévennes en passant par la tempête Ciaran qui a déferlé sur la côte atlantique… combien sont attribuables aujourd’hui au changement climatique d’origine anthropique, et non à la variabilité naturelle du climat ?  C’est pour répondre à cette question que ce consortium de scientifiques a développé “ClimaMeter”, un nouvel outil d’analyse alliant la puissance de l’intelligence artificielle aux données sur le climat passé (1979-2000) et présent (2001-2022).

La science de l’attribution, une avancée dans la recherche sur le climat

Cette nouvelle méthode d’analyse rentre dans ce que l’on appelle aujourd’hui la “science de l’attribution”. Née en Europe après la canicule de 2003 et popularisée par le World Weather Attribution, cette discipline scientifique permet d’établir une corrélation entre la crise climatique et un événement météorologique extrême.

“Nous cherchons dans le passé des événements similaires à celui que nous analysons, et nous comparons ensuite les mécanismes atmosphériques qui ont abouti à ces phénomènes pour identifier les différences attribuables au changement climatique ou à la variabilité naturelle du climat”, explique auprès de Novethic Davide Faranda, climatologue, directeur de recherches au CNRS et membre du consortium XAIDA. 

Au total, 26 événements climatiques extrêmes ont été répertoriés en 2023 et analysés par cette équipe de recherche, via ClimaMeter. “Et dans 23 cas, nous avons mis au jour un lien plus ou moins marqué avec le réchauffement climatique d’origine humaine”, souligne Davide Faranda. “On ne savait pas à quoi s’attendre, mais on a été réellement surpris en fin d’année de constater qu’autant d’événements climatiques extrêmes étaient attribuables au changement climatique”, reconnaît-il.

Un atout pour penser l’adaptation

Parmi les derniers événements climatiques analysés par ClimaMater, il y a notamment les inondations dans le Pas-de-Calais en novembre dernier. Le résultat : nos analyses ont montré que le changement climatique a considérablement augmenté la quantité de pluie tombée”, commente le chercheur.

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La ville de Blendecques (Pas-de-Calais) s’est retrouvée sous les eaux mercredi 3 janvier. Charles Caby / AFP

Mais une fois le constat établi, que faire de cette analyse ? Pour Davide Faranda, “identifier clairement si tel ou tel événement est lié au changement climatique permet de prendre conscience, de faciliter la communication avec le public mais surtout avec les décideurs”. “Tous ces événements météorologiques montrant à quel point nous ne sommes pas préparés à ces risques. L’adaptation est aujourd’hui une priorité”, renchérit le chercheur. L’analyse de ces phénomènes extrêmes devrait en effet aider à anticiper et à s’adapter efficacement en identifiant les zones qui seront les plus touchées. Des propos qui font échos à ceux tenus fin janvier par le ministre de Transition écologique Christophe Béchu qui a promis de faire de 2024, l’année de l’adaptation“.

L’article de Novethic est ici.

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Mégabassines, histoire secrète d’un mensonge d’État : le film en accès libre

Un article de Reporterre, par Reporterre et Off Investigation, le 21/02/2024.

Gros intérêts financiers, soutien sans faille de l’État… Le documentaire «Mégabassines, histoire secrète d’un mensonge d’État» coproduit par Off Investigation et Reporterre est désormais en accès libre.

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Le film « Mégabassines, histoire secrète d’un mensonge d’État ». – © Off Investigation / Reporterre

Depuis plus de trente ans, la zone humide du Marais poitevin — un milieu écologique extraordinaire — est attaquée et asséchée par l’agriculture industrielle. Et non contente d’avoir réduit à presque néant cet écosystème, voilà que, depuis une dizaine d’années, les grands exploitants développent des « mégabassines », accaparant l’eau des nappes phréatiques pour continuer leurs cultures. Pis, ils présentent ce système comme généralisable, et l’on commence à voir fleurir les mégabassines à travers la France, avec le soutien du gouvernement.

Dès 2017, comme l’a raconté alors Reporterre, paysans et écologistes se sont battus contre cette appropriation d’un bien commun, et la lutte n’a pas cessé depuis de se développer, jusqu’à la terrible répression de la manifestation à Sainte-Soline le 25 mars 2023.

Cette bataille n’a pas été en vain. Des mégabassines sont interdites par la justice, et le mouvement ne faiblit pas. Pour bien en comprendre les enjeux, et les présenter en images, les deux médias Reporterre et Off Investigation se sont associés pour produire une enquête commune : mettre à jour les gros intérêts financiers cachés derrière le discours promouvant les mégabassines. Nous avons ainsi coproduit une enquête fouillée du journaliste Sylvain Lapoix révélant « les vraies raisons des mégabassines » et un film de Clarisse Feletin, « Mégabassines, histoire secrète d’un mensonge d’État », reprenant ce travail en l’inscrivant dans l’histoire longue de cette lutte intense.

Avec Off Investigation, nous sommes heureux de vous proposer ce film en accès libre, parce que l’information doit être partagée par toutes et tous. Le film sera disponible mercredi 21 février à 21 h.

L’article de Reporterre est ici.

Le Film « Mégabassines, histoire secrète d’un mensonge d’État » est là.

Ce sont deux médias libres qui ont produit cette enquête : libre des actionnaires, libres du pouvoir, libres de la publicité. Et c’est pourquoi, financés uniquement par les internautes, nous pouvons mener des enquêtes totalement libres. Pour nous soutenir, c’est ici.

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La planète a connu un réchauffement de +1,5°C pendant 12 mois consécutifs, une première dans l’histoire

Un article de Novethic, par Blandine Garot, le 08/02/2024.

L’année 2024 commence mal. Jamais un mois de janvier n’a été aussi chaud, a annoncé jeudi 8 février le service européen Copernicus. Loin de s’arrêter là, la planète a dépassé sur douze mois consécutifs la barre des +1,5°C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle. Et ce, pour la première fois de l’histoire.

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Il s’agit d’un début d’année hors norme. L’observatoire européen du climat Copernicus a révélé jeudi 8 février que janvier 2024 a bel et bien été le mois de janvier le plus chaud jamais enregistré à l’échelle mondiale. La température moyenne de l’air à la surface de la Terre a été de 13,14°C, soit 0,70°C au-dessus de la moyenne de 1991 à 2020. Le dernier record enregistré pour un mois de janvier remontait à 2020, avec une température de 13,02°C.

Mais surtout, la température de janvier dépasse de 1,66°C celle de l’ère préindustrielle, franchissant ainsi l’objectif du 1,5°C de réchauffement pour le douzième mois consécutif. Entre février 2023 et janvier 2024, la température mondiale de l’air à la surface du monde a été de +1,52°C par rapport à la période 1850-1900.

“Un avertissement brutal sur l’urgence des mesures à prendre”

Pour Richard Betts, directeur des études sur les impacts climatiques à l’Office national de météorologie britannique, cela “ne signifie pas que nous avons franchi la barre des 1,5°C fixée à Paris en 2015 pour tenter d’enrayer le réchauffement climatique et ses conséquences”. Selon lui, il faudrait que cette limite soit dépassée de façon stable sur plusieurs décennies. “Néanmoins, il s’agit d’un nouveau rappel des profonds changements que nous avons déjà apporté à notre climat mondial et auxquels nous devons maintenant nous adapter, a-t-il ajouté.

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La température moyenne mondiale des douze derniers mois est la plus élevée jamais enregistrée, selon l’agence européenne Copernicus. Photo de Renzo D’souza sur Unsplash

Au-delà de l’adaptation, Brian Hoskins, directeur de l’Institut Grantham sur le changement climatique à l’Imperial College London, y voit “un avertissement brutal sur l’urgence des mesures à prendre pour limiter le réchauffement climatique”. Même réaction du côté de Copernicus, où sa directrice adjointe, Samantha Burgess, appelle à “des réductions rapides des émissions de gaz à effet de serre (…), seul moyen d’arrêter l’augmentation des températures mondiales”.

Nos océans toujours plus dans le rouge

Autre point d’alerte soulevé par Copernicus : l’état de nos océans. La température à la surface de la mer explose également et a atteint ce mois-ci 20,97°C. Il s’agit là aussi d’un record pour janvier, mais aussi de la deuxième valeur la plus élevée sur l’ensemble de l’année, approchant de très près le record du mois d’août 2023 qui était de 20,98°C. Il y a quelques jours déjà, la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) alertait sur le fait que les océans avaient connu “neuf mois consécutifs de températures records”.

Pour expliquer ce phénomène, certains scientifiques avancent plusieurs hypothèses comme des blocages atmosphériques, ou encore le développement d’El Niño, voire la réduction des rejets dans l’atmosphère de certains aérosols par le transport maritime. Or les océans jouent un rôle essentiel dans la régulation du climat, en absorbant la chaleur et en agissant comme un puits de carbone. Mais ces impacts positifs diminuent à mesure que les océans se réchauffent.

L’article de Novethic est ici.

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A69, futurs puits de pétrole en Gironde… La tempête souffle sur les projets du monde d’avant

Un article de Novethic, par Anne-Catherine Husson-Traore, le 12/02/2024.

Deux rassemblements de protestation contre des projets écologiquement controversés étaient organisés ce week-end. L’un sur le chantier de l’A69 près de Tarbes, l’autre à Bordeaux pour protester contre le forage de nouveaux puits de pétrole en Gironde. Greta Thunberg a participé aux deux.

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Greta Thunberg lors d’une manifestation à Bordeaux, le 11 février 2024. Thibaud Moritz / AFP

Des milliers de manifestants ont défilé dans les rues de Bordeaux dimanche 11 février pour demander au préfet de ne pas signer l’arrêté permettant de forer huit nouveaux puits de pétrole à La Teste-de-Buch, rendue célèbre par les incendies spectaculaires de l’été 2022. Le projet de la société canadienne Vermilion est controversé depuis des mois.

Il est en contradiction avec les engagements climatiques pris par la France de faire décliner l’exploitation d’hydrocarbures d’ici 2040 sur son sol et les recommandations de l’Agence Internationale de l’Énergie de ne pas exploiter de nouvelles sources d’énergies fossiles. C’est pourquoi les principaux activistes climatiques se sont joints à la manifestation dont Camille Etienne et la plus célèbre d’entre eux, Greta Thunberg. Elle a cherché à se fondre dans la foule où avaient pris place des élus écologistes dont le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic.

“Garder les huitres, pas le pétrole”

Les futurs forages font partie des ressources pétrolières du bassin d’Arcachon et symbolisent le choc de deux modèles économiques, celui de l’intensification de l’exploitation des énergies fossiles pour répondre à une demande qui ne décroit pas, et celui de la préservation de la nature. “Garder les huitres, pas le pétrole”, répète Bruno Hubert, le porte-parole du mouvement de protestation contre le projet de Vermilion Energy. Les diverses autorisations ayant été accordées fin 2023, les projets d’exploitation à plus de 3000 mètres de profondeur n’attendent plus que le feu vert du préfet.

Le remaniement, intervenu entre temps, pourrait avoir une influence puisqu’il n’y a plus de ministre en charge de la Transition énergétique comme l’était Agnès Pannier-Runacher. C’est désormais Roland Lescure qui est ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances et il est en charge de l’industrie et de l’énergie, sans mention de transition. C’est pourquoi les manifestants de Bordeaux sont inquiets ce qu’il qualifie de recul climatique du gouvernement, à l’image du climatologue Christophe Cassou qui a défilé à Bordeaux.

Tout comme Greta Thunberg qui était dimanche 11 février à Bordeaux et samedi 10 février à Tarbes, il fait le lien entre deux projets controversés depuis des mois : l’exploration de nouvelles ressources pétrolières en Gironde et la construction du tronçon d’autoroute A69 entre Tarbes et Toulouse. Les manifestations sur ce chantier ont pris de l’ampleur depuis plusieurs mois et donné une visibilité nationale au projet.

L’A69 et Pierre Fabre

Au départ il était centré sur la protection des arbres que le chantier devait détruire avec des activistes qui y avaient grimpé dont Thomas Brail. Celui-ci a fait une longue grève de la faim pour tenter de stopper le chantier. Au fil du temps, la controverse s’est déplacée sur le terrain des modes de transport et de l’obsolescence d’un nouveau tronçon d’autoroute pour gagner vingt minutes de trajet alors que d’autres aménagements, plus respectueux de la biodiversité, sont possibles. Les laboratoires Fabre qui avaient initialement fortement porté le projet conforme à leur désir de de désenclavement sont désormais ciblé par des appels au boycott de leurs marques Ducray, Klorane….

Le bras de fer entre les élus qui soutiennent le projet dont la présidente de Région Carole Delga et les activistes environnementaux s’est une nouvelle fois intensifié ce week -end.

Selon un sondage d’octobre, 76 % des personnes interrogées souhaiteraient l’abandon du projet et l’organisation d’un référendum local.

L’article de Novethic est ici.

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Combiner agriculture et écologie rapporterait 10 000 milliards de dollars par an, selon un rapport scientifique inédit

Un article de Novethic, par Clément Fournier, le 06/02/2024.

En plein débat sur le mal-être des agriculteurs, un collectif d’une soixantaine de chercheurs publie un rapport inédit sur les bénéfices de la transition écologique pour l’agriculture. Celle-ci permettrait d’économiser près de 10 000 milliards de dollars par an dans le monde, et de revaloriser les conditions de vie des agriculteurs. Les principaux enseignements résumés dans une infographie.

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Combiner écologie et agriculture aurait des bénéfices pour les agriculteurs et l’ensemble de la société. Photo de Akin Cakiner sur Unsplash

L’écologie, ennemie de l’agriculture ? C’est le refrain que l’on entend en boucle dans les médias depuis le début du mouvement agricole. La colère légitime des agriculteurs quant à leurs conditions de vie et de travail a rapidement été récupérée par certains, qui ont fait de la transition écologique un bouc-émissaire du mal-être de la profession. Cette posture, défendue par la FNSEA et la droite, est pourtant éloignée des revendications de beaucoup d’agriculteurs, mais également du consensus scientifique sur le sujet.

La Food System Economics Commission, qui rassemble une soixantaine de scientifiques spécialisés, a publié un rapport sur le sujet le 29 janvier qui estime les bénéfices considérables pour les agriculteurs et pour l’ensemble de la société de la transition écologique de l’agriculture. Ce travail scientifique de grande envergure ambitionne ainsi de devenir l’équivalent du rapport Stern pour l’agriculture. En 2006, le rapport coordonné par Nicholas Stern, l’ancien chef économiste et vice-président de la Banque mondiale, alors directeur du Budget et des Finances publiques au Trésor britannique, avait marqué un tournant dans la prise de conscience climatique auprès des décideurs.

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La transition écologique dans l’agriculture : des bénéfices pour tous

Les gains d’une transition vers l’agro-écologie

Le système agricole actuel est très largement dysfonctionnel, selon les chercheurs. Non seulement, il ne permet pas de rémunérer correctement les agriculteurs, mais en plus, il a des coûts environnementaux, sanitaires et économiques gigantesques. En produisant une nourriture de plus en plus industrialisée, à travers des méthodes agricoles polluantes, le système agricole mondial contribue à la hausse des maladies liées à l’alimentation, à la dégradation environnementale, et à de nombreux problèmes socio-économiques. Au total, ce sont près de 15 000 milliards de dollars qui sont perdus chaque année à cause du système agricole mondial, soit 12% du PIB mondial.

Selon les chercheurs, la transition écologique du secteur permettrait d’atténuer une grande partie de ces coûts, et d’économiser jusqu’à 10 000 milliards de dollars par an en dépenses sociales, et coûts environnementaux et sanitaires. Elle permettrait aussi de faire émerger une agriculture compatible avec nos objectifs environnementaux, en faisant de l’agriculture un puits de carbone net, qui absorberait jusqu’à 5 milliards de tonnes de CO² par an. Sans parler des bénéfices sur la biodiversité et sur la santé des agriculteurs, grâce à la réduction de l’usage des pesticides.

Alors concrètement, à quoi ressemblerait cette transition ? Moins de viande et de produits d’origine animale, et plus de céréales, légumineuses, fruits et légumes, plus durables et sains. Un rééquilibrage des productions qui contribuerait à assurer un meilleur revenu aux agriculteurs et notamment aux éleveurs qui sont les agriculteurs les moins bien rémunérés en France. Il s’agit aussi d’accompagner financièrement et techniquement les agriculteurs, pour développer des modèles agricoles plus durables (moins de pesticides, rotations de culture, intégration de la biodiversité dans les champs, etc.).

Les leviers d’une transition agro-écologique juste

Pour y parvenir, trois leviers financiers sont identifiés : d’abord, réduire les subventions à des modèles et des productions agricoles non-soutenables. Ensuite, instaurer des taxes sur certains types d’exploitations agricoles, notamment celles des grands acteurs de la chaîne de production, puis en redistribuant ces taxes et subventions aux agriculteurs pour financer leurs revenus, et investir dans de nouvelles techniques agricoles. Enfin, créer des filets de sécurité économiques, pour permettre aux populations les moins favorisées d’acheter une nourriture de meilleure qualité, à un prix qui rémunère mieux les producteurs.

Mais, selon les chercheurs, ce ne sont pas tellement les freins techniques ou financiers qui bloquent la transition agro-écologique aujourd’hui, mais bien des freins idéologiques. Ils pointent ainsi du doigt “la concentration des pouvoirs aux mains de quelques acteurs du système agro-alimentaire“, qui pourrait, à travers des stratégies de lobbying, empêcher la mise en place de politiques publiques de transformation. Plus spécifiquement, ils décrivent comment certains grands acteurs agro-industriels (secteur de la viande, des produits laitiers, du sucre, producteurs de pesticides…) se mobilisent de plus en plus fortement pour déplacer le débat sur la transition agricole et retarder les réglementations qui pourraient affecter leur secteur.

C’est d’ailleurs bien cette polarisation du débat que l’on retrouve aujourd’hui au cœur de la controverse sur la transition écologique de l’agriculture. La diffusion de discours de plus en plus éloignés des constats scientifiques, opposant écologie et agriculture, constitue une forme de lobbying qui freine les efforts de transition. Pour y faire face, les chercheurs appellent à une mobilisation constante des pouvoirs publics, des consommateurs et du monde associatif, pour mieux valoriser et mettre en avant la littérature scientifique sur le sujet. Les connaissances sont là, il ne reste qu’à les diffuser.

L’article de Novethic est ici.

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Dans les Hauts-de-France, un canal de 107 kilomètres va «monopoliser» l’eau

Un article de Reporterre, par Guillaume Bernard, le 05/02/2024.

Peu connu, le canal Seine-Nord Europe devrait voir le jour dans les Hauts-de-France en 2030. Des opposants s’interrogent sur son utilité, et dénoncent les problèmes de gestion de l’eau que soulève ce projet.

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Emmanuelle, opposante au futur canal Seine-Nord Europe, devant l’actuel canal du Nord. © Guillaume Bernard / Reporterre

« Quand je suis arrivée dans le coin, je me suis mise à chercher les opposants. Il n’y en avait pas. » Emmanuelle habite à Voyennes, petite commune de l’est de la Somme entourée de champs et d’éoliennes. À horizon 2030, le canal Seine-Nord Europe (CSNE) devrait passer à quelques kilomètres de chez elle. « C’est un projet dont les gens entendent parler depuis plus de vingt ans sans que rien ne se passe. Alors, ils pensent qu’il ne se fera jamais et ne se mobilisent pas », continue cette membre du Collectif contre le canal Seine-Nord Europe.

Pourtant, fin 2022, les premiers coups de pelle ont été donnés dans l’Oise et « le chantier du siècle », comme l’appelle la Société du canal Seine-Nord Europe (SCSNE), maître d’ouvrage du projet, a bel et bien commencé. Le 16 décembre dernier, 200 à 300 opposants se sont finalement rassemblés à Compiègne pour une première manifestation. « Ce mégacanal a été pensé à une période où l’on ne se posait pas les mêmes questions en matière d’écologie. Aujourd’hui, il pose problème », assure Emmanuelle.

Il est vrai qu’à l’heure où les grands travaux ne font plus l’unanimité, l’ampleur de ce chantier interroge. Long de 107 kilomètres, le futur canal devrait traverser la région Hauts-de-France entre Compiègne (Oise) et le nord de Cambrai (Nord), parallèlement à l’actuel canal du Nord. Objectif affiché : rendre possible la navigation de péniches à grand gabarit entre la France, la Belgique et les Pays-Bas, ce que le canal du Nord, trop étroit, ne permet pas. Sa construction nécessitera la création de soixante-deux ponts routiers et ferroviaires ainsi que, prouesse technique, un pont-canal de 1,3 km qui transporterait l’eau par-dessus la Somme.

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Tracé du futur canal Seine-Nord Europe. © Société du canal Seine-Nord-Europe

Avec 78 millions de m3 de terrassement (plus de trois fois les travaux du métro du Grand Paris), sa construction engage les plus grands travaux d’infrastructures jamais connus en France. Financé par l’Union européenne, l’État français et les collectivités territoriales qui dirigent la SCSNE, le projet est, pour l’heure, estimé à 5,1 milliards d’euros. Le projet est toutefois présenté comme écologique par ses initiateurs puisqu’il promet de réduire le fret routier, particulièrement polluant, à la faveur du fluvial, bien moins producteur de gaz à effet de serre. Et pour convaincre, le maître d’ouvrage utilise un argument simple et efficace : les bateaux grand gabarit peuvent transporter jusqu’à 4 400 tonnes de marchandises chacun, soit l’équivalent de 220 camions. De quoi désengorger l’autoroute A1.

Monopoliser « 55 fois la mégabassine de Sainte-Soline »

Dès lors, pourquoi s’opposer au fret fluvial ? Pour le Comité de liaison pour des alternatives aux canaux interbassins (Clac), producteur d’une documentation critique sur le CSNE, les raisons de s’opposer, non pas au fret fluvial en général, mais à ce canal en particulier, sont nombreuses. En premier lieu, le comité considère que les péniches à grand gabarit ne viendront pas forcément remplacer les camions.

«Seuls quelques pour cent [des marchandises transportées par] trafic routier sont “fluvialisables”, tant sont différents les types de marchandises, les origines et les destinations», résume le comité. De plus, complète-t-il, si des péniches souhaitent transporter des conteneurs sur le futur canal, elles seront limitées en nombre de couches par la hauteur des ponts de l’Oise.

La SCSNE assume le fait que le canal ait été pensé avant tout pour transporter du matériel BTP et des produits agricoles, sans que cela n’amoindrisse l’intérêt du canal. « Le canal sera utilisé à 60 % pour transporter du matériel BTP et des produits agricoles. La part des produits manufacturés et marchandises générales transportées sera de 13 % dans les premières années du canal », estime Pierre-Yves Biet, directeur de la SCSNE chargé des partenariats territoires.

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Actuel canal du Nord au niveau de Nesle (Somme). © Guillaume Bernard / Reporterre

Pour les opposants, le canal pose aussi question en matière de gestion de l’eau. C’est d’ailleurs ce qui a poussé le collectif Bassines non merci à participer à la manifestation du 16 décembre à Compiègne. Son alimentation va monopoliser 35 millions de m3 d’eau. 14 millions de m3 pour la retenue d’eau d’Allaines (Somme), qui permettra de réguler le niveau du canal et 21 millions pour le canal lui-même. « Soit cinquante-cinq fois la mégabassine de Sainte-Soline », se plaît à comparer le comité.

Or, selon un rapport du conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) des Hauts-de-France, rendu le 8 novembre 2022, il se pourrait que cette quantité ne suffise pas. En prenant en compte le réchauffement climatique, le canal aurait besoin d’une seconde retenue d’eau pour que la navigation reste possible en temps de sécheresse. Alors que la ressource en eau pourrait se raréfier, mobiliser de telles quantités d’eau pour assurer du transport de marchandises inquiète.

Dans ce même rapport, la SCSNE répond à ces inquiétudes. D’après elle, seule l’Oise alimentera le canal en eau : hors de question de puiser dans les nappes phréatiques. Elle estime que ses calculs anticipent largement les risques de sécheresse puisqu’ils ne prennent pas en compte la pluie. Enfin, ils se basent sur un niveau d’étanchéité plus faible que celui dont sera réellement doté le canal. Les pertes en eau liées à l’étanchéité seraient donc surévaluées, selon elle.

Le Ceser incite tout de même les acteurs régionaux à s’interroger : au détriment de quoi, de qui, le remplissage du canal devra-t-il se faire ? Les particuliers ? Les agriculteurs ? Les milieux naturels ? Parmi les opposants, on doute que la dernière option ait bien voix au chapitre.

L’article de Reporterre est ici.

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Cinq questions sur le projet d’usine à granulés bois à Guéret

Un article de France Bleu, par Marie-Jeanne Delepaul, le 15/10/2023.

L’entreprise Biosyl veut ouvrir une usine de pellets à Guéret. Elle assure que le projet permettra de valoriser localement des sous-produits de l’exploitation forestière. La députée de la Creuse Catherine Couturier estime au contraire qu’une telle usine met en danger la forêt.

Biosyl Auvergne-06

L’usine Biosyl de Lempdes-sur-Allagnon en Haute-Loire fonctionne depuis aout 2022

Une usine de granulés bois est en projet en Creuse. L’entreprise Biosyl, qui a déjà deux usines en France en Haute-Loire et dans la Nièvre, veut s’implanter dans la zone industrielle de Guéret. Une consultation publique ouvre ce lundi 16 octobre à Guéret et Saint-Fiel pour que les habitants prennent connaissance du projet et donnent leur avis.

La députée insoumise de la Creuse a d’ores et déjà pris position : cette usine inquiète Catherine Couturier. On vous explique en cinq points le projet de Biosyl et les questions qu’il suscite.

Une usine à granulés, pour quoi faire ?

Le marché du granulés bois croit de 10% par an selon Biosyl. C’est une énergie renouvelable en plein boom. « Si on veut développer l’énergie made in France plutôt que faire venir des pellets des pays de l’est ou de Turquie, il vaut mieux valoriser localement nos ressources, afin de permettre à des dizaines de milliers de gens de se chauffer, plutôt que d’utiliser du fioul d’Arabie saoudite ou du gaz d’Algérie », souligne Antoine de Cockborne, le dirigeant de Biosyl. L’usine guérétoise devrait permettre d’alimenter en granulés bois 70.000 foyers.

D’où viendrait le bois ?

Biosyl compte produire 85 mille tonnes de granulés par an à Guéret. Pour cela, il faut presque le double de bois, 150 mille tonnes. Il sera coupé dans un rayon de 130 km autour de Guéret. Ce serait essentiellement des feuillus, à 80% : des déchets de scierie en petite quantité mais surtout des bois malades et des bois d’éclaircie, c’est-à-dire de jeunes arbres coupés pour laisser pousser les plus gros. « On ne coupe pas des arbres exprès pour faire des granulés, insiste le dirigeant de Biosyl. Dans une forêt, pour donner de la lumière aux arbres qui poussent pour aller plus tard dans des scieries, il faut faire des travaux d’éclaircie. Il faut couper les petits arbres chétifs, ce sont ceux-là qu’on veut récupérer. »

Il s’agit de petits rondins, dont le diamètre est inférieur à celui du bois de chauffage d’après Biosyl. Jusqu’à présent, l’Office national des forêts envoie ces bois d’éclaircie dans des usines à papier ou à panneaux hors de Creuse. Avec ce projet, il y aura moins de transport, ils pourront être valorisés localement.

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L’usine Biosyl de Cosne-sur-loire (58) : vous les voyez, vous, les arbres chétifs que cette usine utiilise ?

Pourquoi la Creuse ?

D’après Biosyl, ce projet ne va pas conduire à surexploiter nos forêts. Antoine de Cockborne explique : « On attache de l’importance à la gestion durable, c’est-à-dire prélever moins que l’accroissement naturel, ce qui pousse chaque année. Contrairement aux idées reçues, aujourd’hui en France on prélève moins de bois que ce que la forêt donne. »

La Creuse a été choisie justement pour l’abondance de ses ressources. D’après Biosyl, actuellement, on coupe 39% de l’accroissement naturel de la forêt, alors qu’on est à 60% en France. « Les 150 mille tonnes de bois dont on a besoin par an ne représentent que 3,5% de l’accroissement naturel, donc clairement il y a largement le bois disponible pour alimenter cette usine », pointe le porteur de projet.

Pourquoi la députée de la Creuse est contre ?

L’ONF fournirait 10% du bois à cette future usine. Le reste viendrait d’UNISYLVA, une coopérative forestière. Les petits propriétaires seront-ils incités à faire des coupes rases ? C’est la crainte de la députée insoumise de la Creuse Catherine Couturier. Elle « fait confiance » à l’ONF pour gérer durablement la forêt mais s’inquiète pour le reste des approvisionnements : « On voit bien la pression qui existe déjà aujourd’hui de la part des coopératives forestières. Elles vont démarcher les propriétaires pour acquérir des parcelles. je crains qu’on ait des coupes rases pour faire des pellets. »

Elle poursuit au micro de France Bleu Creuse : « Je ne dis pas qu’il ne faut pas couper le bois, mais on fait erreur, il faut arrêter avec cet engouement sur ce mode de chauffage qui met un risque sur le devenir de notre forêt. » Ce projet pose pour elle la question des choix en termes d’énergies renouvelables : « Demain, si on a des méthaniseurs, des champs photovoltaïques et la forêt coupée, que restera-t-il en termes d’attractivité pour ce département ? » Dans un communiqué, Catherine Couturier dénonce : « Le projet Biosyl Limousin à Guéret va à contre sens de l’intérêt général de notre territoire et de la planification écologique reconnue incontournable jusqu’au sommet de l’État. »

Quel enjeu économique ?

Biosyl veut investir 25 millions d’euros dans cette nouvelle usine. L’entreprise compte créer 35 à 40 emplois directs grâce à cette unité creusoise, ainsi qu’une centaine d’emplois indirects. Biosyl espère démarrer les travaux début 2024 pour une ouverture, au mieux, fin 2025.

  • Si vous voulez en savoir plus vous pouvez aller voir le dossier sur ce projet dans les mairies de Guéret et Saint-Fiel. La consultation publique est ouverte jusqu’au 13 novembre.
  • La députée de la Creuse prévoit par ailleurs une réunion publique sur ce sujet lundi 30 octobre à 19h dans la grande salle de la mairie de Guéret.

L’article de France Bleu est ici.

L’article sur l’incendie d’août 2022 dans l’usine à pellets Biosyl de Cosne-sur-Loire est ici.

Commentaire

Pour être un peu plus complet sur ce projet, dimanche 28 janvier à Guéret (Creuse) le Syndicat de la Montagne Limousine (Groupe Forêt) organisait une conférence-débat, soutenue par l’association Canopée : « La forêt face au projet d’usine de granulés Biosyl », dont la vidéo est ici. Les dirigeants de Biosyl, invités à cette conférence, ont décliné l’invitation.

Le premier commentaire sous cette vidéo vient d’une habitante de Cosne-sur-Loire, « Gwendolyne » et date de début février 2024 : « Bonsoir, ravie de tomber sur votre vidéo à l’instant. Merci à vous. Je pensais que Biosyl Cosne était oublié. C’est un désastre pour nos forêts, ça j’en conviens et tout à fait d’accord avec vous. Mais aussi un désastre pour les riverains, dont personne ne parle. Le bruit jour et nuit, j’insiste sur la nuit, 7 jours sur 7, 24h sur 24. Ca n’arrête jamais. Nos fenêtres fermées en permanence pour les fumées, même en périodes de canicules. Lorsque qu’il pleut nos salons de jardin sont gris de cendres. Pétitions faites. Plaintes à la mairie. Réponse : Biosyl emploi beaucoup de personnes. La vie est devenue impossible à Cosne, nous ne dormons plus. L’été va arriver, nous allons être encore cloîtré chez nous. Biosyl ne réalise pas que ces nuisances sans interruption impactent notre santé. Nous vivons biosyl, mangeons biosyl et essayons de dormir biosyl. Cette usine fait travailler d’accord mais à quel prix. Pourrir la vie de centaines de riverains épuisés. Démoralisés. Bon courage à vous, ne lâchez rien. »

Un nouveau témoignage qui conforte notre action contre l’usine de pellets à usage industriel de Jeferco à Anor ! Car si nous ne nous étions pas mobilisés, cette usine fonctionnerait et nous pourrions écrire la même chose sur ces nuisances.

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Salins-les-Bains : l’usine à pellets toujours source d’inquiétudes

Un article de Hebdo 39, par Odile Rigaud, le 04/01/2024.

Courant décembre, l’association Pays de Salins Environnement organisait un rassemblement, allée Marcoux, « pour donner des informations sur le dossier, préciser les points d’avancement et expliquer un peu aux gens les tenants et les aboutissements du permis de construire en cours ». Ce permis bien que partiellement accordé est encore entouré d’incertitudes.

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Le cœur des préoccupations tourne autour de l’enquête administrative menée par la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), déterminante pour la classification ICPE (Installation Classée pour la Protection de l’Environnement) de l’usine. Cette enquête cruciale, qui évalue les risques liés à l’électricité, aux incendies, à la faune et la flore, et aux espaces protégés, est en cours et a été récemment prolongée. La demande d’avis complémentaires à l’entreprise pourrait retarder le projet de 9 à 12 mois. «Nous sommes contents que l’État appuie sur ces éléments qui nous inquiétaient» admet Cendrine Chauvin, membre de l’association Pays de Salins Environnement.

« Des interrogations sérieuses sur le permis de construire ont été soulevées, mettant en lumière des incohérences et des contradictions entre les déclarations initiales et finales. Les retombées sur le bruit, la pollution de l’air, les impacts sur la santé et la population n’ont pas été calculées ni présentées », souligne Cendrine.

Les incertitudes persistent également concernant le nombre d’emplois, la richesse générée pour la communauté, et les garanties environnementales. L’association attend l’avis du préfet sur l’enquête ICPE en cours. Les membres de l’association, (80 adhérents et 60 sympathisants), soulignent leur engagement pour un pellet respectueux de l’environnement, issu d’une économie circulaire. Ils critiquent le manque de précisions sur le type d’emplois, les retombées financières, et dénoncent le projet de l’entreprise EO2 en tant qu’industriel, ne correspondant pas aux pratiques circulaires locales.

« L’association souligne également les préoccupations liées à l’approvisionnement en bois, la concurrence avec d’autres entreprises locales. Le projet, estimé à 25 millions d’euros, manque de transparence sur les retombées financières et sur les emplois réels qui seront créés. »

Dans l’attente de l’avis de la DREAL, les membres de l’association sont satisfaits du potentiel délai supplémentaire, mais restent vigilants. Leur message est clair : « nous ne sommes pas contre l’utilisation de pellets, mais nous sommes contre ce type d’entreprise qui vient s’installer ici pour détruire le territoire, déforester et faire de l’argent. »

La mobilisation de l’association est également soutenue par d’autres organisations locales, dont Jura Nature Environnement, le CCR de Champagnole, le collectif citoyens résistants, et le Pic Noir.

La lutte contre l’usine à pellets se poursuit donc. L’association Pays de Salins Environnement déterminée à défendre son environnement, ses emplois, et sa qualité de vie a déposé un recours en date du 9 novembre. La date butoir du 31 décembre marque la fin de l’exclusivité donnée à l’entreprise EO2 pour conduire l’étude de faisabilité ainsi que l’échéance du compromis de vente. L’association s’interroge : « l’exclusivité sera-t-elle prolongée ? »

Sur ce point Michel Cêtre, maire de Salins, confirme : « oui, la date du 31 décembre met fin à l’exclusivité, mais le projet n’est pas remis en cause. Des discussions vont être engagées en interne avec la CCAPS Coeur du Jura et l’entreprise pour la signature d’un nouveau contrat. EO2 a engagé de l’argent dans ce projet, il était et il est normal que l’entreprise soit protégée. De toute façon, nous n’avons pas d’autres candidats ».

L’article de Hebdo 39 est ici.

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Bonus réparation : un dispositif largement méconnu qui peine à mobiliser les consommateurs et les réparateurs

Un article de Novethic, par Par Fanny Breuneval, le 05/02/2024.

Plus d’un an après le lancement du fonds réparation, c’est l’heure du bilan. L’association « Halte à l’obsolescence programmée » a étudié l’impact de ce dispositif innovant à l’échelle de l’Europe. Alors que les attentes sont grandes, sa mise en œuvre souffre encore de nombreuses fragilités.

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Le bonus réparation, par famille de produits.

Le bonus réparation, qui permet de se faire rembourser une partie (entre 15 et 60 euros) de ses réparations sur les produits électriques et électroniques  par le gouvernement, a suscité de grands espoirs. Un an après son lancement, le résultat est sans appel : le bonus n’a été mobilisé que pour 0,2% des pannes et 1,7% des réparations hors garanties en 2023. C’est ce que dévoile l’étude menée par l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP), en partenariat avec deux enseignants-chercheurs en sciences de gestion d’AgroParisTech et de Mines-Paris-PSL.

Manque de réparateurs, communication trop discrète, montants insuffisants… Les griefs évoqués par les consommateurs et réparateurs sont nombreux. “C’est un dispositif innovant mais dont le déploiement est bridé, ce qui suscite des frustrations”, épingle Flavie Vonderscher, porte-parole de HOP. Face à cela, l’association émet des recommandations pour améliorer ce dispositif.

Un manque criant de réparateurs labellisés

Première difficulté souvent évoquée et documentée, le manque de réparateurs labellisés. Seuls 4 répondants sur 10 considèrent qu’un réparateur labellisé réside assez proche de chez eux. Pas étonnant, selon HOP, alors que seuls 8% de réparateurs de produits électroniques étaient labellisés au moment du questionnaire parmi ceux recensés par l’Ademe. Le nombre s’est élevé à près de 21% fin 2023 mais il pourrait plafonner rapidement. 8 réparateurs non labellisés sur 10 ne souhaitent en effet pas le devenir, dévoile le rapport. En cause, le prix d’accès et des craintes sur la complexité administrative.

Une fois un réparateur labellisé trouvé, d’autres freins subsistent. La majorité des consommateurs a jugé “insuffisants” les bonus pour des produits tels que le “gros électroménager” ou encore “les équipements informatiques”. Le rapport estime que les bonus ne sont pas assez élevés pour “limiter le coût de la réparation à moins de 33 % du prix d’achat d’un produit neuf pour de nombreuses « familles de produits”, soit le niveau “psychologique” établi par l’Ademe pour déclencher l’envie de réparer.

Un dispositif trop peu connu

HOP préconise une communication d’ampleur nationale sur le bonus. Moins de la moitié des consommateurs interrogés connaissaient le dispositif alors même que le public de l’étude est “déjà sensibilisé à l’écologie”, note HOP. Le bonus est ainsi loin d’atteindre ses objectifs, ni même de dépenser le budget qui lui est alloué. Alors que le gouvernement promet 410 000 millions d’euros sur six ans, seulement quatre millions ont été dépensés en 2023.

Certaines améliorations effectives au premier janvier 2024 vont améliorer son fonctionnement. Le seuil de déclenchement pour la réparation des ordinateurs portables a été abaissé de 180 euros à 150 euros. Tous les bonus ont aussi été augmentés de cinq euros et certains ont été doublés. Le gouvernement a enfin rendu éligibles de nouveaux produits et a ajouté dans les critères d’éligibilité la réparation d’écran de smartphones pour casse accidentelle. Toutefois, les pannes logicielles ne sont toujours pas prises en compte.

La France reste toutefois pionnière sur le sujet, estime HOP. Le dispositif, déjà élargi en 2023 aux produits textiles et chaussures, devrait aussi être lancé en 2024 pour les articles de sport, les articles de bricolage et de jardin et les meubles. Quelques autres bonus semblables émergent en Europe, dans le land de Thuringe en Allemagne ou encore en Autriche. Ces derniers portent uniquement sur les appareils électriques et électroniques. Selon HOP, le contexte européen est “favorable à l’introduction d’un véritable droit à la réparation”. Reste à en préciser les contours autant pour le bonus réparation que pour d’autres initiatives telles la TVA circulaire.

L’article de Novethic est ici.

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Vittel, Cristalline, Perrier… La fraude des industriels de l’eau minérale, le scandale de trop ?

Un article de Novethic, par Clément Fournier, le 30/01/2024.

Une enquête menée par le journal Le Monde et Radio France montre que le secteur français des eaux en bouteilles a régulièrement fraudé et dissimulé des pratiques illégales dans ses chaînes de production. C’est une nouvelle remise en cause de l’éthique et de la transparence des industriels de ce secteur, déjà plusieurs fois pointés du doigt ces dernières années.

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Le secteur des eaux en bouteilles fait l’objet d’un nouveau scandale. Photo de Jonathan Chng sur Unsplash

Vittel, Hépar, Perrier, Cristalline, St-Yorre…. Plusieurs marques d’eau en bouteille, commercialisées par les géants Nestlé Waters ou Alma, sont au cœur d’un scandale inédit révélé par une enquête publiée le 30 janvier par Le Monde et Radio France. Elles auraient durant plusieurs années fraudé la réglementation en matière de traitement de leurs eaux minérales.

La réglementation impose en effet que les eaux commercialisées comme « eaux minérales naturelles » ne soient pas désinfectées ou ne subissent pas des filtrations trop importantes. L’objectif de ces réglementations étant de préserver la qualité de la composition minérale et microbiotique des eaux, que les industriels utilisent d’ailleurs comme argument commercial.

Pourtant, dès 2020, les services de l’État ont identifié que certains forages d’industriels utilisaient ces systèmes de filtration et de traitement des eaux contraires à la réglementation. Mais la fraude ne s’arrête pas là.

Eaux minérales : des fraudes à grande échelle

Les industriels auraient aussi pratiqué des « mélanges d’eaux non autorisés de plusieurs sources exploitées », ainsi que des mélanges avec de « l’eau du réseau » (l’eau du robinet), ou des « adjonctions de gaz carbonique industriel dans des eaux minérales dites « naturellement gazeuses » » selon Le Monde. En d’autres termes, les industriels ont donc commercialisé pendant des années des eaux minérales qui n’auraient pas dû être vendues comme telles, des eaux filtrées, ne respectant pas la minéralité naturelle, avec des traitements irréguliers.

Malgré les notes des enquêteurs des services de l’État, Alma assure à Novethic, n’être « en aucun cas concernée » par les informations diffusées dans Le Monde. « La sécurité sanitaire et alimentaire de nos eaux n’a jamais été remise en cause. Nos eaux minérales et de source sont conformes aux arrêtés préfectoraux autorisant leur embouteillage et ne font pas l’objet de filtrations non autorisées », précise le groupe. Contactée par Novethic, Nestlé Waters confirme de son côté « des erreurs conduisant à des enjeux de conformité » et l’utilisation de mesures « qui n’étaient pas en ligne avec le cadre réglementaire ».

Pendant des mois, peut-être des années, certains industriels ont en tout cas dissimulé des problèmes de conformité au sein de leurs productions d’eaux en bouteilles, et ce, alors qu’elles continuent de communiquer sur le caractère pur et sain de leurs produits. Ce n’est que plus d’un an après les premiers constats de la DGCCRF que Nestlé Waters a admis, lors d’un rendez-vous en 2021 avec la ministre déléguée à l’Industrie, avoir utilisé sur tous ses sites de conditionnement, des traitements illégaux, sans que l’affaire ne soit toutefois rendue publique. Alors que les eaux en bouteille avaient déjà été pointées du doigt pour leur contamination aux nanoparticules de plastique, c’est une nouvelle preuve du manque de transparence du secteur.

Des questions qui s’amplifient autour des eaux en bouteilles

La multiplication de ces scandales finira-t-elle par détourner les consommateurs des eaux en bouteilles ? C’est possible selon Nathalie Davoisne, chargée d’étude au Centre d’Information sur l’eau. L’organisation mène depuis 27 ans une étude sur la perception des consommateurs sur l’eau, et selon la spécialiste, « la courbe de préférence s’inverse progressivement depuis 20 ans en faveur de l’eau du robinet, qui est perçue comme un produit plus écologique et plus surveillé ».

Karine Sanouillet, experte grande consommation, abonde : « ces marchés des eaux en bouteille se portent encore relativement bien, mais on voit de plus en plus de risques émerger : risque lié au plastique, risque environnemental, risque lié à l’accès à l’eau… Chaque nouveau scandale, chaque nouvelle affaire est susceptible d’amplifier les questions des consommateurs sur l’eau qu’ils achètent. »

Reste que cette affaire est aussi la preuve du lobbying mené par les industriels des eaux embouteillées pour tenter de préserver leur image. En l’occurrence, Nestlé Waters a demandé, lors du rendez-vous avec le ministre de l’industrie en 2021, l’assouplissement de la réglementation sur les traitements autorisés pour les eaux minérales naturelles. L’industriel a obtenu gain de cause en février 2023, suite à une réunion interministérielle, ce qui a permis au secteur de continuer à exploiter ses forages avec des systèmes de filtration.

Certains liens entre les industriels de l’eau et l’exécutif peuvent d’ailleurs susciter les interrogations : Hélène Courades, qui était cheffe de cabinet de la ministre de l’Industrie à l’époque où Nestlé Waters a rencontré l’exécutif, est depuis devenue directrice générale de Boissons Rafraîchissantes de France, un groupe représentant les intérêts du secteur des boissons, dont Nestlé Waters est un des principaux adhérents. Ce qui apporte, encore, de l’eau au moulin de la controverse sur la transparence du secteur.

L’article de Novethic est ici.

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Couper la forêt pour faire voler les avions : dans les Pyrénées, la résistance s’organise

Un article de Reporterre, par Chloé Rebillard, le 30/01/2024.

Produire du carburant à partir de bois, pour des avions et des bateaux… Ce projet menace la forêt des Pyrénées. Des opposants s’organisent.

Navarrenx (Pyrénées-Atlantiques), reportage

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De nombreux opposants aux usines de biocarburants à Lacq sont des anciens de la lutte contre la mégascierie Florian, ici lors d’une de leurs manifestations, en 2021. – Facebook/Touche pas à ma forêt-Pyrénées

Dans la petite salle adjacente à la mairie de Navarrenx, dans les Pyrénées-Atlantiques, c’est l’effervescence en cette fin janvier. Après plusieurs mois à communiquer virtuellement, les habitants et associations déterminés à contrer le projet E-cho, porté par l’entreprise Elyse Energy à Lacq, se retrouvent pour la première fois en assemblée générale.

« L’idée de base du projet consiste à utiliser du CO2 et de l’hydrogène pour en faire la synthèse avec des catalyseurs et produire des biocarburants. D’une part du kérosène utilisé pour l’aviation, et de l’autre du méthanol pour le transport maritime. Le CO2 qu’ils veulent produire viendra de la biomasse, c’est-à-dire de la forêt », résume le physicien retraité Henri Pépin, membre de la Sepanso 64, une association environnementale. Les dépenses en énergie, eau et bois nécessaires à un tel projet inquiètent. Depuis qu’ils ont pris connaissance de l’idée d’Elyse Energy au début de l’été 2023, ils ont abattu un travail de documentation sur les conséquences de l’implantation de telles usines sur le territoire.

« Le projet dit qu’il décarbone, c’est faux. Loin de décarboner, il carbone beaucoup », dénonce Henri Pépin, démonstration à l’appui. Une première mobilisation à l’initiative de l’association Canopée s’est tenue au moment de l’ouverture d’une phase de consultation organisée par Elyse Energy, le 17 octobre dernier. En parallèle, une pétition a été mise en ligne sous le titre « Tromperie aux biocarburants à Lacq ». Depuis, les associations à l’origine de l’alerte ont travaillé leurs arguments. La mobilisation entre dans une seconde phase, celle de la communication.

S’inspirer de la victoire contre la mégascierie Florian

Une cinquantaine de personnes ont répondu à l’appel pour commencer à organiser la lutte contre ce nouveau projet qui menacerait la forêt de la chaîne des Pyrénées s’il venait à voir le jour. Tous les opposants présents ont dans la tête l’appétit forestier de Florian, une multinationale italienne, qui prévoyait d’installer une mégascierie à Lannemezan (Hautes-Pyrénées) pour exploiter du bois d’œuvre. De nombreuses personnes présentes aujourd’hui sont d’ailleurs des vétérans de cette lutte.

Après la forte mobilisation des habitants, organisés dans un collectif soutenu par plus de cinquante structures, le projet a été abandonné. Cette victoire contre une entreprise puissante et soutenue par des élus locaux donne de l’espoir aux opposants. Et reprendre la recette utilisée pour faire tomber Florian est dans les têtes.

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La mobilisation contre la mégascierie Florian a permis l’abandon du projet. © Chloé Rebillard / Reporterre

« Nous pourrions faire des réunions publiques pour expliquer le projet aux habitants dans les villages, cela avait bien marché avec Florian », lance Jean-Claude Dutter, président de l’Association pour la conservation du cadre de vie d’Oloron et du Bager (Accob).

Interpeller les élus locaux sur leur position, aller au-devant des habitants sur les marchés, monter la communication en puissance vers le national et l’échelle européenne… les idées fusent au sein de la petite assemblée. Jeanne Ophuls, porte-parole du collectif, note cependant une difficulté quant à la mobilisation des habitants : « Nous sommes en contact avec des personnes jusqu’aux Pyrénées-Orientales, mais pour le moment, Elyse Energy ne dit pas sur quel territoire ils comptent prélever le bois. Dans ce contexte, c’est plus difficile de les mobiliser. »

« Couper des forêts pour faire voler des avions, c’est non. »

Un premier temps fort a déjà été repéré : celui de la journée internationale des forêts, qui aura lieu le 21 mars. À cette occasion, les associations organisent des sorties pédagogiques qui sont autant de moments privilégiés pour expliquer à la population le danger qui plane au-dessus de la cime des arbres.

L’enquête publique, prévue au printemps 2024, est aussi dans le viseur des militants. Ils souhaitent en profiter pour communiquer et alerter les habitants afin de monter une mobilisation, si possible aussi forte que celle contre la mégascierie. Le slogan est déjà trouvé : « Couper des forêts pour faire voler des avions, c’est non. »

L’article de Reporterre est ici.

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28°C à Malaga, 21°C à Arles : le Sud de l’Europe touché par une vague de chaleur en plein hiver

Un article de Novethic, par Blandine Garot, le 29/01/2024.

Un week-end printanier en plein hiver. En Espagne et dans le sud de la France, de nouveaux records de chaleurs sont tombés pour un mois de janvier. Un impressionnant redoux qui inquiète les scientifiques.

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Jeudi 25 janvier a été battu à Valence, le record de chaleur pour le mois de janvier en Europe avec 30,7°C mesurés. Jose JordanAFP

Même en hiver, les records de chaleur tombent les uns après les autres dans le Sud de la France et en Espagne. Côté français, le mercure a grimpé jeudi 25 janvier jusqu’à 25,6°C à Vivès (Pyrénées-Orientales), 22,1°C à Montpellier (Hérault), 21°C à Arles (Bouches-du-Rhône)…et de l’autre côté des Pyrénées, il a fait 29°C à Valence et 27,8°C à Malaga.

À noter d’ailleurs que l’Espagne a battu le nouveau record de chaleur mensuel pour l’Europe. Celui-ci a été enregistré à Gavarda, dans la province de Valence, où le thermomètre est monté jusqu’à 30,7°C. Et cette vague de chaleur quasiment digne d’une fin de printemps pourrait persister au-delà du 31 janvier, comme l’indique l’agroclimatologue Serge Zaka, sur X.

Un redoux anormal pour la saison

Ainsi, janvier 2024 serait bel et bien le 24e mois d’affilée au-dessus des normales de saison, sur la période 1990-2000. Et ce, malgré la vague de froid qui a traversé la France pendant le mois. Pour le scientifique Serge Zaka, « les anomalies chaudes compensent très largement les faibles anomalies froides ». « En gros, ça fait maintenant deux ans que la France n’a pas connu un mois plus froid qu’à l’accoutumée », insiste-t-il.

Même constat pour le climatologue de Météo-France Matthieu Sorel, interrogé par nos confrères de Libération. « Cet épisode n’est pas du tout normal pour la saison (…) on se situe à certaines stations à +10°C au-dessus des normales« , explique-t-il, « à tel point que près de la Méditerranée, les températures sont très printanières, dignes d’une fin d’avril, voire d’un début du mois de mai ».

Un danger pour certaines espèces végétales

Cette remontée des températures s’explique par l’arrivée en Europe d’un anticyclone venu d’Afrique du Nord, qui a fait remonter une masse d’air subtropicale, chassant le froid. Ce genre d’épisode climatique pourrait être amené à se répéter plus fréquemment à cause du réchauffement climatique.

Or ces températures printanières en plein hiver pourraient avoir de graves répercussions, notamment sur les végétaux. « Jours et nuits, les températures sont au-dessus des seuils végétatifs de tous nos arbres (5 à 10°C) : les premières floraisons ne devraient pas tarder. Trop précoces malheureusement, comme ces quatre dernières années », prévient Serge Zaka. Et si les floraisons débutent, les végétaux seront alors vulnérables par la suite au gel, avec le risque de ruiner les récoltes à venir.

L’article de Novethic est ici.

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Crise climatique en Europe : sans adaptation, l’élévation du niveau de la mer pourrait coûter 872 milliards d’euros d’ici à 2100

Un article de Novethic, par Blandine Garot, le 25/01/2024.

Alors que le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a annoncé mardi 23 janvier faire de « 2024 l’année de l’adaptation », une nouvelle étude vient confirmer que sans préparation aux effets de la crise, la facture sera salée. Dans le pire des scénarios, le PIB de certaines régions littorales de l’Union européenne et du Royaume-Uni serait lourdement pénalisé, avec des pertes économiques estimées à 872 milliards d’euros d’ici à 2100. Et la France ne serait pas épargnée.

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Dans le pire des scénarios concernant les émissions de GES et l’élévation du niveau de la mer, l’Union européenne et le Royaume-Uni pourraient perdre 872 milliards d’euros. Unsplash

À deux reprises, une partie du Pas-de-Calais a eu les pieds dans l’eau. Au total, près de 400 entreprises ont été directement touchées par les inondations de novembre et janvier derniers, selon la Chambre du Commerce et de l’Industrie. Et si cette situation n’était qu’un avant-goût de ce que s’apprêtent à vivre les habitants de nos régions littorales, du Pas-de-Calais à la côte Atlantique ?

Si l’on se place dans le pire des scénarios climatiques (+5°C) avec une montée des eaux à + 1,7 mètre d’ici à 2100, l’économie des régions côtières sera mise à rude épreuve, comme vient de le démontrer une équipe de chercheurs de l’Université technique de Delft aux Pays-Bas. Dans une étude * publiée le 18 janvier dernier dans Scientific Reports, et passée inaperçue en France, les auteurs ont révélé que les dommages causés par la hausse du niveau de la mer pourraient coûter à l’Union européenne et au Royaume-Uni jusqu’à 872 milliards d’euros d’ici à la fin du siècle. Parmi les pays les plus touchés figurent la Lettonie, l’Italie et l’Irlande.

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Les Hauts-de-France et la côte atlantique dans le rouge

Les chercheurs ont également modélisé les répercussions économiques qu’une montée des eaux de +1,7 mètre pouvait engendrer sur les 271 régions européennes analysées. Ils ont ainsi découvert que l’UE et le Royaume-Uni, qui comptent tous deux parmi les 12 plus gros contributeurs au commerce mondial, pourraient perdre jusqu’à 1,26% de leur PIB. Et si ce chiffre peut paraître minime, certaines régions côtières seraient quant à elles confrontées à de très lourdes retombées économiques, avec des pertes pouvant aller jusqu’à 21% du PIB régional, d’ici à la fin du siècle. Un coût qui s’explique notamment par la délocalisation de certaines industries dans les terres. Cette mise à l’abri permettrait toutefois à certaines régions intérieures d’augmenter leur PIB mais de 1% seulement.

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Parmi les régions européennes les plus fortement affectées, direction le Nord de l’Italie avec en tête la Vénétie avec une perte de PIB de 20,84%, suivie de l’Émilie-Romagne avec une chute de plus de 10%. Quant à la France, elle est loin d’être en sécurité. De la Manche à la Côte Atlantique, notre littoral se teinte aussi de rouge. Les régions Hauts-de-France, Pays-de-Loire et Nouvelle-Aquitaine pourraient voir chuter leur PIB de 10%. « Le but de cette étude n’est pas d’effrayer », insiste l’une des autrices, Tatiana Filatova, auprès du média Independent. « Ce qui est important c’est le fait que le chiffre global de l’ensemble du continent donne une idée fausse des dommages réels que subiront les économies au niveau régional ».

S’adapter, une nécessité  

Ces pertes économiques pourraient toutefois être évitées. Elles n’auront lieu que si « aucun investissement n’est fait pour contrer les effets de cette hausse du niveau de l’eau, comme de nouveaux aménagements, la construction de digues, etc », prévient l’un des auteurs, Ignasi Cortès Arbuès. Car cette étude met implicitement en évidence l’importance de mener des politiques d’adaptation spécifiques à chaque région. Pour cela, il faut « comprendre quels secteurs et régions sont les plus touchés afin de les aider à concevoir des stratégies d’adaptation privées et publiques sur mesure », explique la chercheuse et co-autrice de l’étude Tatiana Filatova. Avec l’objectif de « bâtir des économies résilientes au changement climatique ».

Et hasard du calendrier, côté français, Christophe Béchu a assuré que « 2024 sera l’année de l’adaptation ». Lors d’une conférence « La France s’adapte », le ministre a annoncé les premières lignes du troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), dont le texte final est attendu pour cet été. Ce dernier tablera à la fois sur un scénario à +2°C aligné sur l’Accord de Paris, mais aussi sur un plus pessimiste à +4°C, inimaginable il y a un an encore mais rendu plus que probable si l’on suit les tendances actuelles d’émissions de gaz à effet de serre et les engagements pris par les pays.

L’article de Novethic est ici.

* Ignasi Cortés Arbués, Theodoros Chatzivasileiadis, Olga Ivanova, Servaas Storm, Francesco Bosello et Tatiana Filatova, « Distribution of economic damages due to climate-driven sea-level rise across European regions and sectors », Scientific Reports, 18 january 2024.

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En Espagne, des températures typiques d’un mois de juin

Un article de Reporterre, le 26/01/2024.

En Espagne, les températures estivales en plein mois de janvier battent de tristes records, dans la continuité des grands épisodes de sécheresse de 2023 : 29,5 °C jeudi vers Valence, 28,5 °C dans la région Murcie, 27,8 °C près de Malaga…

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Des records de température pour un mois de janvier ont été battus dans plusieurs villes d’Espagne. Ici, la ville de Baiona. – Flickr/CC BY-NC-ND 2.0 Deed/Miquel Fabre

Plusieurs records locaux de températures ont été battus un peu partout dans le pays. Ruben Del Campo, porte-parole de l’Agence d’État de météorologie espagnole (Aemet), a souligné que le mercure avait « atteint ou dépassé les 20 °C » dans près de la moitié des stations météorologiques du pays. Ces températures, anormales pour la période, s’approcheraient plutôt d’un niveau « propre au milieu ou à la fin du mois de juin ».

Cette vague de chaleur, qui touche également le sud-est de la France, serait provoquée par la présence d’un puissant anticyclone au-dessus de la Méditerranée.

Barcelone dans un état critique

De quoi laisser craindre de terribles épisodes de sécheresse, alors que le thermomètre avait déjà dépassé déjà les 40 °C en avril 2023 dans certaines parties de la péninsule ibérique. À terme, les fortes températures en Espagne pourraient transformer le pays en désert. L’an passé, l’ONU avait indiqué que « 74 % du territoire espagnol était en danger de désertification. Un risque jugé comme élevé pour 18 % de l’Espagne, comme c’est le cas en Andalousie et en Catalogne ». Barcelone est d’ailleurs dans une situation critique, alors que la métropole est touchée depuis trois ans par une sécheresse historique.

En Catalogne, le niveau des réservoirs stockant l’eau en prévision des mois les plus secs est tombé mi-janvier à 17 % de leur capacité. Le passage imminent sous les 16 % entraînerait le décret d’un état d’urgence et de nouvelles restrictions. Alors que le dérèglement climatique ne cesse de s’accélérer, les conséquences, elles, sont déjà bien visibles.

L’article de Reporterre est ici.

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La réparation des voitures électriques Tesla est trop chère : le loueur Hertz repasse aux thermiques

Un article de Novethic, par Blandine Garot, le 18/01/2024.

Marche arrière pour Hertz. Aux États-Unis, la société de location de courte durée automobile a annoncé le 11 janvier mettre en vente près d’un tiers de ses véhicules électriques pour les remplacer par des voitures thermiques. Les raisons d’un tel revirement : une baisse de la demande, une perte de valeur résiduelle mais surtout le coût de réparation bien trop élevé de ses dernières, avance l’entreprise américaine. Et la marque Tesla n’y est pas pour rien.

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L’entreprise américaine de location de véhicules Hertz compte se débarrasser d’un tiers de sa flotte électrique, dont majoritairement des Tesla, afin d’investir de nouveau dans des modèles thermiques. Hertz

Hertz a-t-il vu trop grand ? En octobre 2021, ce géant de la location de véhicule a annoncé avoir passé une commande au leader de la voiture électrique Tesla de 100 000 Model 3 d’ici 2026, signant ainsi une entrée fracassante dans l’électrification de sa flotte. Deux ans plus tard, l’entreprise américaine semble déchanter. Alors que sa flotte américaine est actuellement composée de 50 000 véhicules électriques, dont 35 000 Tesla (Model 3 et Model Y), son PDG Stephen Scherr a annoncé le 11 janvier un plan de cession d’un tiers de sa flotte électrique, soit près de 20 000 véhicules. Et 600 d’entre eux seraient d’ailleurs déjà mis en vente.

À la place, le groupe souhaite investir de nouveau dans des modèles thermiques.  »Certains de ces véhicules électriques sont devenus non rentables pour nous », explique-t-il au média américain Bloomberg, tout en ajoutant que « la société prévoit de réinvestir une partie du revenu de la vente des véhicules électriques dans l’achat de véhicules à combustion interne afin de répondre à la demande des clients ».

Car côté américain, l’électrique n’a plus le vent en poupe. Selon l’agence Bloomberg, la croissance des véhicules électriques a énormément ralenti aux États-Unis en 2023, n’augmentant que de 1,3% au dernier trimestre. Cette tendance s’explique notamment par la baisse du prix de l’essence.

Un désaveu pour la marque Tesla

Mais là où le bât blesse pour Hertz, c’est sur le coût très élevé des réparations des véhicules électriques. Pour endiguer ce phénomène, l’Américain avait pourtant pris les devants en limitant le couple du moteur et la vitesse des véhicules électriques, ou en les réservant aux conducteurs expérimentés sur la plateforme de réservation. Ces mesures n’ont toutefois pas suffi comme l’explique son PDG Stephen Scherr : « Bien que l’entretien conventionnel des véhicules électriques soit resté inférieur à celui des véhicules thermiques au troisième trimestre, l’augmentation des collisions et des réparations de dommages sur les véhicules électriques a continué à peser sur nos résultats ».

Et Hertz a très certainement misé sur le mauvais cheval, en choisissant majoritairement Tesla (70%) pour électrifier sa flotte. « Dans le cas de Hertz, c’est bien la marque Tesla qui est visée, il faut se garder de généraliser aux autres marques de véhicules électriques », insiste auprès de Novethic Jean-Philippe Hermine, directeur général de l’Institut Mobilité en Transition (IMT) et chercheur associé à l’Iddri. Car la marque automobile d’Elon Musk fait figure de très mauvais élève quand il s’agit de réparabilité.

« Sur les études menées par Mobivia, Tesla, et quelques marques chinoises, sont extrêmement mal classées. Et cela doit être une alerte aussi pour le constructeur et le consommateur qui doivent rester vigilants, non pas seulement sur le prix d’achat mais sur le prix en termes de cycle de vie, soit le coût total d’usage, où doit résider l’intérêt finalement du véhicule électrique », explique Jean-Philippe Hermine pour qui il est urgent de clarifier les exigences concernant, par exemple, la réparabilité des batteries. De plus, Tesla est l’un des premiers constructeurs à faire appel au « mégacasting », un procédé qui consiste à concevoir d’un seul bloc les châssis, ainsi que des parties entières du véhicule, à l’aide de gigantesques presses.

Aux États-Unis, Tesla est aujourd’hui l’un des constructeurs dont les cotisations d’assurance sont les plus élevées, selon les analyses de MarketWatch Guides, alors que ces technologies permettent de limiter le nombre d’accidents.

Tesla également écartée des flottes électriques de Sixt

À cela, il faut aussi ajouter la guerre des prix que mène Tesla depuis plus d’un an avec ses principaux concurrents, dont le Chinois BYD. « Sur le marché de l’occasion, des véhicules achetés il y a un an se retrouvent en concurrence avec des véhicules neufs, dont le prix a baissé de 4 à 5 000 euros », nous explique Jean-Philippe Hermine. Une dépréciation qui a finalement coûté cher à Hertz avec une division par deux de son action à la Bourse de New York ces derniers mois.

Hertz n’est pas le seul à avoir pris ce chemin. Début décembre, Sixt est arrivé à la même conclusion. Il a décidé de stopper l’achat de nouveaux véhicules Tesla et même de s’en débarrasser au fur et à mesure du renouvellement de sa flotte. Mais contrairement au groupe américain qui préfère retourner vers le thermique, le groupe allemand compte bien maintenir ses objectifs d’électrification pour atteindre 90% en Europe d’ici à 2030. Pour cela, il se tournera vers d’autres constructeurs comme BMW, Peugeot, Mercedes, MG, Nio,… plus vertueux en termes de réparabilité.

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L’avant-projet de loi sur la souveraineté énergétique fait l’unanimité contre lui

Un article de Novethic, par Concepcion Alvarez, le 09/01/2024.

À peine publié et déjà largement critiqué. L’avant-projet de loi sur la souveraineté énergétique, qui remplace la loi de programmation énergie-climat, prône une relance inédite du nucléaire avec un plancher minimum de production et se contente de poursuivre le déploiement des énergies renouvelables sans objectif inscrit dans la loi.

Energy concept

Concernant les énergies renouvelables, aucun objectif n’est précisé dans l’avant-projet de loi relatif à la sécurité énergétique. iStock

Attendu depuis l’été dernier, le nouveau projet de loi relatif à la souveraineté énergétique a été dévoilé fin décembre et présenté à la presse lundi 8 janvier. Le code de l’énergie prévoyait l’adoption d’une loi de programmation sur l’énergie et le climat au plus tard le 1er juillet 2023. Finalement, le texte se concentre avant tout sur le volet énergétique et sera présenté en Conseil des ministres fin janvier-début février avant d’être débattu au Parlement pour une adoption d’ici l’été.

Dans la lignée du discours de Belfort d’Emmanuel Macron de février 2022 et de la présentation de la stratégie française énergie et climat (SFEC) en novembre dernier par Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique, ce texte fait la part belle au nucléaire et omet tout objectif chiffré pour le déploiement des énergies renouvelables. De quoi provoquer un tollé au sein des ONG environnementales mais aussi du secteur des renouvelables.

« Relance inédite du nucléaire »

L’un des piliers mis en avant par le gouvernement est en effet la « relance inédite du nucléaire ». Ce programme repose sur la construction de six nouveaux réacteurs EPR2 par EDF en vue de mises en service dans la prochaine décennie, ainsi que le lancement d’études en vue de la réalisation d’au moins 13 GW nucléaires supplémentaires, correspondant à 8 EPR2. « Ce programme est une nouvelle épopée industrielle pour notre pays qui renoue avec l’esprit de la France des bâtisseurs », précisé l’exposé des motifs.

Alors que la loi climat et résilience de 2015 prévoyait de plafonner à 50% la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici à 2035, cet objectif n’a fait qu’être repoussé sous le mandat d’Emmanuel Macron. Le virage est total puisqu’il s’agit désormais de fixer une production minimale d’énergie nucléaire à 63 gigawatts (GW) d’ici 2035 et de construire de nouveaux réacteurs. « Le scénario central, inscrit dans la loi, sera la production d’électricité au moyen du recours à l’énergie nucléaire. Le solde sera assuré par les autres énergies pilotables et renouvelables, en fonction d’un décret » commente l’avocat en droit de l’environnement Arnaud Gossement.

Une « accélération du déploiement des énergies renouvelables »

Concernant les énergies renouvelables, aucun objectif n’est précisé dans le texte, il faut se référer pour cela à l’exposé des motifs. L’exécutif y confirme la priorité donnée à l’éolien en mer, avec un objectif de 18 GW installés en 2035, équivalent à 6 réacteurs EPR2. Le rythme de déploiement du solaire photovoltaïque sera doublé pour atteindre plus de 75 GW en 2035 dans le scénario central, en assumant une hypothèse haute sur la base d’un triplement à cet horizon. Enfin, c’est le statu quo pour le développement de l’éolien terrestre avec un rythme de développement « maintenu ».

« Le Gouvernement a-t-il honte des énergies renouvelables ? », s’indigne le Syndicat des énergies renouvelables dans un communiqué. « Le projet de loi abandonne toute ambition pour les énergies renouvelables en revenant en arrière par rapport à la loi actuelle et en y supprimant toute référence à des objectifs chiffrés de développement des énergies renouvelables, à l’exception de la chaleur et du froid. Les énergies renouvelables sont ainsi présentées comme un simple supplétif au nucléaire et non comme l’élément clé de notre souveraineté qu’elles constituent, que ce soit à court ou à long-terme », déplore-t-il.

Éviter le risque de contentieux

Le projet de loi prévoit enfin de remplacer le terme de « réduire » les émissions de gaz à effet de serre qui prévalait jusqu’alors par « tendre vers une réduction » de ces émissions. « Cette modification de la nature même de cet objectif aurait sans doute des conséquences pour des contentieux engagés par des personnes physiques ou morales souhaitant opposer à l’État ses propres objectifs. Si ces derniers sont imprécis ou faibles, la question de la responsabilité de l’État dans la réalisation de ces objectifs ne sera pas analysée de la même manière », commente Arnaud Gossement.

Ce texte témoigne aussi de la volonté de la France de faire reconnaître une nouvelle catégorie au sein de l’Union européenne, celle des énergies décarbonées, incluant le nucléaire, au détriment des énergies renouvelables. Paris bataille depuis plusieurs mois auprès de Bruxelles pour imposer ces termes dans les différents textes adoptés et entend bien se faire entendre à l’heure où l’UE doit fixer de nouveaux objectifs à l’horizon 2040. Agnès Pannier-Runacher est d’ailleurs à Prague ce mardi 9 janvier pour porter ce sujet au sein de l’alliance du nucléaire qu’elle a initiée il y a quelques mois et qui prône la neutralité technologique.

L’article de Novethic est ici.

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Pesticides : première victoire majeure !

Un article de l’UFC-Que Choisir, le 09/01/2024.

Grâce à l’action de nos ONG un premier Tribunal administratif (celui d’Orléans) annule les arrêtés préfectoraux validant les chartes pesticides dites de bon voisinage de 5 départements !

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© Vesna – stock.adobe.com

Ces décisions majeures pourraient faire boule de neige. En effet, nos organisations ont engagé en tout 43 recours contentieux contre ces chartes que nos ONG jugent illégales et non protectrices pour les populations.

43 recours déposés par nos ONG

En 2022 et 2023, nos ONG [1] ont déposé 43 recours contentieux devant les tribunaux administratifs contre les chartes dites de bon voisinage. Nos ONG et leurs conseils considèrent que ces textes ne sont pas à la hauteur des enjeux sanitaires posés par l’exposition des riverains aux pesticides et sont entachés d’illégalités sur plusieurs points.

5 départements concernés par les décisions du Tribunal Administratif d’Orléans

Attaquées localement par nos ONG [2], par une association locale et une habitante, les chartes départementales étaient censées définir les règles d’application locales des pesticides notamment pour ce qui est des « distances de sécurité » à respecter. Cinq départements sont concernés par les jugements du Tribunal administratif d’Orléans : Loiret, Cher, Indre-et-Loire, Eure-et-Loir et Loir-et-Cher. Le juge a retenu deux griefs contre les chartes départementales.

Des conditions supplémentaires illégales qui réduisaient encore les distances avec les habitations

La première concerne la notion de « zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d’agrément contiguës à ces bâtiments », qui incluent les bâtiments d’habitation et de vie, ainsi que les cours et jardins.

Les chartes restreignaient ces notions en ajoutant des conditions liées à la durée et la fréquence de présence des personnes dans les zones, ainsi qu’à la taille des propriétés. Pour le juge, « en précisant cette notion », les représentants de l’État dans le Loiret, le Cher, l’Indre-et-Loire, l’Eure-et-Loir et le Loir-et-Cher ont ajouté aux critères légaux, d’une part, la condition illégale du caractère irrégulier ou discontinu de l’occupation d’un bâtiment, et, d’autre part, les notions, incertaines et sujettes à interprétation, de « très grande propriété » et de « lieu très étendu », communique le tribunal administratif. Nos organisations et leurs conseils avaient clairement pointé ce problème inacceptable.

Ces dispositions avaient pour objectif d’adapter localement les distances de sécurité. À condition « d’apporter des garanties équivalentes en matière d’exposition des habitants et des travailleurs ainsi que les modalités d’information préalable à l’utilisation de ces produits ».

Une information des riverains préalable aux épandages trop imprécise pour être protectrice

Le second grief concerne l’information des riverains : « Les modalités fixées par la charte sont imprécises et ne permettent donc pas d’atteindre l’objectif d’information préalable », estime le tribunal. C’est aussi un point majeur soulevé par nos organisations ! Pour rappel, était considéré comme une information préalable par les utilisateurs de pesticides le simple fait par exemple de disposer d’un gyrophare allumé au moment de l’épandage. Pour nos organisations il ne pouvait clairement pas s’agir d’une information préalable à la pulvérisation des pesticides !

5 premiers arrêtés préfectoraux annulés

Pour le Tribunal Administratif, ces arrêtés « méconnaissent » les articles du Code rural et de la pêche maritime qui encadre l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

« C’est une grande victoire pour nos ONG qui se battent depuis des années contre ces chartes et les textes nationaux qui ne sont clairement pas assez protecteurs pour les populations riveraines de zones d’épandages exposées aux pesticides » déclarent les ONG. « Reste à savoir si ces décisions vont désormais s’étendre aux autres départements où de telles chartes ont été adoptées et attaquées par nos soins. Comme nous l’avions montré nombre d’entre elles sont des copiés-collés du contrat de solutions fourni par la FNSEA à ses antennes locales. Gageons que l’effet domino va se produire et que nous pourrons enfin espérer la fin de cette mascarade et la mise en place de règles et mesures vraiment protectrices pour ces populations vulnérables » concluent-elles.

Retour sur l’historique de ce dossier

Grâce à la pression des ONG et des riverains, la question de la protection des riverains vis-à-vis des pesticides a fini par faire l’objet d’une « attention » particulière des pouvoirs publics. C’est suite à un premier recours déposé contre l’arrêté de 2006 encadrant l’utilisation des pesticides et la publication d’un nouvel arrêté paru le 4 mai 2017 qu’est apparu l’article 83 de la loi « EGAlim » du 30 octobre 2018 prévoyant que l’usage de produits phytosanitaires à proximité de zones d’habitation soit subordonné à la mise en place de mesures de protection des personnes qui y vivent (notamment les fameuses Zones de Non-Traitement = ZNT), à compter du 1er janvier 2020. Deux textes réglementaires ont été publiés en 2019 à l’issue desquels des premières chartes dites de bon voisinage ont été élaborées et publiées en 2020. Insatisfaits des textes proposés en décembre 2019, nos ONG ont déposé un nouveau recours à la suite duquel le Conseil d’État dans sa décision du 26 juillet 2021, a demandé d’adapter et de compléter le dispositif proposé sur quatre aspects, dans un délai de 6 mois :

  • Élargissement des ZNT aux lieux accueillant des travailleurs présents de façon régulière ;
  • Renforcement des distances de sécurité pour les produits suspectés d’être Cancérogènes Mutagènes Reprotoxiques (CMR2) ;
  • Les chartes devaient obligatoirement prévoir une information préalable des riverains et personnes à proximité des parcelles ;
  • Les chartes révisées devaient être soumises à consultation publique par le préfet, conformément aux dispositions de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement.

Ainsi, en application du décret n°2022-62 du 25 janvier 2022, intégrant ces nouvelles dispositions, les chartes d’engagement, formalisées début 2020, devaient être complétées pour répondre au nouveau contexte réglementaire. L’arrêté et le décret du 25 janvier 2022 relatifs aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation des pesticides prévoient que les chartes d’engagement soient modifiées conformément à ces nouvelles dispositions. De nouveaux projets de chartes ont donc été mis en consultation à l’été 2022. Comme en 2020, les projets de chartes ont été rédigés par les chambres d’agriculture et après consultation proposées à l’approbation des préfets. Générations Futures avait dressé un état des lieux sur ces chartes. Suite à cet état des lieux, nous avons décidé d’engager avec d’autres ONG des recours gracieux puis 43 contentieux contre ces textes.

L’article de l’UFC-Que Choisir est ici.

Notes

[1] Voir : https://www.generations-futures.fr/actualites/pesticides-chartes-justice/ Les organisations requérantes étaient : Générations Futures, l’UFC-Que Choisir, l’Union Syndicale Solidaires, FNE Pays de la Loire, Nature environnement 17, FNE Midi-Pyrénées, et les organisations solidaires étant l’AMLP, le Collectif des Victimes des pesticides de l’Ouest.

[2] Générations futures et l’union syndicale Solidaires, les UFC-Que Choisir du Cher, d’Orléans, du Loiret et d’Indre-et-Loire, la société d’étude de protection et d’aménagement de la nature en Touraine (Sepant) et une habitante du Loiret.

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Pesticides : trop de manipulations autour du glyphosate

Un article de L’ UFC-Que Choisir, numéro 629, de novembre 2023.

Dès 2015, le glyphosate a été classé cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) l’a, quant à lui, épinglé sur son impact sanitaire désastreux.

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Photo d’illustration

Il n’est donc pas étonnant que cet herbicide soit rejeté par la société civile [1]. Pourtant, la Commission européenne appelle à sa réautorisation pour 10 ans, contre 5 jusqu’à présent ! Cette aberration démontre les limites des modalités d’élaboration des normes, et surtout l’efficacité du lobbying des industriels.

En effet, l’avis positif des agences européennes sur le glyphosate délivré cet été ne repose pas sur des bases scientifiques sérieuses. Il s’appuie sur des études des fabricants qui sélectionnent celles favorables à ce pesticides en prenant soin d’exclure une myriade d’autres négatives…

Selon un chercheur, sans les travaux pour lesquels un conflit d’intérêts se pose, 75% de la littérature scientifique aboutirait à la génotoxicité du glyphosate ! Les 27 États membres doivent à présent se positionner. Si l’Allemagne est vent debout contre un nouveau feu vert, quelle sera la position de la France ?

En 2017, Emmanuel Macron avait promis l’interdiction sous trois ans, puis s’en était finalement remis à une réponse européenne. Le ministre de l’Agriculture vient, lui de plaider pour l’agrément, arguant qu’il n’y avait pas d’alternative, alors que l’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) dit le contraire !

L’UFC-Que Choisir exhorte l’Europe à ne pas céder aux sirènes des agrochimistes et milite pour un cadre réglementaire plus protecteur de l’environnement et de la santé des citoyens.

Le dossier complet de l’UFC-Que Choisir sur les pesticides est ici.

[1] Notre pétition en ligne pour l’interdiction du glyphosate a été signée par plus de 500 000 personnes

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Malgré l’image d’un produit pur et sain, l’eau en bouteille encore plus polluée par les micro-plastiques qu’on ne le pensait

Un article de Novethic, par Clément Fournier, le 10/01/2024.

Une nouvelle étude montre que les taux de pollution aux micro-plastiques sont 100 à 1000 fois plus élevés qu’on ne le pensait jusque là. Des résultats qui tranchent avec l’image d’un produit pur et sain véhiculé par les industriels.

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L’eau en bouteille, contaminée aux nanoplastiques. Photo de Steve Johnson sur Unsplash

L’eau vendue dans des bouteilles en plastiques est-elle pure et saine, comme semblent le penser de nombreux consommateurs ? Ce n’est pas ce que concluent les études scientifiques publiées sur le sujet depuis plusieurs années. L’une d’entre elles vient de paraître dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, et ses conclusions sont au contraire inquiétantes. Elles montrent que l’eau commercialisée en bouteille contient des taux élevés de micro et nanoparticules de plastiques, à des taux de 100 à 1 000 fois plus élevés qu’on ne l’avait rapporté dans le passé.

En utilisant de nouvelles technologies optiques de mesure et de détection, les auteurs sont parvenus à mesurer jusqu’à 240 000 particules de plastique par litre d’eau. Trois marques, dont les noms n’ont pas été révélés, ont été testées, mais les chercheurs assurent que leurs résultats sont transposables à l’ensemble des eaux commercialisées en bouteille. Dans le détail, les chercheurs ont montré que chaque litre d’eau contenait à la fois des microplastiques (des particules d’une taille comprise entre 1 micromètre et 5000 micromètres) et des nanoplastiques, encore plus petits (d’une taille inférieure à 1 micromètre). 90% des particules observées étaient d’ailleurs des nanoplastiques.

Des nano-particules susceptibles de « pénétrer le corps humain »

D’après l’étude, cette pollution plastique aurait deux origines principales : la décomposition dans l’eau du plastique des bouteilles elles-mêmes, mais aussi celle des polyamides utilisés dans les systèmes de filtration des industriels de l’eau. Or cette contamination aux plastiques aurait des conséquences sanitaires importantes. Selon les auteurs, les nano-particules, plus petites “sont considérées comme plus toxiques, dans la mesure où leur petite taille les rend beaucoup plus susceptibles […] de pénétrer le corps humain”.

Les études sur la toxicité de ce type de plastiques sont encore rares. Mais celles qui ont été menées ont montré qu’ils étaient des perturbateurs endocriniens probables, qu’ils avaient un impact négatif sur la flore intestinale, et qu’ils pouvaient transiter dans les différents organes du corps humain, comme le foie ou le cerveau. Sans même parler des possibles effets cocktails qui pourraient exister lorsque ces plastiques entrent en interaction avec d’autres polluants.

L’image mystifiée d’une eau en bouteille pure et saine

Cette étude n’est pas la première, et probablement pas la dernière, à montrer les risques liés aux contaminations de l’eau en bouteille. Déjà en 2022, une étude publiée dans l’International Journal of Environmental Research and Public Health concluait à la contamination généralisée des eaux en bouteille par les micro-plastiques. Les chercheurs estimaient même que leurs résultats “devraient encourager les consommateurs à boire de l’eau du robinet à la place de l’eau en bouteille. Leurs mesures indiquaient même que l’eau du robinet contenait en moyenne moins de microparticules que les eaux de sources naturelles. En tout état de cause, les preuves s’accumulent désormais à propos des risques liés à l’eau en bouteille : contaminations, dégâts environnementaux, conflits autour de l’usage de l’eau…

Dans les faits, la réalité des eaux en bouteilles est bien éloignée de l’image qui en est vendue par les industriels dans leurs communications et leur marketing. Derrière les publicités qui vantent une eau “pure”, “saine” et mettent en avant de grandes images de paysages naturels, se cachent des risques sociaux, environnementaux et sanitaires considérables. Or, c’est bien cette image mystifiée d’une eau pure et saine qui empêche les consommateurs de se tourner vers une alternative plus durable. Ce sont en effet les croyances fausses autour de l’eau en bouteille qui poussent les consommateurs à continuer à acheter ce produit, comme l’a montré une étude publiée en 2013 par l’Université de Yale et la London School of Economics. En France, 9 milliards de litres d’eau en bouteille sont consommés chaque année, un chiffre qui continue de croître. Les résultats scientifiques sont pourtant clairs : l’eau en bouteille n’est ni saine, ni durable.

L’article de Novethic est ici.

Publié dans Pollution, Santé | Commentaires fermés sur Malgré l’image d’un produit pur et sain, l’eau en bouteille encore plus polluée par les micro-plastiques qu’on ne le pensait

Biokérosène, pellets : ces mégaprojets qui dévorent la forêt

Un article de Reporterre, par Gaspard d’Allens, le 10/01/2024.

Les mégaprojets reposant sur la consommation massive de bois se multiplient en France. Une demande industrielle inconciliable avec la préservation de forêts vivantes, qui s’opère avec le concours des pouvoirs publics.

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L’augmentation massive de l’exploitation du bois en France attendue dans les années à venir fait craindre une multiplication des coupes rases de feuillus et des monocultures de résineux. – Joseph Kellerer / Unsplash

De nouvelles menaces bien plus insidieuses que les mégafeux pèsent sur la forêt française. De nombreux projets de construction de méga-scieries, de centrales à biomasse et d’usines à biocarburant sont en cours et entérinent un modèle extractiviste destructeur. Alors que la forêt subit de plein fouet la violence du dérèglement climatique, ces différents chantiers pourraient la fragiliser encore davantage et augmenter massivement les coupes, alertent les associations écologistes, pour qui il y a urgence à repenser notre modèle sylvicole.

À Guéret, dans la Creuse, des collectifs se mobilisent contre l’installation d’une usine de fabrication de pellets — des granulés de bois pour le chauffage— portée par l’entreprise Biosyl. Dans un rayon de 130 km, les entrepreneurs prévoient de prélever 180 000 m³ de bois par an supplémentaires, à 80 % dans des forêts de feuillus. L’investissement de 26 millions d’euros a l’aval de la préfecture qui a pour l’instant refusé de mener une consultation publique, malgré les conséquences que le projet pourrait avoir sur les forêts locales. L’arrêté préfectoral autorisant la construction pourrait être publié d’ici deux mois.

À Égletons, en Corrèze, c’est l’extension d’une énorme scierie qui met le feu aux poudres. Depuis deux ans, des habitants luttent contre les expropriations qu’entraînerait l’agrandissement de l’usine. Sur place, Farges-Bois a créé un vaste complexe industriel pour devenir le premier scieur de France.

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Avec l’augmentation du nombre d’arbre coupés viendrait une multiplication du nombre d’énormes camions pour les transporter. Krzysztof Kowalik / Unsplash

Les chiffres, à eux seuls, donnent le tournis. L’entreprise souhaite investir 106 millions d’euros d’ici 2026 et augmenter le sciage de 66 % pour atteindre 250 000 m³ par an. Soit la moitié du bois de sciage coupé annuellement dans la forêt limousine. Sa production de bois de deuxième transformation doit croître également de 157 % et sa production de granulés de 38 %.

Il faut y ajouter une nouvelle production de 50 000 m³/an de lamellé-collé. Le nombre de camions qui rouleront au quotidien pour approvisionner la scierie devrait quant à lui doubler, pour s’élever à 165 en 2026, selon les chiffres donnés par l’entreprise à l’administration.

Du biokérosène pour les avions

Dans les Pyrénées-Atlantiques, la population regarde avec inquiétude un autre projet qui commence à prendre forme et qui n’a pas fini de faire parler de lui : BioTJET, une usine de biocarburants qui vise à approvisionner le secteur aéronautique à partir de bois. Piloté par Elyse Energy et soutenu par la plus grosse coopérative forestière française — Alliance forêt bois — le projet est censé produire du biokérosène. Entre 300 000 et 600 000 tonnes de bois par an seront nécessaires pour alimenter l’équivalent de 30 % de la consommation annuelle d’un aéroport comme Bordeaux-Mérignac. La première phase de concertation se termine le 17 janvier.

Les défenseurs de la forêt s’alarment. Dans un édito, l’écologue Philippe Falbet se demande « si la forêt va pouvoir suivre ». Rien que dans le piémont pyrénéen, de nombreux autres projets sont en gestation, ajoute-t-il. Il cite, notamment, le complexe industriel de Lannemezan qui souhaite associer une centrale de cogénération et une unité de production de granulés bois pour un investissement de 36 millions d’euros. Ailleurs dans le Sud-ouest, le projet d’installation dans le Tarn du groupe de scierie industrielle SIAT risque d’être un autre facteur de déséquilibre, tant dans l’exploitation de la ressource forestière que dans l’écosystème des entreprises locales de sciage.

L’un des plus grands producteurs de panneaux de bois au monde, Swiss Chrono, prévoit quant à lui de s’installer dans le Lot et Garonne. Comment faire face à cette demande massive ? Quelles mesures de régulation peuvent être prises face aux appétits grandissants des industriels ?

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L’unité de granulation de la scierie SIAT-Braun à Urmatt (Bas-Rhin. Ji-Elle / CC BY-SA 3.0 / Wikimedia Commons

« La forêt ne pourra pas répondre à toutes nos demandes, souvent contradictoires », prévient d’emblée, l’ingénieur forestier Gaétan du Bus de Warnaffe, dans une conférence organisée avec le philosophe Baptiste Morizot. On ne peut pas vouloir mobiliser plus de bois, remplacer le kérosène de nos avions, substituer le charbon de nos centrales d’un côté et vouloir prendre soin des écosystèmes ou augmenter le puits de carbone de l’autre.

La forêt absorbe deux fois moins de CO qu’il y a dix ans. Mais le Schéma national bas carbone (SNBC) prévoit toujours d’augmenter les coupes de 70 % d’ici 2050. « À aucun moment, il n’y a un arbitrage fait par le gouvernement sur la ressource, une priorisation qui est donnée, regrette Bruno Doucet, de l’association Canopée. Il laisse faire les lois du marché alors que la ressource est limitée et que son état de santé se dégrade rapidement. »

Laisser 25 % de la forêt française en libre-évolution

Depuis plusieurs années, les écologistes insistent pour changer de stratégie. Pour préserver la ressource et continuer à prélever durablement du bois, il faudrait, selon eux, laisser 25 % de la forêt française en libre-évolution, miser sur la résilience et la diversité des espèces, allonger l’âge de récolte des arbres, mieux répartir les prélèvements actuels plutôt que de les concentrer dans les massifs les plus accessibles et pratiquer une sylviculture maintenant le couvert forestier. C’est-à-dire stopper les coupes rases.

Mais, aujourd’hui, via ces mégaprojets, c’est l’inverse qui a lieu. Avec une multiplication désordonnée de la demande et une exploitation accrue. Dans une note, parue cet été, les hauts fonctionnaires de France Stratégie le reconnaissaient eux-mêmes et pointaient « un manque de planification ».

L’augmentation actuelle des coupes favorise des usages « bas de gamme » de la forêt, soulignaient-ils. 68 % du bois récolté part en bois énergie, contre 21 % pour la production de matériau bois à durée de vie longue. Les volumes de bois énergie commercialisés ont doublé en dix ans tandis que le bois d’œuvre n’a cessé de diminuer.

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Seuls 21 % du bois récolté sont utilisés pour la production de matériau bois à durée de vie longue. Jon Butterworth / Unsplash

L’extension des méga-scieries, comme SIAT ou Farges, renforce aussi ce modèle standardisé. Elles déstructurent les filières locales et écrasent les petites scieries qui sciaient du bois diversifié, notamment feuillu — la France a perdu 90 % de ses scieries depuis 1960. En ne prélevant que du bois résineux uniformisé et bien calibré, ces méga-scieries légitiment un système industriel fait de coupes rases et de monocultures. Elles incitent les forestiers à planter, en ligne, toujours plus de pins douglas et de pins maritimes. Quant aux feuillus arrachés pour laisser place à ces monocultures, ils finissent en granulés pour alimenter les centrales électriques.

« Ces mégaprojets sont des machines à déforester, insiste Thibault, membre du syndicat de la montagne limousine, mobilisé contre Biosyl et l’extension de la scierie Farges. Ce sont les moteurs de la sur-industrialisation de la forêt. Ils développent une approche coloniale, pillent la ressource, accaparent la terre et nous voyons en retour notre territoire se faire dévaster », dit-il.

« Une guerre du bois » se profile. À proximité d’Aix-en-Provence, la centrale à biomasse de Gardanne en donne déjà une illustration. Avec ses besoins de 850 000 tonnes de bois par an, elle fait concurrence à d’autres acteurs et à d’autres usages, comme la papeterie Fibre Excellence, située à une centaine de kilomètres ou les centrales de Brignoles (Var) et de Pierrelatte (Drôme) qui ont chacune besoin de 150 000 tonnes de bois par an.

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Les forêts d’arbres feuillus souffrent particulièrement des conséquences de cette politique forestière. Jerome FP / CC BY-NC-ND 2.0 Deed / Flickr

Comme le révélait Reporterre, il y a quelques années, l’usine de Gardanne a dû faire venir du bois du Jura et l’entreprise imagine importer toujours une partie de son bois du BrésilUn non-sens écologique qui pourrait s’aggraver. Emmanuel Macron a annoncé l’année dernière vouloir reconvertir les dernières centrales à charbon en usine à biomasse d’ici 2027, sans que l’on sache d’où viendra le bois. « Ce projet pourrait engendrer une pression insoutenable sur les forêts », prévient le directeur de Canopée, Sylvain Angerand.

Une industrie dépendant de l’argent public

Cela n’empêche pas le gouvernement de subventionner massivement ce modèle. Selon la Cour des comptes, la moitié des soutiens publics annuels de la filière forêt-bois — soit 611 millions d’euros — était dédiée au bois énergie. De manière plus générale, ce sont tous les grands projets industriels qui vivent sous perfusion d’aide publique. Dans la Creuse, l’entreprise Biosyl compte sur 20 % de subventions pour financer son usine à pellets. Le projet de fabrication de biokérosène, BioTJET, pourra bénéficier quant à lui d’une enveloppe de 200 millions d’euros de subventions octroyées par le chef de l’État. À ce stade, 7,9 millions d’euros ont déjà été octroyées par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

Cette dépendance est aussi un gage de faiblesse. Elle rend ces projets plus perméables à la pression populaire. Les habitants et les associations peuvent influencer leurs élus. De nombreux projets contestés ont ainsi été abandonnés ces dernières années : l’usine à pellet CIBV dans le Limousin, la scierie Florian dans les Pyrénées, l’usine à biomasse de Tronçay dans le Morvan. À plusieurs reprises, la mobilisation sociale a déjà fait reculer les industriels.

L’article de Reporterre est ici.

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Pas-de-Calais : « endiguer ou tout raser », l’avenir des habitants en jeu

Un article de Novethic, par Concepcion Alvarez, le 05/01/2024.

Le Pas-de-Calais continue ce vendredi 5 janvier de faire face aux dégâts provoqués par de nouvelles crues hors normes, deux mois seulement après un épisode similaire. Alors que les inondations vont être plus fréquentes et intenses sous le coup du changement climatique, faut-il classer certaines zones régulièrement inondées comme inhabitables ? Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, en déplacement sur place, assure que le sujet ne doit plus être tabou.

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Dans la commune de Blendecques, Vincent Maquignon, adjoint au maire en charge des sports, a accroché cette banderole devant sa maison, inondée pour la troisième fois en deux mois. @Vincent Maquignon / Facebook

C’est peut-être la fois de trop pour les habitants du Pas-de-Calais. Nombre d’entre eux, à peine remis des inondations records de novembre dernier, n’hésitent plus à affirmer vouloir déménager après la nouvelle crue qui touche la région depuis trois jours. Dans la commune de Blendecques, Vincent Maquignon, adjoint au maire en charge des sports, a accroché une banderole devant sa maison, inondée pour la troisième fois en deux mois. Il y résume l’état d’esprit général qui prévaut sur place : « On veut vivre en sécurité. Maintenant il faut agir : endiguer ou raser ce quartier », est-il écrit en grosses capitales rouges sur une toile qui elle aussi commence à prendre l’eau.

Le message est notamment adressé à l’État qui a dépêché sur place deux ministres dans la journée de jeudi 4 janvier, Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, et Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique. « Ce genre d’événements à quelques semaines d’intervalle, ce n’est pas dans le manuel », a souligné ce-dernier, promettant des « réponses exceptionnelles », « à situation exceptionnelle ». Un plan d’urgence et des moyens supplémentaires devront être annoncés lors d’une réunion organisée mardi 9 janvier à Arras avec l’ensemble des acteurs concernés.

« On s’est trompés »

Si l’heure est à la gestion de l’urgence – pompage des eaux, relogement des près de 400 personnes évacuées… – la question de l’habitabilité de ces zones devra se poser. « Les crues centennales, dont la probabilité de se produire est de 1% chaque année, sont désormais devenues fréquentes. Et face à cela, j’ai l’impression qu’on tourne en rond. On reconstruit à chaque fois à l’identique, on perd de l’argent, du temps et de la patience. Je crois qu’il va falloir accepter qu’on s’est trompés en accordant des permis de construire à des endroits où c’était potentiellement dangereux et qu’il va falloir revoir notre copie », plaide auprès de Novethic Ludovic Pinganaud, expert en gestion des crises et membre de l’Institut européen des sciences avancées de la sécurité.

Interrogé sur la possibilité de déclarer des zones fréquemment touchées par les inondations inhabitables, le ministre de la Transition écologique a assuré que le sujet ne devait pas être « tabou ». « On ne pourra pas partout se dire que c’est en rehaussant chaque année les digues de quelques centimètres que ça suffira à lutter contre les épisodes climatiques, a-t-il lancé au micro de Franceinfo. Regarder la réalité en face, ça peut consister à dire qu’il y a des endroits où il faut qu’il n’y ait (…) plus d’habitations. Ça s’est fait ailleurs en France. »

« Il faut limiter les nouvelles implantations »

Le sujet est évidemment délicat tant l’attachement à sa maison, son quartier et sa commune est fort. « Quitter sa maison n’est pas simple. Mais est-ce qu’il est cohérent et sérieux de laisser ces gens vivre-là ? interroge Ludovic Pinganaud. Pour leur sécurité mais aussi leur bien-être psychologique, il faut avoir le courage politique d’aborder le sujet. Cela va nécessiter d’importants investissements mais vu le coût actuel des inondations, des secours, des moyens mobilisés, ça peut valoir le coup d’y réfléchir. »

En attendant, la priorité doit être de commencer par réduire les facteurs d’exposition, humains et économiques, dans les zones à risque. « Il faut limiter les nouvelles implantations, interdire les nouvelles constructions. C’est compliqué parce que ce sont souvent des zones très attractives où le foncier coûte très cher », reconnaît Vincent Viguié, chercheur en économie de l’adaptation au changement climatique au Cired. En France, 242 communes du littoral ont ainsi édicté une interdiction formelle de construire de nouveaux bâtiments, sur 864 communes « plus particulièrement vulnérables ».

« On peut aussi construire de nouveaux bâtiments plus résilients comme des immeubles flottants, privilégier des rez-de-chaussée avec peu de matériel sensible ou encore installer des passerelles entre les immeubles pour que les gens puissent évacuer », cite le chercheur. Le statu quo ne peut en tout cas pas continuer. « Nous sommes improtégeables ici », lançait Vincent Maquignon, l’adjoint au maire de Blendecques, dans un témoignage accordé au Monde après les inondations de novembre dernier. Avec d’autres habitants du quartier, il prévoit en outre de créer une association pour porter plainte contre l’État pour inaction et mise en danger de la vie d’autrui.

L’article de Novethic est ici.

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Nouvelles inondations dans le Pas-de-Calais : le changement climatique pointé du doigt

Un article de Novethic, par Florine Morestin avec AFP, le 04/01/2024.

Moins de deux mois après des inondations historiques, le Pas-de-Calais est de nouveau sous l’eau. Classé en vigilance rouge, l’Aa, l’un des cours d’eau traversant le département est sorti de son lit suite aux fortes précipitations qui se sont abattues ces derniers jours. Une catastrophe à répétition qui désespère les habitants et laisse entrevoir les impacts du changement climatique selon plusieurs scientifiques.

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La ville de Blendecques (Pas-de-Calais) s’est retrouvée sous les eaux mercredi 3 janvier. Charles Caby / AFP

Pour les Pas-de-Calaisiens, le cauchemar se répète. Mi-novembre, le département était touché par des inondations dévastatrices durant plusieurs jours d’affilée, faisant de nombreux dégâts dans plus de 260 communes. Mais pas le temps pour les habitants de faire sécher leur maison ou de racheter des meubles : moins de deux mois plus tard, l’eau est de nouveau montée. « Près de 100 millimètres de pluie » cumulés en six jours entre samedi 30 décembre et jeudi 4 janvier pourraient être enregistrés, indique Jacques Billant, préfet du Pas-de-Calais.

Si une douzaine de cours d’eau sont classés en vigilance orange dans le Nord, l’Aisne, les Ardennes, la Meuse, la Moselle, la Meurthe-et-Moselle ou encore le Finistère, tous les regards sont portés avec attention sur l’Aa, fleuve côtier traversant les Hauts-de-France, classé en rouge mercredi 3 janvier. « Dans le Pas-de-Calais, une crue exceptionnelle est en cours sur l’Aa, les niveaux étaient stabilisés mercredi matin mais une reprise est envisageable dans la journée compte tenu des précipitations à venir », sur des sols saturés, écrit Vigicrues dans son bulletin du mercredi 3 janvier.

Des niveaux records

Au niveau de la station d’Elnes, le niveau de l’eau a ainsi atteint 2,51 mètres au maximum, bien au-delà de la précédente crue remontant à 2020 où le fleuve était monté à 1,59 mètre. Résultat, plus de 190 personnes ont été évacuées de leurs logements depuis dimanche 31 décembre dans le département et 120 sapeurs-pompiers ont été envoyés en renfort sur place. Des « moyens très conséquents, de pompage en particulier », vont également être déployés a annoncé Julien Marion, le directeur général de la sécurité civile, dépêché par le ministère de l’Intérieur.

Une situation qui pourrait devenir de plus en plus fréquente dans la région selon les scientifiques. « Les inondations sont le premier risque naturel répertorié dans les Hauts-de-France, devant les submersions marines et le retrait-gonflement des argiles », expliquait à Novethic Anastasia Ivanovsky, coordinatrice de l’Observatoire Climat du Centre Ressource du Développement durable (Cerdd), en novembre dernier. En toile de fond, notamment, les impacts du changement climatique sont pointés du doigt. Une étude publiée le 27 novembre par des chercheurs du CNRS et de l’Institut Pierre-Simon Laplace va en ce sens.

Le changement climatique à l’œuvre 

Selon les conclusions du rapport, « les fortes précipitations de l’automne 2023 à l’origine d’inondations en France et en Italie ont probablement été renforcées par le changement climatique. » Pour cela, les scientifiques ont comparé les conditions climatiques de ces épisodes à des événements similaires survenus entre 1979 et 2000, en se basant sur les modèles de pression. Ils ont alors observé « une augmentation de 1 à 3 millimètres/jour » des précipitations, soit l’équivalant de 15 à 30% supplémentaires, « le long des côtes atlantiques françaises et des côtes tyrrhéniennes italiennes. »

En conséquent, les débits augmentent, parfois au-delà des capacités d’absorption des sols. « On sent que toutes nos statistiques hydrologiques sont défiées par le changement climatique, puisque là on atteint, en l’espace de quelques mois, des niveaux jamais quasi atteints, en tout cas sur certains cours d’eau », analyse par ailleurs Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue, auprès de France Inter. À noter que dans le cas du Pas-de-Calais, d’autres facteurs viennent aggraver ce scénario. La nature des terres, la topographie de la zone, mais aussi le manque d’entretien des infrastructures rendent le département particulièrement vulnérable aux fortes précipitations.

L’article de Novethic est ici.

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Dans 1 400 petites villes, l’État fait un «cadeau au lobby publicitaire»

Un article de Reporterre, le 02/01/2024.

Un « cadeau honteux fait au lobby publicitaire ». Agir pour l’environnement dénonce un décret publié dans le dernier Journal officiel de 2023. Ce texte lève en effet l’interdiction qui était faite à 1 408 petites agglomérations d’installer des panneaux publicitaires.

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Des mobiliers urbains publicitaires, notamment les panneaux de type « sucettes », vont ainsi pouvoir se déployer légalement dans ces villes de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants. Dans un communiqué daté du 31 décembre, l’association estime que la signature de ce décret « illustre la duplicité d’un ministre parlant de sobriété tout en stimulant l’un des principaux outils promouvant la surconsommation, la publicité ! ». La consultation publique organisée l’été dernier sur ce texte avait pourtant suscité un grand nombre de contributions hostiles à cette modification réglementaire.

Un mode de financement du mobilier urbain

« L’analyse des contributions révèle une grande confusion entre la publicité sur mobilier urbain, la publicité lumineuse et la publicité numérique », pointe le ministère, de son côté. Une majorité des contributions qu’il a reçues reposeraient, selon lui, « sur une fausse information relayée par EELV [Les Écologistes] et Agir pour l’environnement » : non, ce texte n’autorise pas les panneaux lumineux, assure-t-il. La publicité numérique ainsi que les autres dispositifs publicitaires lumineux resteraient bien interdits dans toutes les agglomérations de moins de 10 000 habitants.

Il s’agissait, selon les mots du ministère, de corriger « une erreur rédactionnelle ayant conduit à l’interdiction systématique de publicité sur le mobilier urbain dans les petites agglomérations ». Une correction réclamée par les élus des petites agglomérations « désireux de conserver ce mode de financement de leur mobilier urbain ».

L’article de Reporterre est ici.

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Le nouveau règlement européen sur l’écoconception va interdire la destruction des invendus textiles

Un article de Novethic, par Fanny Breuneval, le 03/01/2024.

Les lignes du règlement européen sur l’écoconception se précisent après un accord en trilogue entre le Parlement européen et le Conseil de l’UE. Ce texte, très attendu des industriels, doit rendre les produits européens plus durables. Bannissement de certaines substances, interdiction de détruire les invendus dans certaines filières, exigence de réparabilité… Les détails pour chaque catégorie de produits seront précisés dans les prochains mois.

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Très attendu, le règlement sur l’écoconception introduit des règles pour rendre de nombreux produits plus durables, recyclables et moins avides de ressources. @CC0

C’est une avancée de taille pour l’Europe. Le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen sont parvenus à un accord provisoire, le 4 décembre dernier, sur l’écoconception. Très attendu, il introduit des règles pour rendre un large panel de produits plus durable, recyclable et moins avide de ressources. Le texte remplacera la directive écoconception de 2009 qui se concentrait sur l’efficacité énergétique des produits.

« Il est temps de mettre fin au modèle ‘extraire, fabriquer, jeter’ qui est si nocif pour notre planète, notre santé et notre économie », a commenté l’eurodéputée sociale-démocrate Alessandra Moretti, rapporteure du texte. Ce-dernier entrera en vigueur dans tous les États membres dès que le Conseil et le Parlement donneront leur accord formel, ce qui sera possible dès que les détails techniques seront finalisés. Les grandes lignes sont néanmoins déjà écrites.

Un « passeport numérique » pour chaque produit

Le règlement s’attaque à la surproduction avec une mesure phare : l’interdiction de la destruction d’invendus pour certains produits au profit du don ou du recyclage. Les vêtements et chaussures seront les premiers concernés. Les producteurs ont un délai de deux ans après la promulgation de la loi pour s’y conformer, six ans pour les moyennes entreprises. La Commission européenne aura le pouvoir d’étendre l’interdiction à d’autres catégories de produits.

Le texte reconnaît aussi une définition large de l’écoconception. « Pour la première fois, nous reconnaissons l’existence des pratiques d’obsolescence prématurée », se réjouit David Cormand, député Les Verts et rapporteur au sein de la commission Marché intérieur et protection des consommateurs. Incorporation de matière recyclée, interdiction de certaines substances qui perturbent le recyclage, facilité de désassemblage, fiabilité, réparabilité… Tout le cycle de vie du produit doit être pris en compte.

En plus, un « passeport numérique » devra permettre aux consommateurs de connaître les impacts environnementaux de chaque produit. Les produits les plus polluants, à étudier en priorité, sont déjà pointés du doigt : « le fer, l’acier, l’aluminium, les textiles (notamment les vêtements et les chaussures), les meubles, les pneus, les détergents, les peintures, les lubrifiants et les produits chimiques », précise le Parlement européen. La Commission doit encore plancher sur les règles concrètes d’écoconception pour chaque catégorie de produits.

Des exceptions pour les produits vendus en ligne

Des exceptions déçoivent cependant plusieurs associations. Certaines catégories comme la nourriture, les médicaments, les véhicules et certains équipement militaires ne seront pas concernés par le règlement. Le Bureau européen de l’environnement, une fédération d’ONG européennes, regrette aussi l’absence des produits électroniques dans l’interdiction de détruire les produits invendus, un recul par rapport au texte voté en juillet par le Parlement européen. C’est pourtant, selon l’association, « une pratique grandissante et qui est parmi les plus nuisibles pour l’environnement en Europe ».

Le règlement reste, sur ce point, en retard par rapport à la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) française qui étend l’interdiction de destruction des invendus à tous les produits dès 2024. Il laisse aussi de côté les produits commercialisés en ligne sur des plateformes comme Amazon, Shein ou encore Temu. « Cela peut créer une concurrence déloyale pour l’industrie européenne », juge le Bureau Européen de l’Environnement.

Les règles existantes d’écoconception ne sont déjà pas respectées en ligne. C’est le cas de 95% des ampoules vendues sur internet par exemple, a estimé la Fédération Européenne de l’Éclairage dans une étude publiée en novembre 2023. La vente en ligne était aussi l’angle mort du « Droit à la réparation » voté par le Parlement européen fin novembre 2023, une autre initiative du Pacte vert européen.

L’article de Novethic est ici.

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Anticor perd son agrément, précieux sésame dans la lutte contre la corruption

Un article de Novethic, par Marina Fabre Soundron avec AFP, le 27/12/2023

C’est un nouvel épisode de cette saga politico-judiciaire. L’association de lutte contre la corruption Anticor a perdu son agrément. Un précieux sésame lui permettant de contourner l’inaction du parquet. Alstom, General Electric, Mondial de football au Qatar… Anticor est impliquée dans plus de 160 procédures. Quelques années plus tôt c’était l’association Sherpa, fer de lance de la lutte contre la criminalité économique, qui s’était retrouvée dans cette situation.

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L’association a dénoncé une atteinte à la démocratie. https://www.anticor.org/

Ce n’est pas une surprise mais c’est un « cadeau de Noël pour les corrupteurs », selon les mots de Me Vincent Brengarth, l’avocat d’Anticor. L’agrément permettant à l’association de lutte contre la corruption et d’atteinte à la probité n’a pas été renouvelé, a déclaré le 27 décembre à l’AFP une source au ministère des Affaires étrangères. Concrètement cet agrément renouvelé tous les 3 ans et octroyé par le ministre de la Justice, permet aux associations qui le possèdent de se constituer « partie civile ». « Sans son agrément, Anticor n’a pas la possibilité de contester le classement sans suite d’une affaire par un procureur et beaucoup de poursuites ne verront pas le jour », souligne l’association dans un communiqué. C’est dire l’importance de ce sésame.

Or depuis 6 mois Anticor attend le renouvellement de son agrément, dont la date butoir légale est justement ce 27 décembre. « Il est minuit passé, chou blanc donc ! », réagissait dans un tweet à 00h10 l’association.

« Nous allons contester cette décision »

C’est la fin d’un long épilogue entamé en 2020. À l’époque, Éric Dupond-Moretti alors ministre de la Justice est contraint de se déporter car il est lui-même visé par une plainte de l’association. La tâche est confiée au Premier ministre Jean Castex qui renouvelle pour 3 ans l’agrément 1h30 seulement avant la limite. Mais la saga continue : le tribunal administratif annule l’arrêté de Jean Castex, une décision confirmée par la cour administrative d’appel. Le tribunal administratif avait été saisi par deux dissidents de l’association qui estimaient la procédure de renouvellement de l’agrément irrégulière et jugeaient que l’association ne remplissait pas les conditions exigées pour être agréée.

L’association avait donc déposé une nouvelle demande d’agrément. Cette fois encore, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti se déporte sur la Première ministre Élisabeth Borne. Mais elle-même, comme le rappelle Le Monde, est susceptible d’être visée par deux dossiers portés par Anticor. Elle se déporte, in extremis le 24 décembre vers la ministre de l’Europe et des affaires étrangères Catherine Colonna qui n’a donc pas renouvelé l’agrément. « Nous allons contester cette décision devant la justice administrative et sommes d’une certaine manière soulagés de pouvoir enfin démontrer que l’association remplit bien tous les critères pour être agréée, à l’abri des considérations politiques du gouvernement », a annoncé Élise Van Beneden, présidente du bureau de l’ONG.

Les affaires en cours pourraient être classées sans suite

Créée en 2002, Anticor est impliquée dans plus de 160 procédures dont l’attribution du Mondial de football au Qatar ou encore l’enquête pour prise illégale d’intérêts visant le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler. Des plaintes d’Anticor ont entraîné des poursuites concernant la cession de la branche énergie d’Alstom à General Electric et une enquête préliminaire dans les contrats russes d’Alexandre Benalla, l’ex-conseiller du président de la République Emmanuel Macron. Quid des procédures en cours ? Plusieurs d’entre elles pourraient être classées sans suite.

Pour rappel, en 2019, la demande d’agrément de Sherpa, autre association majeure dans la lutte contre la corruption n’avait pas été renouvelée. Si aujourd’hui Sherpa a retrouvé son agrément, l’association avait alerté au début de l’année sur les « limites inhérentes à ce dispositif ». « L’agrément est délivré par le ministre de la Justice selon des critères vagues », dénonçait-elle. Et de poursuivre : « Seules trois associations sont actuellement agréées anti-corruption en France (Anticor, Transparency International et Sherpa, NDR), et deux d’entre elles ont rencontré d’importantes difficultés pour renouveler leurs agréments ». L’association demande ainsi au législateur de se saisir de cette question et de simplifier l’action judiciaire des associations afin « d’améliorer la lutte contre la criminalité économique ». 

L’article de Novethic est ici.

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Biodéchets : des points de collecte partout, des contours flous

Un article de Reporterre, par Marie Astier, le 12/12/2023.

Le 1ᵉʳ janvier prochain, les collectivités seront tenues de proposer des solutions à leurs administrés pour le tri de leurs biodéchets. Mais un flou demeurait sur les modalités d’application de cette obligation. Sous quelle forme ce tri doit-il être proposé ? Quels sont les objectifs à atteindre ? Quid des collectivités qui ne respecteraient pas la règle ? La publication d’un avis au Bulletin officiel de la transition écologique du 9 décembre 2023 répond à certaines questions, tout en laissant beaucoup d’éléments à l’appréciation des collectivités.

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Photo d’illustration – Tim Jewett / CC BY-SA 2.5 recadré / Wikimedia Commons

Le texte présente les deux types de solutions techniques possibles : la collecte séparée (en porte-à-porte ou en point d’apport volontaire) ou la gestion de proximité (composteur domestique individuel ou composteur partagé), l’une et l’autre pouvant être déployées de manière complémentaire selon les territoires. Si elle opte pour la collecte séparée en porte-à-porte, la collectivité devra équiper les ménages d’un bac de collecte spécifique et organiser un ramassage au moins une fois par semaine.

En ville, 150 m maximum de chez soi

Quant aux points d’apport volontaire, il est prévu un point pour 250 habitants maximum dans les zones rurales. Les habitants des communes urbaines devront, eux, pouvoir accéder à un point dans un rayon de 150 m maximum de chez eux. Dans les communes les plus denses ou touristiques, les points devront se situer « à une distance maximale de 150 m, avec une distance préconisée de 100 m ». Un maillage qui risque d’être long à mettre en place dans certains endroits. La ville de Paris prévoit pour le moment des bornes accessibles à 3 minutes à pied maximum, soit aux alentours de 250-300 m.

Le ministère laisse une large liberté aux collectivités. « Pour des motifs liés à l’accessibilité, à la qualité et à la performance du geste de tri, la collecte en porte-à-porte est, dans la mesure du possible, privilégiée », préconise-t-il dans un simple nota bene. Même chose pour le respect général de la législation : il suffira que la commune ait décidé de lancer « une étude de préfiguration » au plus tard le 31 décembre 2023 pour qu’on considère qu’elle est déjà impliquée dans une démarche de tri à la source.

Enfin, ni sanctions ni objectifs de résultat ne sont prévus. Les collectivités qui ont recours à des points d’apport volontaire devront juste être « en mesure de justifier d’un taux de participation satisfaisant, en lien avec la bonne accessibilité de leur dispositif ». Une formulation pour le moins vague.

L’article de Reporterre est ici.

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Bonne année 2024

Bonne année 2024-1

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Bayer-Monsanto enchaîne les revers en justice

Un article de Reporterre, par Edward Maille, le 21/12/2023.

Aux États-Unis, Monsanto a été condamnée à verser 857 millions de dollars à sept personnes ayant développé des problèmes de santé après leur exposition à des polluants éternels. Une nouvelle défaite pour le groupe Bayer.

Atlanta (États-Unis), correspondance

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Bayer-Monsanto devra payer 857 millions de dollars de dommages et intérêts à sept personnes. © Getty Images via AFP / Getty Images North America / Scott Olson

Leur présence dans une école leur aura causé des troubles neurologiques, endocriniens et des maladies auto-immunes. Cinq anciens élèves et deux parents ont obtenu gain de cause le 18 décembre contre l’entreprise Monsanto.

Comme source de leurs problèmes de santé, les victimes ont mis en avant la présence de polychlorobiphényle (PCB), des polluants éternels, dans les lampes d’un établissement scolaire, à Monroe dans l’État du Washington, dans le nord-ouest des États-Unis. Le tribunal supérieur de Seattle a condamné l’entreprise pharmaceutique et agro-industrielle à payer 857 millions de dollars (environ 782 millions d’euros) de dommages et intérêts.

La justice reproche à Monsanto, entreprise fabricante de la substance, de ne pas avoir averti de la toxicité du PCB, comme expliqué dans son verdict. La substance chimique était utilisée notamment dans les installations électriques pour leur propriété de résistance à la chaleur. Mais sa composition chimique présente de graves risques pour la santé. Ainsi, les PCB sont interdits aux États-Unis depuis 1979. L’école a été prévenue de la toxicité des produits dès les années 1990, s’est défendue l’entreprise. Elle a estimé cette décision « constitutionnellement excessive » en raison des dédommagements et a annoncé faire appel.

Des procès en cascade

Depuis son rachat en 2018 par l’entreprise allemande Bayer, Monsanto est au centre de nombreuses plaintes. Les poursuites en justice s’accumulent contre ses produits, en particulier le Roundup, un des herbicides les plus utilisés dans le monde et conçu avec du glyphosate.

Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé en 2015 la substance comme « probablement cancérogène ». Des centaines de milliers de plaintes ont depuis été déposées par des particuliers exposés au désherbant et ayant développé des cancers.

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La valeur des actions de Monsanto a chuté de 19 % fin novembre 2023. Flickr/CC BY 2.0 Deed/Aqua Mechanical

En 2020, Bayer a accepté de verser 10 milliards de dollars pour régler des litiges avec près de 95 000 personnes. La somme reste parmi les plus importantes jamais accordées pour de tels litiges dans le pays. D’autres plaintes ont suivi, avec un enchaînement de condamnations ces derniers mois pour ne pas avoir averti les consommateurs du potentiel danger du Roundup.

En novembre, Bayer a été condamné par la justice du Missouri à verser 1,5 milliard de dollars à trois victimes. L’utilisation du Roundup pour jardiner a développé chez eux un lymphome non hodgkinien, un cancer du système lymphatique. Un mois plus tôt, l’entreprise a perdu des procès à Saint-Louis, San Diego et Philadelphie, cumulant 500 millions de dollars à verser.

Pression des actionnaires

Le groupe s’affiche pourtant optimiste. 113 000 sur près de 165 000 litiges « ont été réglés » selon Bayer, qui affirme qu’« ayant gagné la majorité des procès […] l’entreprise est confiante dans sa stratégie légale et continuera à défendre des affaires en procès ».

Ces défaites judiciaires en cascade chamboulent pourtant l’organisation du groupe allemand. Les investisseurs semblent reculer. La valeur des actions en bourse a ainsi chuté de 19 % fin novembre ; le niveau le plus bas depuis dix ans.

Un nouveau PDG a également été nommé en juin. Bill Anderson doit désormais trouver le moyen de limiter la casse. Une possibilité serait de séparer la société en deux, avec d’un côté les activités agro-industrielles, dont fait partie la fabrication d’herbicides, et de l’autre le reste des activités branches, dont la production pharmaceutique, l’activité phare de Bayer. Une autre option serait de se débarrasser définitivement des activités liées au Roundup. Ne reste qu’à trouver un acheteur pour reprendre le cadeau empoisonné.

L’article de Reporterre est ici.

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Le Jouet simple, composé d’un seul matériau, promet d’être 100% recyclé

Un article de Novethic, par Fanny Breuneval, le 21/12/2023.

La machine du recyclage est grippée. Chaque jour, des tonnes de jouets finissent enfouis ou incinérés. Le Jouet simple, petit nouveau dans le secteur, veut mettre fin à cet immense gâchis. De l’écoconception à la consigne, sans griller la priorité à la seconde main, il prouve que d’autres pratiques sont possibles.

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Pour passer à la vitesse supérieure, Le Jouet simple mise aussi sur la consigne. @Le Jouet simple

Composés de multiples couches de plastiques, de jonctions en métal ou encore d’autocollants, les jouets sont le cauchemar des poubelles jaunes. Seuls un tiers d’entre eux pourraient être recyclés, et quasiment aucun ne connait ce sort, selon l’Ademe. La marque Le Jouet simple, lancée en 2021, veut dépasser ces blocages avec deux jokers : l’écoconception et la collecte pour s’assurer de la meilleure seconde vie possible.

De l’hydravion au hochet d’éveil, Le Jouet simple n’utilise qu’une seule matière, le plastique PEHD, le même que pour les bouteilles de shampoing. « C’est l’un de ceux qui se recyclent le mieux, détaille Pierre Véron, co-fondateur du Jouet simple. Il permet aussi de travailler les textures, du grainé au mat en passant par les reflets ». Grâce à cela, aucune vis rouillée ni colle migrée dans la matière ne perturberont le recyclage. Les sept nouveaux produits sortis pour Noël 2023 appliquent scrupuleusement cette règle d’or.

Consigner pour mieux recycler

Pour passer à la vitesse supérieure, Le Jouet simple mise aussi sur la consigne. Les clients récupèrent 15% du prix du produit lors de son retour en magasin, et ce quel que soit son état. Si le but premier est la revente d’occasion, cette collecte à la source améliore aussi la qualité du recyclage. Dans les poubelles jaunes, les jouets en 100% PEHD se mêlent à d’autres matières dont la provenance n’est pas assurée.

L’ensemble peut se transformer en cagettes ou encore en matériel de bureau mais pas en jouets à cause de normes sanitaires élevées. En réalisant sa propre collecte, Le Jouet simple peut ainsi recréer ses jouets avec une matière de qualité, triée selon les quatre uniques couleurs de la marque. « Une dizaine de cycles sont possibles », précise le co-fondateur du Jouet Simple.

L’usage de plastique recyclé et la fabrication en France réduisent aussi le bilan carbone. « Nos jouets émettent 70% d’équivalent carbone en moins que des produits similaires fabriqués à l’autre bout du monde en plastique non recyclé », affirme Pierre Véron. Des changements possibles pour Le jouet simple qui part d’une feuille blanche, contrairement à l’enseigne Lego. Celle-ci a jeté l’éponge sur l’usage de plastique recyclé, parce qu’elle a considéré que les transformations à effectuer dans ses usines émettraient trop de CO².

« Il existe peu de filières de recyclage des jouets »

Le Jouet simple répond à un sérieux manque. « Il existe peu de filières de recyclage de jouets pour le moment, et en déchetterie, ils sont enfouis ou incinérés la plupart du temps », explique à Novethic Lise Nicolas, ingénieure spécialisée dans le recyclage chez Mme & M. Recyclage. Mise en place depuis 2023, la Responsabilité Elargie des Producteurs (REP) doit donner un nouveau souffle au recyclage et au réemploi.

« Si demain, d’autres fabricants sont suffisamment transparents sur les matériaux qu’ils utilisent, nous pourrons envisager de nous associer pour récupérer de la matière recyclée », appuie Pierre Véron. Le Jouet simple espère créer des bornes de collecte dans des boutiques partenaires pour compléter les retours uniquement possibles par voie postale pour le moment.

Ces avancées ne doivent pas faire oublier que jeter, même au tri pour recyclage, reste la dernière solution à envisager. Le Jouet simple pêche du côté de la réparabilité à cause de pièces presque scellées entre elles « afin d’éviter les étouffements », indique Pierre Véron. Il l’assure toutefois : « le PEHD est solide et si les jouets sont simplement griffés, ils seront revendus avec un prix réduit en conséquence ». « La priorité doit rester la seconde main, l’allongement de la durée de vie et la réparation », affirme Lise Nicolas.

L’article de Novethic est ici.

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Anor Environnement vous souhaite un Joyeux Noël

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Une centrale photovoltaïque de 350 000 panneaux solaires mise en service fin 2025 sur la base aérienne de Creil

Un article de France 3 Hauts-de-France, par Jennifer Alberts, le 15/11/2023.

Fin 2025, la base aérienne 110 de Creil accueillera l’une des plus grandes fermes photovoltaïques de France. En termes de superficie mais aussi de volume d’électricité solaire produite. Un projet initié en 2019 et dont les travaux commencent à peine.

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Fin 2025, l’une des plus grandes centrales photovoltaïques de France sera mise en service sur la base aérienne 110 de Creil. • © Photosol

Ce sera la plus grande centrale photovoltaïque des Hauts-de-France et l’une des plus importantes d’Europe. Dans 2 ans, la ferme de panneaux solaires installée sur la base aérienne de Creil dans l’Oise entrera entièrement en service. Près de 6 ans après le lancement du projet.

La piste de la base aérienne de Creil étant inactive depuis 2016, plusieurs reconversions avaient depuis été envisagées : la récupérer pour un club d’aviation civile, y construire des logements ou encore y accueillir un centre de recherche sur le renseignement militaire.

Un programme national de développement du solaire

En juin 2018, le ministère des Armées s’associe au ministère de la Transition écologique et lance le programme « Place au soleil » pour développer l’énergie solaire. Au total, 1 250 hectares sont identifiés par l’armée et réservés pour accueillir du photovoltaïque. Parmi ces surfaces inexploitées, 253 hectares autour de la piste d’atterrissage de la BA 110 à Creil.

Après un appel à manifestation d’intérêt (AMI), c’est la société Photosol, basée dans le sud-ouest et spécialisée dans l’implantation et l’exploitation de centrales photovoltaïques, qui remporte le projet. Elle propose alors d’installer plus 550 000 panneaux solaires sur le site creillois pour produire annuellement entre 240 et 250 mégawatts crête (MGc).

« On a travaillé avec le Conservatoire des espaces naturels autant que possible sur la définition de ce projet. Et il a fallu le retravailler ». Guillaume Pinus, coordinateur du projet chez Photosol

Mais suite aux études environnementales menées en 2020 et 2021 et à toute la phase de concertation avec les associations et avec les parties prenantes, Photosol a décidé de réduire la puissance du projet pour préserver la biodiversité. « Il y a différentes espèces de faune et de flore qui ont été découvertes lors des études d’impact, explique Guillaume Pinus, coordinateur du projet chez Photosol. Le Conservatoire des espaces naturels des Hauts-de-France avait déjà fait des relevés avant qu’on arrive sur le site. On s’est appuyé sur ses travaux et on a travaillé avec le CEN autant que possible sur la définition de ce projet. Et ça nous a demandé de le retravailler.« 

Le site est en effet composé de prairies et de pelouses calcicoles « de très grand intérêt écologique, détaille le CEN. On y trouve 48 espèces de plantes d’intérêt patrimonial, comme le fraisier vert ou la Gesse de Nissole. C’est également un site majeur pour les oiseaux et notamment pour la nidification du Pipit farlouse.« 

Les installations photovoltaïques seront dès lors prioritairement implantées sur des surfaces déjà imperméabilisées et à peu d’enjeux écologiques. 100 hectares n’accueilleront donc aucun panneau solaire et 46 % du site restera en zone à caractère naturel, indique l’enquête publique.

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« C’est sur ce schéma-là qu’on a revu l’installation et que la puissance a été abaissée à 200 mégawatts crête (MGc) avec environ 350 000 panneaux qui vont être installés sur le site, confirme Guillaume Pinus. La production annuelle est aujourd’hui de 188 gigawatts heure. 200 MGc, c’est l’équivalent de la consommation d’environ 85 000 habitants selon les chiffres que nous a donnés l’ADEME. » L’électricité produite devrait alimenter le parc technologique Alata et le hameau du Plessis- Pommeraye, tous deux voisins de la base aérienne.

Un loyer de 68 millions d’euros sur 30 ans

Coût du projet : 130 millions. Photosol a obtenu une autorisation d’occupation du domaine public pour 30 ans. En échange, la société devra payer une redevance de 68 millions à l’État, sous forme de « loyer annuel », traduit Guillaume Pinus.

Photosol se rémunérera en vendant l’électricité produite par les panneaux solaires selon un mécanisme précis. « L’État nous offre un soutien pour produire de l’énergie renouvelable, précise Guillaume Pinus. Ce soutien se matérialise par une garantie de prix sur 20 ans : on répond à un appel d’offres de la Commission de Régulation de l’Énergie. Le critère principal pour être sélectionné, c’est le prix auquel on propose notre électricité. Si on est sélectionné, ce prix est garanti par l’État sur 20 ans. Une fois qu’on a ce prix garanti, on revend notre électricité sur les marchés. Si on vend moins cher que le prix garanti, l’État nous verse la différence. Si on vend plus cher que le prix garanti, on redonne la différence à l’État.« 

La centrale photovoltaïque de la BA 110 de Creil sera opérationnelle par tranches. La première tranche de mise en service est prévue en juin 2024, « pour 9 MGc », précise Julien Decarnelle, chef du projet chez Enedis. Car l’électricité solaire produite par Photosol à Creil sera distribuée par le réseau Enedis. Et un tel projet ne se résume pas à installer des panneaux solaires. Il faut prévoir également les postes de transformation pour conduire l’énergie vers le réseau de distribution.

Et c’est Enedis qui se chargera de cette étape. « On a en charge le raccordement des points de livraisons du projet. Il y en aura 11, dénombre Julien Decarnelle. Ça englobe le passage des câbles haute tension depuis nos postes sources jusqu’aux points de livraison du client. Il y a une partie d’installation, mais il y a une grosse partie qui se reprend sur le réseau déjà existant parce qu’on est sur une zone assez urbanisée sur laquelle Enedis a déjà beaucoup de réseaux de distribution. La moitié de la puissance du site sera reprise sur du réseau existant. Donc en posant très peu de câbles, ce qui limite l’impact environnemental du projet.« 

La centrale photovoltaïque de la BA 110 de Creil est l’un des plus gros projets en France en matière d’énergie solaire pour Enedis. « C’est un projet qui va nous occuper entre 3 et 5 ans », conclut Julien Decarnelle.

Dépollution pyrotechnique et mémoire historique

Si Photosol a obtenu le permis de construire et les autorisations administratives cet été, les travaux d’implantation n’ont pas pour autant encore commencé. Le site a en effet une spécificité qui ajoute une contrainte : « on nous a donné un site qui a été fortement bombardé. Et nous, on se doit de faire une dépollution pyrotechnique avant de mettre en œuvre la centrale photovoltaïque », explique Guillaume Pinus de Photosol. Pour le moment, aucune munition n’a été découverte dans le sol, mais cette phase préalable prendra encore plusieurs mois.

À la demande des Architectes des Bâtiments de France (ABF), Photosol devra également prendre soin de réhabiliter certains bâtiments présents dans le périmètre d’installation. Car les lieux ne sont pas vierges de vestiges de l’activité militaire de la BA 110.

Sont encore existants l’ancien dépôt d’armement et de munitions spécifiques, le dépôt principal de munitions, les antennes servant à la radionavigation aérienne, l’ancienne soute à carburant (qui occupe une superficie de 11 000 m² qui comprend une dizaine de cuves enterrées), l’ancienne décharge pour le tout-venant (un endroit fortement pollué notamment avec la présence de métaux lourds et en partie végétalisée aujourd’hui) ainsi que l’aire à feux qui servait de zone d’entraînement pour les pompiers et où des traces d’hydrocarbures ont été constatées.

Certains seront détruits, d’autres conservés. « On a décidé conjointement avec les Architectes des bâtiments de France, le service patrimoine du parc naturel régional et avec le ministère des Armées de conserver des bâtiments qui nous semblent représenter la mémoire historique du site sur lesquels il y aura un accompagnement sur la durée du projet pour permettre de les valoriser », selon Guillaume Pinus. Il s’agit de plusieurs bunkers uniques en France d’un point de vue architectural et un atelier spécialisé dans lequel étaient assemblées différentes pièces de la bombe nucléaire avant d’être installée sur les avions de chasse au moment où le site était encore en activité dans les années 80.

Selon l’ADEME, le projet va générer la création de 430 emplois durant la phase du chantier. Une trentaine sera pérennisée pour l’exploitation du site. Dans les deux cas, Photosol s’est engagé auprès du conseil régional et des collectivités locales de privilégier les entreprises du secteur.

La centrale photovoltaïque de la base aérienne de Creil sera totalement opérationnelle fin 2025, début 2026.

L’article de France 3 Hauts-de-France est ici.

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Projet d’usine de granulés de chauffage à Guéret : l’arrêté préfectoral autorisant la construction pourrait être publié dans deux mois

Un article de France 3 Nouvelle Aquitaine, par Justine Salles, le 01/12/2023.

À Guéret (Creuse), le projet d’usine de granulés de chauffage (pellets) mené par l’entreprise Biosyl continue de faire débat. L’arrêté préfectoral autorisant la construction du site pourrait être publié dans deux mois.

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C’est sur ce terrain situé sur la zone industrielle au nord de Guéret (Creuse), que l’usine serait construite. © FTV / L. Claveau

Le projet d’usine de granulés de bois porté par Biosyl ne fera pas l’objet d’une enquête publique, mais d’un simple enregistrement. Anne Frackowiack-Jacobs, préfète de la Creuse, estime que les données recueillies sont aujourd’hui suffisantes. Et la production forestière locale serait largement supérieure aux besoins du futur site.

« On considère qu’il y a à peu près 30% de la forêt creusoise qui est dépérissante. Elle a besoin d’être coupée, exploitée, pour pouvoir être renouvelée avec des espèces adaptées au changement climatique. Pour couper du bois, il faut aussi des filières et Biosyl est l’un des débouchés qui va nous permettre de renouveler la forêt », déclare la représentante de l’État en Creuse.

« C’est complètement aberrant »

Un argument que rejette une partie des opposants au projet, notamment Catherine Couturier, députée (LFI) de la Creuse : « Pour l’instant, la forêt de feuillus dans nos territoires n’est pas encore en dépérissement. Il faut aussi avoir une définition de ce qu’est le dépérissement de la forêt… C’est complètement aberrant : un arbre ancien contribue à la biodiversité en continuant de jouer son rôle de puits carbone ».

À Guéret, le projet divise toujours : l’agglomération est pour un lancement rapide du site en zone industrielle depuis son évocation, alors que la municipalité reste sur ses gardes.

« On soutient tout projet de création d’emplois sur notre territoire. 40 emplois direct et 100 indirects, c’est intéressant pour la Creuse et la ville de Guéret qui perdent de la population ». Eric Correia, Président Agglomération Grand Guéret

Marie-Françoise Fournier, maire (SE) de Guéret, déclare quant à elle : « Je suis moi toujours très très inquiète malgré les arguments développés sur l’avenir de la forêt creusoise et sur ce qu’à moyen et long terme on va être obligés de prélever pour faire marcher cette usine et d’autres ; car il y en aura d’autres sur le territoire qui auront besoin de plus en plus de bois. »

L’arrêté préfectoral autorisant la construction du site Biosyl pourrait être publié dans deux mois.

Écrit avec Sébastien Laporte.

L’article de France 3 Nouvelle Aquitaine est ici.

Commentaire

Le détricotage du code de l’environnement continu : là ou il y a encore quelques mois il fallait une autorisation préfectorale (ICPE-A) pour construire une usine de pellets, un préfet peut aujourd’hui décider qu’un simple enregistrement (ICPE-E) suffit.

Pour rappel, le statut ICPE encadre l’activité d’entreprises susceptible de créer des risques ou de provoquer des pollutions ou des nuisances pour la sécurité et la santé des riverains ou pour l’environnement. Mais, la préfète de la Creuse estime que les données recueillies sont suffisantes. Pourtant, Biosyl exploite l’usine de Cosne-sur-Loire depuis 2014 et une association, créée en 2018, se bat contre les nuisances de cette usine. De plus, cette usine de pellets a subit huit incendies connus depuis son lancement !

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Dans le Tarn, l’A69 et ses « usines à bitume » inquiètent et mobilisent

Un article de GoodPlanet’Mag, avec l’AFP, le 10/12/2023.

Puylaurens (France) (AFP)

Plusieurs centaines de manifestants (1.800 selon les collectifs organisateurs, 800 selon la préfecture) ont défilé samedi dans le Tarn pour s’opposer à l’autoroute A69 et le « poison » de ses « usines à bitume » qui doivent s’installer sur place pour produire le revêtement de ce projet contesté.

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Mobilisation contre les usines à goudron de l’autoroute Castres-Toulouse, le 9 décembre 2023 à Puylaurens – © AFP Matthieu RONDEL

« Pour eux le pognon du péage, pour nous le poison du bitume ! ». La pancarte navigue entre manifestants alors qu’une partie du cortège d’opposants est en train de descendre à Puylaurens (Tarn) sur le chantier de l’une de ces deux « centrales d’enrobé bitumineux à chaud » qui vont produire à partir de fin 2024 et pour quelques mois les quelque 500.000 tonnes de revêtement de l’A69. L’homme avec sa pancarte se tient sur un talus et observe le site en contrebas: quelques dizaines de manifestants portant combinaisons blanches et masques ont escaladé les collines noires aux allures de petits terrils, composées de « fraisat » (matériau issu du recyclage de routes) qui va être utilisé par la future usine pour fabriquer la surface de l’A69.

Quelques militants, juchés au sommet, tiennent des pancartes avec le nom de substances chimiques (oxyde d’azote, hydrocarbures, benzopyrène, oxyde de soufre, etc.) qui sont, selon eux, émises par les centrales lors de l’utilisation. Derrière eux et une banderole contre l’A69 « projet écocide », une épaisse fumée noire monte dans le ciel blanc plombé de novembre: un algeco a été incendié par certains, ce qui ne plait pas forcément à d’autres: « bonjour la pollution! », dit l’un des manifestants, resté sur le talus à observer les combinaisons blanches en mouvement.

Quelques minutes auparavant, le cortège mêlant habitants des environs, parents et élèves des écoles locales ainsi que militants d’associations et collectifs écologistes, suivait encore son parcours annoncé. Dans un communiqué, la préfecture a déploré que les manifestants n’aient « pas respecté le parcours prévu » et s’en soient « pris aux forces de l’ordre, avec des jets de pierres » et des « tirs de fumigènes ».

La manifestation était partie du tout petit village de Saint-Germain-des-Près (Tarn), le plus proche de la future centrale de Puylaurens. Là, entre l’école, l’église et sa statue crème et bleu ciel de la Vierge Marie, les manifestants s’étaient réunis en début d’après-midi, au son de la fanfare, scandant le slogan « no macadam ».

« Ils nous prennent pour des imbéciles, pour des ploucs, en nous disant que ce qui va sortir de l’usine, c’est de la vapeur d’eau. Ils se sont dit ‘on est à la campagne, avec des paysans’, ils nous ont pris de haut et là ils sont un peu étonnés », affirme à l’AFP Sabine, 68 ans, retraitée du bâtiment et habitante de Villeneuve-lès-Lavaur (Tarn) où doit être installée la deuxième centrale. En parlant elle tient haut le panneau en carton qu’elle a griffonné d’un message au marqueur noir: « nous coulerons votre suffisance dans votre béton ».

Lucas Clouzeau, co-fondateur du collectif local « Lauragais sans bitume » qui appelait avec d’autres à la manifestation, regarde avec le sourire la foule réunie et rappelle que l’initiative s’inscrit dans la mobilisation du week-end des Soulèvements de la Terre. « Ce sont des journées nationales contre la bétonisation et le bitumage en France, clairement, nous on est dedans, clairement l’A69 mène à une bétonisation du paysage, avec ces deux usines qu’il va y avoir sur le tracé de l’autoroute ».

Selon la députée LFI Anne Stambach-Terrenoir, présente samedi et qui a soutenu la mobilisation de riverains contre une autre centrale proche de sa circonscription en Haute-Garonne, ce type d’installations produit des « nuisances terribles ». « Ça vous prend à la gorge, c’est une odeur atroce », a-t-elle dit. Des éléments contestés par NGE, l’entreprise en charge du chantier dont le chef des travaux, Hans Stoufs, qualifiait cette semaine l’inquiétude locale de « complètement disproportionnée ».

Pour les habitants des environs qui affirment n’avoir appris que très récemment la construction des « usines à bitume », elles viennent en tout cas s’ajouter à l’exaspération suscitée par l’A69, un tronçon de 53 km jugé par certains totalement inutile. « C’est la goutte d’eau », confie à l’AFP sur le parcours de la manifestation, Marlène Lafon, commerciale habitant Saint-Germain-des-Près. « Déjà l’autoroute on n’était pas pour mais là de découvrir au mois de septembre qu’on va avoir ça juste à côté de chez nous, c’est un peu raide en fait ».

L’article de GoodPlanet’Mag est ici.

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Accueillir les oiseaux dans son jardin

Un article de la LPO – Ligue de Protection des Oiseaux.

La LPO vous livre quelques conseils pour accueillir nos amis à plumes dans les meilleures conditions.

Le manque de sites de nidification naturels peut être un obstacle à la reproduction des oiseaux nicheurs de nos jardins. Il est possible de leur donner un petit coup de pouce en équipant son jardin, son balcon, sa terrasse ou sa cour de nichoirs.

Saviez-vous que les nichoirs doivent être installés dès le mois de novembre, et non au printemps ? En effet, certains oiseaux comme la mésange recherchent très tôt un lieu de reproduction. D’autres, comme le Troglodyte mignon, vont s’y abriter en hiver. Cette période permet également un temps d’adaptation, augmentant ainsi les chances que les nichoirs soient occupés par une future nichée.

Retrouvez un large choix sur le site de la boutique LPO.

Où placer le nichoir ?

Les nichoirs type « boite-aux-lettres » peuvent être installés sur un tronc d’arbre tandis que les nichoirs semi-ouverts peuvent être fixés à un mur.

Quelle orientation ?

Nous conseillons d’éviter les vents dominants d’ouest et de placer le nichoir pour que le trou d’envol soit en direction du Sud ou du Sud-Est.

Quelle hauteur ?

Les nichoirs sont à fixer à une hauteur comprise entre 2 et 5 mètres au-dessus du sol.

Comment l’attacher ?

Ne clouez pas le nichoir directement sur l’arbre (sauf les clous en aluminium.) Vous pouvez utiliser du fil de fer et entourer le tronc en intercalant des petits morceaux de bois pour protéger l’arbre.

Peut-on poser plusieurs nichoirs sur un terrain ?

Oui, à condition qu’ils soient destinés à des espèces différentes. Deux nichoirs destinés à une même espèce doivent en revanche être éloignés d’au moins 30 mètres (limites de territoires).

Comment entretenir le nichoir ?

Chaque année, il est nécessaire de nettoyer les nichoirs à oiseaux. Les passereaux construisent tous les ans un nouveau nid et ne réutilisent pas l’ancien. Or l’ajout de matériaux rehausse la hauteur du nid, rapprochant dangereusement les oisillons du trou d’envol. En outre, le nettoyage prévient les risques de maladies et permet de vérifier le bon état de votre nichoir.

En premier lieu, assurez-vous que le nichoir est vide. En l’absence des oiseaux, il peut être occupé par d’autres animaux (chauves-souris, insectes…).

Ensuite, videz le nichoir de tous ses matériaux et brossez l’intérieur avec une brosse métallique. Si nécessaire, vous pouvez appliquer de l’huile de lin pour assurer une bonne étanchéité et la préservation du bois.

Vous trouverez tout le nécessaire pour entretenir votre nichoir sur la boutique LPO (brosse, huile de lin, savon noir…).

Pour aller plus loin

Vous désirez en faire plus pour les oiseaux ? Rejoignez le premier réseau de jardins écologiques de France en faveur de la biodiversité de proximité en créant votre Refuge LPO et bénéficiez de conseils d’aménagements pour inviter la biodiversité dans votre jardin ou sur votre balcon. Je deviens Refuge LPO.

L’article de la LPO est ici.

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Sept éoliennes démolies dans l’Hérault pour atteinte à la biodiversité, une première en France

Un article de Novethic, par Blandine Garot, le 13/12/2023.

Biodiversité 1 – éoliennes 0. La Cour d’appel de Nîmes a ordonné le démontage de sept éoliennes dans le parc Bernagues, dans la commune de Lunas (Hérault), le tout dans un délai de 15 mois. Les juges ont estimé que les atteintes à l’environnement étaient avérées. Cette victoire a été qualifiée d’« historique » par les défenseurs de l’environnement, bien que la société Énergie Renouvelable du Languedoc (ERL) a d’ores et déjà annoncé se pourvoir en cassation.

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La cour d’appel de Nîmes a donné 15 mois à Énergie renouvelable du Languedoc (ELR) pour démanteler sept éoliennes et remettre le site en état. Photo de Mike Setchell sur Unsplash

Les sept éoliennes de Lunas doivent être démontées et le site remis en état. C’est en résumé ce qu’a ordonné le 7 décembre dernier la Cour d’appel de Nîmes à la société Énergie Renouvelable du Languedoc (ERL). Et le tout doit être fait dans un délai de 15 mois, sous peine d’une astreinte de 3 000 euros par jour pendant 180 jours en cas de non-exécution de la décision dans ce laps de temps. Contactée par Novethic, l’entreprise a annoncé « se pourvoir en cassation ».

Dans ce feuilleton long de 20 ans, c’est la deuxième fois que la justice condamne la société Énergie Renouvelable du Languedoc (ERL), filiale du groupe Valeco, et lui-même filiale de l’allemand EnBW, au démantèlement de ce site. En 2021, la Cour de cassation avait en effet déjà ordonné la « déconstruction du site » construit illégalement et avait renvoyé le dossier vers la cour d’appel de Nîmes.

Le permis de construire avait été annulé à deux reprises par le Conseil d’État en 2011 et 2012. Les juges avaient souligné que l’étude d’impact n’avait pas été assez poussée, notamment en ce qui concernait l’aigle royal, une espèce protégée et emblématique de la région Occitanie. L’entreprise avait malgré tout pris le risque de monter ses éoliennes pour une mise en service en 2017.

1 000 oiseaux tués en 2020 et un aigle royal en 2023

Le combat a donc repris pour les associations environnementales contre ces mâts de 93 mètres de haut, responsables selon elles de « graves dommages ». Elles dénombrent 1 000 oiseaux tués rien qu’en 2020, ainsi qu’un aigle royal le 16 janvier 2023. Depuis, ces éoliennes sont à l’arrêt sur décision du préfet. Et ce sont ces points qui ont été relevés par les juges d’appel nîmois. Ces derniers ont noté que « la réalité des atteintes environnementales sérieuses est avérée » et qu’aucune solution technique proposée par l’exploitant n’a permis d’éviter la mort d’oiseaux.

Pour Marjolaine Villey-Migraine, porte-parole du collectif pour la protection des paysages et de la biodiversité 34-12, interviewée par nos confrères de France 3, « c’est une victoire […] mais le délai de démolition est vraiment indulgent ». « Ils ont monté les éoliennes en 6 mois, alors pourquoi leur faudrait-il 15 mois pour démonter et remettre en état », a-t-elle ajouté. En attendant de les voir disparaître un jour du paysage, « avec cette décision, c’est un signal fort qui est envoyé », a confié au Parisien Me Nicolas Gallon, avocat du collectif.

Une décision qui pourrait faire jurisprudence

La décision de la Cour d’appel de Nîmes pourrait en effet être un « signal fort » et servir de jurisprudence alors que les procédures à l’encontre de ce secteur se multiplient en France et dans le monde ces dernières années. En novembre 2022, la Cour de cassation a condamné EDF à 3 000 euros d’amende pour la responsabilité de ses éoliennes dans la destruction illégale d’espèces protégées, sans néanmoins appeler à la démolition des 31 éoliennes de la Causse d’Aumelas (Hérault), mises en cause.

Et l’éolien ne fait pas l’unanimité non plus au nord de l’Europe. En Norvège, des militants écologistes et des Samis mènent un bras de fer avec le groupe énergétique public Statkraft. Le 11 octobre 2021, la Cour suprême norvégienne avait conclu que les deux parcs d’éoliennes installées sur la péninsule de Fosen, dans l’ouest du pays, sur des terres utilisées pour l’élevage de rennes, violaient les droits de ce dernier peuple autochtone d’Europe, droits pourtant garantis par l’ONU. Or « le démantèlement de toutes les éoliennes de Fosen n’est pas envisageable » ni « probable », a tenu à répondre le ministre du Pétrole et de l’Énergie, Terje Aasland.

L’article de Novethic est ici.

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La Terre est sur le point de franchir cinq points de bascule : une menace « sans précédent »

Un article de Novethic, par Blandine Garot, le 06/12/2023.

La Terre toujours plus dans le rouge. Sur 26 points de bascule – ou « tipping points » – identifiés, cinq sont à la limite d’être franchis, et trois autres pourraient l’être très prochainement si les températures continuent d’augmenter, avertit une nouvelle étude publiée ce mercredi 5 décembre. Une alerte supplémentaire alors que les pays présents à la COP28 de Dubaï doivent statuer sur la sortie, ou non, des énergies fossiles, responsables du changement climatique.

Cinq points de bascule climatiques, sur les 26 recensés, sont sur le point d’être franchis, selon une nouvelle étude publiée ce mercredi 5 décembre. Photo de Cassie Matias sur Unsplash

Au rythme actuel, il nous reste moins de sept ans pour agir et rester sous la barre des 1,5°C de réchauffement, selon les estimations du Global Carbon Project. Mais la Terre, elle, n’attendra pas. Cinq points de bascule climatiques – ou « tipping points » en anglais – sont à la limite du point de non-retour en raison du réchauffement déjà observé, avertit une nouvelle étude menée par près de 200 scientifiques internationaux et coordonnée par l’université d’Exeter, au Royaume-Uni, publiée ce mercredi 5 décembre.

Pour Tim Lenton, spécialiste du système terrestre à l’université d’Exeter et auteur principal du rapport, ces points de bascule sont une « menace d’une ampleur sans précédent pour l’humanité ». « Il s’agit de ces seuils critiques du réchauffement au-delà desquels les systèmes impliqués dans la régulation du climat de la Terre ne pourraient plus jouer leur rôle, avec des conséquences irréversibles pour les écosystèmes, et donc les sociétés humaines », explique le chercheur.

Déjà trop tard ?

Le temps est donc compté pour les calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique, mais aussi pour les récifs coralliens tropicaux, pour le pergélisol, qui contient notamment du méthane, un gaz à effet de serre bien plus réchauffant que le CO², ou encore pour le gyre subpolaire de l’Atlantique Nord, ce courant océanique qui fait partie de la circulation méridienne de retournement atlantique (AMOC). Et chacun de ces changements aurait un impact considérable sur l’homme et l’ensemble des écosystèmes.

« [Le ralentissement du gyre subpolaire] pourrait se produire d’ici dix ans environ », explique David Armstrong McKay, également de l’Université d’Exeter. « Cela aurait des impacts assez importants des deux côtés de l’Atlantique. Cela provoquerait un refroidissement régional et affecterait l’agriculture en Europe et en Amérique du Nord, et modifierait les schémas d’événements météorologiques extrêmes » explique-t-il.

Pour le Groenland, il est même peut-être déjà trop tard. « Le point de bascule est-il dépassé ou bien est-il encore possible d’inverser la tendance ? Personne n’en est tout à fait sûr », confie Tim Lenton. La fonte des calottes glaciaires de l’Antarctique occidental et du Groenland pourrait augmenter le niveau de la mer de deux mètres d’ici à 2100, exposant ainsi près d’un demi-milliard de personnes à de fréquentes inondations côtières, précise le rapport.

Des points de bascule positifs existent aussi

Les scientifiques préviennent qu’il existe de grandes incertitudes quant au moment où ces systèmes changeront, mais le rapport révèle que trois autres points de bascule pourraient bientôt rejoindre la liste. Il s’agit notamment des mangroves et des herbiers marins, qui devraient disparaître dans certaines régions si les températures augmentent entre 1,5°C et 2°C, et des forêts boréales, qui peuvent être impactées dès 1,4°C de réchauffement ou aussi tard que 5°C.

Mais, il n’y a pas que des mauvaises nouvelles. Le rapport met aussi en évidence une série de points de bascule positifs, tels que la hausse des ventes de véhicules électriques, l’essor des énergies renouvelables ou encore l’adoption d’un régime alimentaire à base de plantes. Ces derniers pourraient rapidement prendre de l’ampleur et faire basculer les choses dans l’autre sens. Néanmoins, ces changements ne se produisent pas d’eux-mêmes, ils doivent être rendus possibles par la mise en place de nouvelles politiques publiques.

C’est pour cette raison que les auteurs du rapport appellent à ce que ces points de bascule soient inclus dans le bilan mondial, actuellement débattu à la COP28 de Dubaï, et dans les objectifs nationaux de lutte contre le changement climatique.

L’article de Novethic est ici.

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L’Union européenne reconnaît le crime d’écocide dans son droit pénal, une décision historique

Un article de Novethic, par Concepcion Alvarez, le 17/11/2023.

C’est la fin de l’impunité pour les criminels environnementaux, veut croire Marie Toussaint, eurodéputée Les Verts qui défend depuis des années la reconnaissance du crime d’écocide. Jeudi 16 novembre, à l’initiative de la présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne, un accord a été trouvé pour reconnaître le crime d’écocide dans le droit pénal européen. Une décision inédite qui ouvre la voie à une reconnaissance internationale.

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La Commission, le Conseil et le Parlement européen se sont entendus jeudi 16 novembre sur un compromis de directive qui inscrit la criminalité environnementale dans le droit pénal européen. @CC0

C’est une victoire pour la reconnaissance du crime d’écocide. À l’issue de longues négociations, la Commission, le Conseil et le Parlement européen se sont entendus jeudi 16 novembre sur un compromis de directive qui inscrit la criminalité environnementale dans le droit pénal européen. « C’est un moment historique », se réjouit l’eurodéputée Les Verts Marie Toussaint, qui porte le sujet depuis de nombreuses années. « Ce texte signe la fin de l’impunité pour les criminels environnementaux », ajoute-t-elle.

Le Parlement européen avait déjà trouvé un accord en mars dernier pour reconnaître le crime d’écocide mais depuis, les négociations étaient bloquées. Elles ont finalement abouti grâce à une nouvelle proposition de la présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne, qui contre toute attente, s’est révélée plutôt ambitieuse. Si la directive révisée sur la protection de l’environnement par le droit pénal ne cite pas directement le crime d’écocide, elle introduit une infraction dite « qualifiée » qui vise à incriminer les atteintes les plus graves à l’environnement en se référant à la définition d’écocide retenue par les experts de la Fondation Stop Ecocide.

« Pollutions étendues, accidents industriels ou feux de forêt massifs, sont couverts par l’infraction qualifiée de façon comparable au crime d’écocide tel que débattu dans le droit international », précise ainsi le texte. En outre, la directive, auparavant limitée aux déchets dangereux, aux matières radioactives ou encore au commerce illégal d’espèces sauvages, reconnaît désormais de nouvelles infractions comme la commercialisation de produits issus de la déforestation importée, les prélèvements illégaux d’eau, la destruction de l’habitat ou de l’ozone, le rejet de substances polluantes par les navires ou encore le commerce de mercure.

L’influence des lobbies

Mais elle va plus encore plus loin, puisqu’au-delà de la violation des législations citées par la directive, elle couvrira plus largement les comportements qui causent des dommages à l’environnement. « C’est au-delà de ce qu’on espérait », confie à Novethic Marie Toussaint. Dès lors, de nombreuses atteintes à l’environnement jusqu’alors non couvertes par le droit pénal devront l’être demain, comme « les marées noires, l’épandage massif de pesticides ou les produits toxiques tels que les PFAS répandus dans l’environnement », cite-t-elle.

Sur la question des sanctions, l’accord introduit pour la première fois au niveau européen des sanctions précises et harmonisées pour les infractions environnementales. La peine maximale d’emprisonnement est par ailleurs fixée à huit ans pour les infractions qualifiées. Les entreprises en infraction se verront infliger dans les cas les plus graves des amendes représentant 5% de leur chiffre d’affaires mondial annuel ou 40 millions d’euros (3% du chiffre d’affaires ou 24 millions d’euros pour les autres infractions). Elles pourront être privées de financements publics et seront tenues de réparer les dommages et d’indemniser les victimes.

« Il n’y a plus de moyens de déroger à la règle, que ce soit grâce à des permis ou des vides juridiques : cette loi est à l’épreuve du temps, ce qui signifie que la liste des infractions sera tenue à jour. Si vous polluez, vous paierez pour vos crimes; les entreprises responsables paieront des amendes et des peines d’emprisonnement sont prévues pour les représentants d’entreprises polluantesʺ, a réagi le rapporteur du texte Antonius Manders (PPE, NL). Le texte compte néanmoins quelques failles et met en relief le manque de cohérence des instances, qui ont voté le matin même pour la reconduction pour dix ans du glyphosate, un pesticide controversé.

Vers une résolution à la Cour pénale internationale ? 

Avec cette avancée, l’Union européenne est le premier bloc de pays au niveau mondial à inscrire l’écocide dans son droit. Reste désormais aux États à transposer le texte dans leur législation mais surtout, ils peuvent désormais déposer un amendement au statut de la Cour Pénale Internationale – dont ils représentent près d’un cinquième des États membres – afin d’ajouter les atteintes graves à l’environnement aux crimes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes d’agression.

Selon Interpol, la criminalité environnementale est devenue en quelques décennies le quatrième secteur criminel du monde, avec une croissance deux à trois fois supérieure à celle de l’économie mondiale. C’est désormais un business aussi juteux que le trafic de drogue. Dans le monde, le pillage et la destruction de la nature représenterait aujourd’hui de 110 à 280 milliards de dollars par an.

L’article de Novethic est ici.

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Le Parlement européen enterre la réduction des pesticides

Un communiqué de presse de la LPO, le 22/11/2023.

Une semaine après la prolongation pour 10 ans de l’autorisation du glyphosate, les eurodéputés ont rejeté aujourd’hui le projet de règlement sur l’usage durable des pesticides.

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Photo d’illustration

En réduisant notamment de moitié leur utilisation d’ici 2030, le Règlement européen SUR (Sustainable Use Regulation) sur l’usage durable des pesticides devait permettre d’accélérer la transition vers des modèles de production agroécologique.

Le texte, qui avait pourtant été validé en commission Agriculture le 9 octobre puis en commission Environnement le 24 octobre, a été rejeté lors d’un vote en séance plénière au Parlement européen à Strasbourg ce 23 novembre, par 299 voix contre 207 et 121 abstentions.

En dépit d’une forte mobilisation des associations environnementales, beaucoup d’eurodéputés se sont laissés abuser par la campagne de désinformation massive menée par les lobbies de l’agrochimie. Le rejet de la loi, orchestré par les partis conservateurs et soutenu par l’extrême droite et de nombreux libéraux, met en péril l’objectif de réconcilier l’agriculture avec la nature et lutter contre l’effondrement de la biodiversité en zones rurales. En mai 2023, une étude du CNRS alertait sur la responsabilité des pesticides dans la disparition des oiseaux des champs en Europe, qui ont perdu 60 % de leurs effectifs en à peine quarante ans.

 » Malgré le préjudice évident causé aux citoyens et à l’environnement, les responsables politiques européens choisissent de perpétuer un système agricole qui met en danger notre santé et empoisonne la nature. C’est incompréhensible et irresponsable. « 

Allain Bougrain Dubourg

Président de la LPO

Le communiqué de presse de la LPO est ici.

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L’Europe renouvelle pour dix ans le glyphosate, sans que la France ne s’y oppose

Un article de Novethic, par Marina Fabre Soundron, le 16/11/2023.

C’est un coup de théâtre. L’utilisation du glyphosate, pesticide largement controversé, va être renouvelée pour dix dans l’Union européenne, soit une durée deux fois plus longue que sa précédente autorisation en 2017. C’est la Commission qui a dû trancher, faute d’accord entre les 27 États membres. La France, elle, est pointée du doigt pour s’être abstenue alors qu’Emmanuel Macron avait fait de l’interdiction du glyphosate une de ses promesses de campagne.

Le glyphosate, principal composant du Roundup, est classé « cancérogène probable pour l’homme » par l’OMS. (Pixabay)

Le couperet est tombé ce jeudi 16 novembre. Bruxelles a décidé de renouveler l’autorisation du glyphosate dans l’Union européenne pour dix ans. Le glyphosate est la molécule active du très controversé herbicide le plus vendu au monde, le Roundup, produit par Monsanto avant son rachat par le géant de la chimie Bayer. « C’est une décision aberrante », a réagi auprès de Novethic, Nadine Lauverjat, déléguée générale de Générations futures. D’autant plus incompréhensible pour les défenseurs de l’environnement qu’en 2017, lors du précédent renouvellement de licence du glyphosate, la Commission européenne avait accordé une prolongation de mise sur le marché de cinq ans, soit deux fois moins qu’aujourd’hui. Mais le contexte était alors différent.

« Le CIRC (le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), branche de l’Organisation mondiale de la santé, NDLR) venait de classer le glyphosate comme cancérogène probable pour l’Homme », rappelle Nadine Lauverjat. Or cette année, la Commission européenne affirme, dans son communiqué, s’être fondée sur les rapports de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Les deux institutions ont conclu qu’aucun « élément de préoccupation critique » n’avait été identifié, le glyphosate ne pouvant être ainsi classé comme cancérogène, mutagène ou reprotoxique. Problème : au contraire du CIRC, qui se base essentiellement sur la littérature scientifique, dont une large partie est indépendante, les agences réglementaires européennes se tournent en priorité vers les rapports des firmes agrochimiques comme Monsanto.

« S’abstenir, c’est soutenir »

Mais si la Commission a dû prendre position pour un renouvellement de dix ans, c’est que les 27 États membres n’ont pas réussi à s’entendre. Pour parvenir à un accord, une majorité qualifiée, représentant au moins 65% de la population européenne devait se dégager. « Conformément à la législation de l’UE et en l’absence de la majorité requise dans un sens ou dans l’autre, la Commission est désormais obligée d’adopter une décision avant le 15 décembre 2023, date d’expiration de la période d’approbation actuelle », écrit-elle dans son communiqué avant de proposer un renouvellement de dix ans, sous réserve de certaines nouvelles conditions et restrictions qu’elle n’a pas détaillées.

La France, qui, en 2017, se positionnait pour un renouvellement de trois ans seulement du glyphosate dans l’Union européenne, a cette fois botté en touche, préférant s’abstenir. Une position « scandaleuse » pour l’eurodéputée écologiste, Marie Toussaint alors qu’Emmanuel Macron avait fait de l’interdiction du glyphosate en France une de ses promesses de campagne, avant de faire machine arrière. Au contraire, l’eurodéputé Renaissance, Pascal Canfin, y voit un passage en force de la Commission « alors que les trois plus grandes puissances agricoles du continent (la France, l’Allemagne et l’Italie) n’ont pas soutenu cette proposition »« S’abstenir, c’est soutenir, tranche Nadine Lauverjat. La France ne montre pas le chemin de la sortie du glyphosate ». 

Interdiction pays par pays

Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a déclaré la veille sur France Info que « l’interdiction totale, ce n’est pas possible. On a constaté qu’il n’y avait pas d’alternative aujourd’hui ». Et de poursuivre : « La position de la France est simple. Là où il y a des alternatives, il faut que l’on continue à les pousser pour avoir une trajectoire de réduction, là où il n’y a pas d’alternatives, on cherche pour essayer de trouver ».

Chaque pays peut décider individuellement de sortir du glyphosate. L’Allemagne a déjà affirmé sa volonté de l’interdire à partir de début 2024 sur son territoire. Mais les principaux syndicats agricoles dénoncent une distorsion de concurrence avec les autres pays. Surtout, les géants de l’agrochimie sont toujours dans la course. Le Luxembourg, qui avait retiré en février 2020 l’autorisation de mise sur le marché des produits phyto à base de glyphosate a dû reculer en avril dernier. Une décision motivée par « l’absence d’indication de la moindre argumentation juridique » dévoilait la Cour administrative du Luxembourg. De quoi redonner des ailes à Bayer, pourtant plombé par les plaintes de consommateurs liées au glyphosate.

L’article de Novethic est ici.

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A69 : derrière ce projet, l’influence « déterminante » de l’entreprise castraise Pierre Fabre

Un article de Novethic, par Concepcion Alvarez, le 13/11/2023.

Au cœur du projet d’A69, il y a une entreprise : le groupe pharmaceutique et dermo-cosmétique Pierre Fabre, implanté à Castres depuis 60 ans et principal employeur privé de la région. C’est son fondateur qui aurait été à l’origine du projet. Un lourd héritage que continue de soutenir l’entreprise mais aussi les élus qui y sont directement ou indirectement liés.

De nombreux témoignages convergent sur le rôle décisif de Pierre Fabre dans le lancement de l’A69 entre Toulouse et Castres. @Extinction Rebellion / Martin

L’A69 a fait couler beaucoup d’encre ces dernières semaines. Grèves de la faim et de la soif, abattage de centaines d’arbres, manifestations réprimées par les forces de l’ordre, évacuation des opposants… Mais derrière ce projet autoroutier « d’un autre temps », comme le décrivent ses détracteurs, il y a surtout une entreprise, autrefois très mobilisée, et aujourd’hui bien discrète : celle des laboratoires Pierre Fabre, groupe pharmaceutique et dermo-cosmétique français, créé en 1962 à Castres par le pharmacien et botaniste Castrais du même nom.

L’entreprise, plus gros employeur privé du Tarn, compte une dizaine de sites dans la région, dont l’usine de Soual, ouverte en 1968 à une dizaine de kilomètres de Castres, site industriel historique du Groupe Pierre Fabre et aujourd’hui sa plus grosse usine. Elle accueille la fabrication et le conditionnement de l’ensemble des marques dermo-cosmétiques du groupe : Ducray, A-Derma, Klorane, René Furterer. Soual se trouve ainsi sur le tracé de la future A69, une deux fois deux voies de 53 kilomètres permettant de réduire d’une vingtaine de minutes le trajet Castres-Toulouse, les deux villes étant aujourd’hui reliées par une nationale.

« Implication farouche »

Il faut remonter au début des années 2000 pour retrouver l’origine du projet. Pierre-Yves Revol, alors directeur général délégué du groupe et aujourd’hui président de la Fondation Pierre Fabre, principal actionnaire de l’entreprise, confirme alors à La Dépêche du midi « l’implication farouche de Pierre Fabre dans ce dossier ». Depuis des mois, il arpente en personne tous « les salons et même les antichambres des ministères pour faire progresser ce dossier d’intérêt général », précise-t-il également. D’intérêt général peut-être, mais aussi d’intérêt privé puisque cette autoroute permettrait de connecter les salariés du groupe et de faire transiter plus facilement ses marchandises.

« Il est clair que le groupe a été le moteur de ce projet, il a fait un lobbying acharné et son influence a été déterminante », confirme à Novethic Bernard Cottaz-Cordier, membre du collectif La voie est libre qui s’oppose à l’A69. « Certes, le poids économique de Pierre Fabre est important mais ça n’autorise pas tout. Et on voit bien que vingt ans plus tard, le groupe a continué de se développer même sans autoroute », constate-t-il. Pour dénoncer cette influence, des activistes d’Extinction Rebellion ont déployé en février dernier une banderole devant le siège du groupe pharmaceutique à Lavaur, dans le Tarn : « Pierre Fabre, le greenwashing ne lavera pas tes mains sales. »

Contacté par Novethic, le groupe s’est contenté de nous renvoyer à une lettre publique ouverte, adressée à La Voie est libre, et datant de septembre 2022. « Nous vous faisons part de notre soutien résolu à la réalisation de ce projet », est-il indiqué. « Nous soutenons avec force le projet de l’A69 car sa réalisation va permettre une réduction du nombre des accidents et une amélioration de la qualité de vie du plus grand nombre », souligne encore Éric Ducournau, Directeur Général du Groupe Pierre Fabre. Depuis, l’entreprise n’a plus communiqué officiellement, mais a sans aucun doute agi en coulisses.

La poursuite de l’A69 se joue au plus haut niveau

Car au-delà de son poids économique, c’est aussi la connivence de Pierre Fabre avec les politiques qui est dénoncée. « Partout dans le département il y a une proximité entre des élus et Pierre Fabre, poursuit Bernard Cottaz-Cordier. Le député de la 3ème circonscription Jean Terlier, dont la femme est directrice du marketing au sein du groupe, est un fervent défenseur du projet. De même, Bernard Carayon, le maire de Lavaur, prend régulièrement la parole en faveur de l’A69. Or, c’est le député à l’origine de ‘l’amendement Pierre Fabre, qui a permis la structure financière originale du groupe (le groupe Pierre Fabre est majoritairement contrôlé par une Fondation reconnue d’utilité publique, la Fondation Pierre Fabre, ndr). »

Les liens entre le projet d’A69 et la sphère publique ne s’arrêtent pas là. Selon une enquête publiée par le média indépendant Off investigation, deux des actionnaires du projet A69 ont directement ou indirectement contribué à financer la carrière politique d’Emmanuel Macron et son accession à l’Élysée. Parmi eux, Emmanuel Miquel, dirigeant du fonds Ardian, qui a été trésorier de la campagne présidentielle puis conseiller économique, en charge de l’attractivité.

Les pressions semblent donc s’exercer jusqu’à Paris. Selon des informations de France 3 Occitanie, les laboratoires Pierre Fabre ont adressé un courrier au gouvernement fin septembre, alors que le ministre des Transports, Clément Beaune, évoque un moratoire au sujet des projets autoroutiers. « Une lettre très claire et très ferme indiquant que si c’est la fin du projet, il n’y aura plus d’investissement dans le Sud du Tarn », indique une source qui a eu le document entre les mains. Bien que les travaux aient commencé, les opposants ne lâchent rien. Ils viennent de déposer une pétition auprès de l’Assemblée nationale pour stopper le projet.

L’article de Novethic est ici.

Publié dans Environnement, Transition écologique | Commentaires fermés sur A69 : derrière ce projet, l’influence « déterminante » de l’entreprise castraise Pierre Fabre

Le tri à la source des biodéchets sera généralisé au 31 décembre 2023

Un article de France Nature Environnement, le 10/11/2023.

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Biodéchets, kézako ?

Les biodéchets sont actuellement définis à l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement et regroupent une partie des déchets organiques (soit biodégradables) :

  • les déchets alimentaires dits « de cuisine et de table » (restes de repas…),
  • les déchets de parc et de jardin dits « déchets verts » comme les tontes de pelouse, les feuilles mortes, ou encore les tailles de haies.

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Ces déchets sont particulièrement importants car ils constituent un tiers de nos ordures ménagères. Certains doivent bien sûr être évités en luttant contre le gaspillage alimentaire ou en mettant en œuvre un jardinage au naturel dès que possible. Pour les autres, il est essentiel de les sortir de la poubelle afin qu’ils puissent être valorisés comme il se doit.

Aujourd’hui incinérés ou enfouis, ils sont à l’origine de nombreux impacts sur l’environnement. En les compostant, ils pourraient nourrir les sols et leur apporter de nombreux bénéfices (stockage de carbone).

Tri à la source : vers une généralisation partout en France

Derrière ce terme se cache tout simplement le tri au plus près du lieu de génération du déchet, chez les particuliers comme les professionnels. Ces derniers sont déjà soumis à l’obligation de trier leurs biodéchets s’ils en produisent ou détiennent une importante quantité. Cette obligation, datant de 2012, a évolué jusqu’à aujourd’hui pour englober de plus en plus de professionnels.

La nouveauté concerne donc les particuliers. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite loi AGEC) prévoit la généralisation du tri à la source des biodéchets d’ici le 1er janvier 2024 pour l’ensemble des producteurs : professionnels, collectivités, ménages…

Gestion de proximité, compostage : différentes solutions à disposition

Plusieurs solutions complémentaires permettront cette généralisation du tri à la source.

  1. La première est la gestion de proximité, par le développement du compostage individuel et partagé, déjà présentes sur de nombreux territoires.
  2. La seconde est la mise en œuvre de la collecte séparée des biodéchets. Déjà présente sur plus d’une centaine de collectivités, cette collecte supplémentaire permettra de pallier les éventuelles difficultés liées au compostage en zones densément peuplées, notamment urbaines.

Les biodéchets, une fois triés, sont valorisés par compostage ou méthanisation, permettant leur retour au sol. Par compostage, ils se transforment en un engrais particulièrement riche utilisable pour le jardinage.

Il est grand temps de sortir toutes des ressources organiques de nos poubelles, pour leur permettre de nourrir nos sols !

L’article de FNE est ici.

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Nos forêts absorbent de moins en moins de CO² et pourraient devenir un obstacle à la neutralité carbone

Un article de Novethic, par Concepcion Alvarez, le 06/11/2023.

Les forêts françaises, en piégeant le CO² atmosphérique, contribuent de manière décisive à la lutte contre le réchauffement climatique. Mais ce rôle de puits de carbone naturel est aujourd’hui menacé, mettant en péril l’atteinte de nos objectifs climatiques.

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La mortalité des forêts françaises a augmenté de 77% en dix ans. @unsplash / Sebastian Unrau

En dix ans, nos forêts ont absorbé un tiers de CO² en moins. Ça c’est si on prend la moyenne annuelle. Entre 2013 et 2021, elles ont ainsi absorbé 40 millions de tonnes de CO² par an contre 60 millions sur la décennie précédente. Mais si l’on prend uniquement les dernières années, de 2018 à 2022, alors la tendance est encore plus alarmante, puisque les chiffres sont divisés par deux. Selon une estimation du Citepa, l’organisme qui inventorie les émissions de gaz à effet de serre de la France, en 2022, les forêts ont capté seulement 27,6 millions de tonnes de CO².

Certaines forêts sont même devenues excédentaires et émettent plus de CO² qu’elles n’en absorbent. C’est le cas notamment dans le Grand Est. « L’exploitation forestière y est assez intensive, presque autant que sur la plantation des Landes », explique dans dans plusieurs tweets le chercheur Philippe Ciais. « La région est affectée par la crise des scolytes des résineux depuis 2019 », ajoute-t-il. Dans les Hauts-de-France, en Normandie ou encore en Auvergne, les forêts mais aussi les autres puits de carbone (prairies, sols, etc…) émettent aussi du CO² et ne jouent plus leur rôle de régulateur du climat, selon le dernier inventaire du Citepa. En cause, le changement climatique qui fragilise les écosystèmes forestiers.

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Le chêne, le hêtre, ou encore le pin sylvestre risquent de disparaître

« On assiste depuis une vingtaine d’années à une surmortalité, un déficit de régénération et des pertes de productivité, essentiellement à cause des sécheresses qui provoquent un affaiblissement des arbres alors rendus plus sensibles aux pathogènes et aux ravageurs », résume l’Académie des sciences dans un rapport publié en juin dernier.

Un constat renforcé par les données annuelles de l’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière). La mortalité des arbres a ainsi augmenté de 77% en dix ans. Les jeunes plants notamment sont impactés avec un taux record de mortalité de 38% en 2022 en raison des sécheresses. La croissance des arbres n’est pas non plus au rendez-vous avec un ralentissement de 4% sur la dernière décennie. Or, moins les arbres poussent, moins ils stockent du CO². Enfin, 4% de la forêt est aujourd’hui dépérissante, c’est-à-dire que sur ces parcelles, on compte au moins 20% d’arbres morts.

« Les projections des modèles de fonctionnement des arbres forestiers montrent que les tendances déjà visibles de dépérissement vont s’accentuer dans les prochaines années et que des essences emblématiques telles que le chêne, le hêtre, ou encore le pin sylvestre risquent de disparaître d’une grande partie de la France avant la fin du 21e siècle », prévient l’Académie des sciences.

Quel avenir pour la récolte de bois ?  

Outre le changement climatique, la récolte de bois a aussi un impact. Celle-ci a augmenté de 20% entre 2012 et 2020 par rapport à 2005-2013, toujours selon l’IGN. Alors que faire pour sauver nos forêts et atteindre nos objectifs climatiques ? Le gouvernement doit prochainement publier sa nouvelle feuille de route pour la période 2023-2030 (Stratégie nationale bas-carbone, SNBC3) et devra définir des objectifs pour le secteur des forêts et des sols. Bien que la SNBC2 préconise une augmentation des prélèvements de bois, l’Académie des sciences suggère que « les produits bois à longue durée de vie et à fort potentiel de substitution (comme les charpentes, les panneaux ou isolants à base de bois dans la construction ou encore les produits pour l’ameublement, NDR) «  soient privilégiés contrairement au bois-énergie.

Le gouvernement mise également sur la plantation d’un milliard d’arbres en dix ans. Une idée qui peut sembler séduisante de prime abord mais dont la mise en œuvre doit être plus fortement encadrée pour éviter la généralisation du modèle coupes rases/plantation en monoculture qui ne permet pas de répondre à l’enjeu climatique. « Relever les défis auxquels la forêt et ses usages sont confrontés s’avère beaucoup plus complexe que l’idée simpliste selon laquelle il suffirait de planter des arbres ou de les laisser pousser », persifle encore l’Académie des sciences.

L’article de Novethic est ici.

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« Climatoscepticisme ou négation des faits, nous continuons à agir comme si de rien n’était », selon le philosophe Gabriel Dorthe

Un article de Novethic, par Blandine Garot, le 12/11/2023.

En 2023, un Français sur quatre serait climatosceptique, rappelle le nouvel épisode de « La Fabrique du mensonge » consacré au déni climatique et disponible sur France 5. Pour Novethic, le philosophe et anthropologue Gabriel Dorthe, co-auteur d’un essai sur la montée de l’irrationalité et la perte de confiance dans la communauté scientifique [*], décrypte cette méfiance et pointe du doigt la figure de l’« expert généraliste » qui a envahi le champ médiatique.

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Le philosophe et anthropologue Gabriel Dorthe décrypte la méfiance vis-à-vis de la science et pointe du doigt la figure de l' »expert généraliste » très présente dans les médias. DR – éditions du Seuil

Depuis la pandémie de Covid-19, plusieurs travaux de recherches déplorent la méfiance grandissante de la population française envers l’autorité scientifique, et plus largement la science. Y a-t-il une explication à ce phénomène ?

Gabriel Dorthe : Il faut probablement se demander de quelle population parle-t-on ? Y a-t-il des catégories de personnes qui sont plus à même de douter que d’autres et si oui pourquoi ? Comment se fait-il que ces travaux auxquels vous faites référence captivent l’attention des politiques, alors que d’autres études offrent une image bien plus contrastée ? Et surtout quelle est cette science dont il est question ?

Bien souvent, il s’agit d’une ancienne rengaine qui en dit plus sur ceux qui l’expriment que sur le phénomène en question : les gens ne comprennent rien aux sciences, aux statistiques et se conduisent comme des idiots ! Cette rengaine permet en retour de renforcer l’autorité des experts et surtout des institutions qui s’en réclament et de continuer de penser qu’il suffit d’informer le public, de communiquer à coups de vidéos YouTube ou de formules choc pour convaincre. En tant que philosophe et historienne des sciences, nous ne croyons ni à « la méthode scientifique » car il y a des styles de recherche propres à chaque discipline scientifique, ni à l’autorité infaillible de la parole scientifique.

Dans votre ouvrage, vous vous intéressez justement à la figure de l’expert, de plus en plus présent dans le champ médiatique. Pourquoi peut-elle être problématique ?

G. D. : On peut distinguer deux types d’experts dans le champ médiatique. D’une part, les experts qui interviennent en tant que représentants d’une communauté scientifique spécifique (en tant que présidente d’académie par exemple ou co-auteur d’un rapport), ce qui ne leur confère pas une autorité absolue a priori, mais les engage à une certaine retenue et à porter attention à l’état des controverses et des connaissances. D’autre part, des experts généralistes qui ne peuvent se revendiquer que d’eux-mêmes et de l’espace que leur laissent les médias. Bien souvent, ce sont de telles figures (Jacques Attali ou Laurent Alexandre pour prendre deux exemples français) qui ciblent les antivaccins et autres sceptiques. La frontière entre ces deux figures peut être poreuse, mais elle mérite d’être questionnée à chaque fois afin de mieux comprendre à quel type de configuration entre sciences, expertise et démocratie nous avons affaire. Qui parle ici et à qui ? Au nom de qui et de quoi ?

On fait également face à une montée du climatoscepticisme, et l’été 2023 en France en a été la parfaite illustration. Or, le réchauffement climatique causé par les activités humaines fait pourtant l’objet d’un consensus scientifique. Alors pourquoi persiste-t-on à nier les faits ? Est-ce-que la culture du doute est entendable dans ce contexte ?  

G. D. : Nous ne cherchons pas à l’expliquer. Il est trop facile de se placer en position de surplomb pour trouver des explications à l’aveuglement, aux « erreurs » des autres en invoquant des préjugés, parti-pris, ou des « biais cognitifs ». Demandons-nous plutôt pourquoi nous continuons à privilégier le court terme sur le long terme. Combien de grandes déclarations de responsables politiques ne sont suivies d’aucune action concrète, alors qu’elles brandissent ces faits scientifiques supposés incontestables ? Il vaudrait la peine d’hésiter sur l’assimilation entre climatoscepticisme et négation des faits. Consensus scientifique ou pas, nous continuons, en pleine connaissance des désastres en cours, à agir comme si de rien n’était. Et ce « nous » concerne autant les individus (vous et moi) que les gouvernements et les entreprises multinationales.

Que pourrions-nous mettre en place afin de rétablir ce lien de confiance entre la science et la population ?

G. D. : Il faut d’abord se souvenir que, avant que “la science” puisse être susceptible d’éclairer les choix de société, nous avons besoin de produire des connaissances, de les discuter, de les échanger. Cela prend du temps et requiert des moyens humains, matériels et financiers. Il est piquant de constater à quel point les mêmes autorités politiques qui se lamentent sur la perte de confiance détruisent méthodiquement les conditions de production des connaissances. Dans notre livre, nous retraçons quelques-unes des logiques profondes de politique de la recherche, telles que la mise au pas de pans entiers de l’activité scientifique destinée à contribuer à la croissance, ou le régime des promesses technoscientifiques dans un contexte de compétition croissante pour des financements de plus en plus rares (au-delà de quelques “clusters d’excellence” ou autres classements internationaux dont on se gargarise de temps à autre). Les responsables de cette situation ne méritent aucune confiance, mais poussent à inventer collectivement des modes de mise au défi susceptibles de générer d’autres possibles. C’est ce que nous appelons la culture de la défiance.

Propos recueillis par Blandine Garot

L’article de Novethic est ici.

[*] Bernadette Bensaude-Vincent et Gabriel Dorthe, Les Sciences dans la mêlée. Pour une culture de la défiance, Paris, Seuil, 2023 (La Couleur des Idées)

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5 ans après avoir racheté Monsanto, Bayer plie sous les procès liés au glyphosate

Un article de Novethic, par Marina Fabre Soundron, le 04/11/2023.

Bayer n’arrive toujours pas à se dépêtrer des litiges dits « Roundup ». Après avoir essuyé trois revers juridiques en octobre et alors que 40 000 procès sont toujours en attente, les investisseurs tapent du poing sur la table. Depuis son rachat de Monsanto en 2018, le groupe a perdu la moitié de son cours de Bourse et son PDG, évincé en juin dernier, en a fait les frais.

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Outre les plaintes liées au glyphosate, les ventes de l’herbicide sont en chute libre. Rémy Gabalda / AFP

C’est une descente aux enfers qui n’en finit pas. Le géant allemand Bayer a été condamné mardi 31 octobre par les jurés du tribunal californien de San Diego à verser 7 millions de dollars d’indemnités et 325 millions de dollars de dommages et intérêts punitifs à Michael Dennis. Ce dernier estime que son lymphome non hodgkinien est lié au Roundup, herbicide qu’il a utilisé pendant plus de 30 ans et dont la molécule active est le glyphosate, considéré en 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé comme « cancérogène probable ». Le Roundup a été pendant des décennies le produit star du géant américain des semences Monsanto, racheté en 2018 par Bayer.

Le groupe a indiqué à l’AFP son intention de faire appel et il semble probable que le montant des dommages et intérêts punitifs soit largement revu à la baisse. Bayer a remporté neuf procès consécutifs pour des procès liés au Roundup mais ce revers juridique est le troisième qu’enregistre le chimiste devant les tribunaux américains depuis un mois. Un signal d’alerte qui ne plaît pas aux investisseurs alors que depuis janvier le titre accuse un repli de 16% à la Bourse de Francfort.

Pression des investisseurs

Selon l’agence Reuters, Union Investment comptant parmi les 10 principaux actionnaires de Bayer, a appelé le groupe à reconsidérer sa stratégie en matière de litiges liés au glyphosate. « La stratégie de Bayer consiste à engager des poursuites uniquement lorsqu’elle estime avoir de bonnes chances de gagner. Cela a fonctionné neuf fois, mais a maintenant échoué trois fois », a déclaré Markus Manns, gestionnaire de fonds chez Union Investment cité par Reuters. « Bayer devrait revoir à nouveau sa stratégie maintenant pour éviter de nouveaux titres négatifs », a-t-il ajouté.

113 000 procès sur 160 000 ont été conclus selon Bayer. Le groupe a ainsi provisionné 16 milliards de dollars pour anticiper les risques juridiques mais 47 000 procès restent encore à régler. Le glyphosate n’est pas qu’une épine dans le pied de Bayer, c’est un bloc de plomb qui l’attire vers les tréfonds. En juillet dernier, le groupe a ainsi annoncé une perte nette de 2 milliards d’euros au deuxième trimestre faisant fondre ses prévisions. « L’explication tient avant tout dans le recul massif des ventes de produits à base de glyphosate », justifiait-il.

Un possible démantèlement à venir 

Depuis son rachat pour 63 milliards d’euros, Monsanto n’a cessé d’être un gouffre financier. Le cours de Bourse de Bayer a été divisé par deux en cinq ans seulement et, en Allemagne, plusieurs investisseurs réclament 2,2 milliards d’euros de dommages et intérêts. Résultat, en février dernier, le PDG à l’origine du rachat, Werner Baumann, a été débarqué, poussé à la sortie par Bluebell et Inclusive Capital Partners, deux fonds activistes entrés récemment dans le capital. Il est remplacé par un ancien du groupe pharmaceutique suisse Roche, l’américain William N. Anderson.

Depuis la nomination du président, des rumeurs circulent quant à une possible scission du groupe au moins en deux parties, d’un côté l’activité agro-industrielle, de l’autre, la santé. Pour l’instant, rien d’officiel n’a été annoncé mais des investisseurs, dont Artisan, Bluebell et Inclusive Capital Partners plaident pour un démantèlement. En attendant, c’est du côté réglementaire que la pression monte.

La licence du glyphosate arrive à échéance dans l’Union européenne à la fin de l’année. Et pour l’instant, les 27 États membres ne trouvent pas d’accord. La Commission a proposé un renouvellement du glyphosate dans la zone pour 10 ans (contre 5 ans lors du dernier vote en 2017) mais plusieurs pays dont la France se sont abstenus. Selon une information du média Contexte, le gouvernement plaide pour une réautorisation du glyphosate pour 7 ans avec des conditions d’utilisation.

L’article de Novethic est ici.

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A69 : les députés écologistes réclament une commission d’enquête parlementaire

Un article de Reporterre, le 27/10/2023.

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Ils veulent « faire la lumière sur le choix de l’État ». Dans un communiqué publié le 26 octobre, les députés du groupe écologiste ont réclamé l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire « sur le montage juridique et financier » du projet contesté de l’A69, l’autoroute censée relier Toulouse à Castres.

Les élus de l’Assemblée nationale rappellent que l’État a décidé de confier la concession autoroutière de l’A69 à la société Atosca, pour une durée envisagée de cinquante-cinq ans. Ainsi, pendant cette période, l’État ne pourrait pas renégocier le contrat ou faire appel à la concurrence.

Les députés écologistes demandent donc « une commission chargée d’enquêter sur les liens existants entre la société Atosca et des décideurs politiques français, élus locaux ou membres du gouvernement, ainsi que sur les soutiens accordés par le gouvernement français aux entreprises impliquées dans ce projet écocide ».

Toutefois, comme le rapporte l’Agence France-Presse, le groupe parlementaire n’a pas précisé s’il comptait utiliser pour cela son « droit de tirage annuel ». Ce dispositif du règlement de l’Assemblée nationale permet à un groupe politique d’obtenir la création d’une commission d’enquête, pour contrôler l’action du gouvernement. À l’heure actuelle, sa mise en place n’est donc pas garantie.

Le projet d’autoroute A69 est très contesté depuis plusieurs mois. Le 21 octobre, plusieurs milliers de personnes ont participé à la mobilisation « Ramdam sur le macadam » dans le Tarn, pour réclamer l’arrêt immédiat des travaux. Des militants ont orchestré la création d’une nouvelle zone à défendre (zad), qui a été expulsée dès le lendemain.

Le gouvernement l’a rappelé : il est décidé à mener « jusqu’à son terme » cette portion d’autoroute. Elle est censée réduire d’environ vingt minutes le trajet Castres-Toulouse. Sa mise en service est prévue pour 2025.

L’article de Reporterre est ici.

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A69 : Les 4 arguments scientifiques contre le projet d’autoroute

Un article de NATURA Sciences, par Chiara Hagenlocher, le 18/10/2023.

La construction de l’autoroute Toulouse-Castres se poursuit. Suite à la réunion du 13 octobre, le gouvernement a décidé de poursuivre le chantier de l’A69. Ce projet est pourtant fortement décrié par les scientifiques. Près de 1.900 d’entre eux, à l’initiative du collectif Scientifiques en rébellion, ont signé, ce 4 octobre, une lettre ouverte s’opposant au projet.

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Manifestation le 21 octobre 2023 pour demander l’arrêt des travaux de l’A69. Charly Triballeau / AFP

C’est officiel, le gouvernement a décidé de poursuivre la construction de l’A69. Ce vendredi 13 octobre, le ministre délégué chargé des transports, les élus du territoire, les associations environnementales et les représentants du monde économique s’étaient réunis pour discuter de la poursuite du chantier. Avec ses 53 km, le projet d’autoroute reliant Toulouse à Castres (A69) vise selon les élus locaux à « désenclaver » le sud du Tarn. Plusieurs associations écologistes et de nombreux scientifiques décrient ce projet depuis son commencement.

Dès le 24 septembre, les plus de 200 scientifiques membres de l’Atécopol (Atelier d’Ecologie Politique de Toulouse) avaient détaillé les raisons de leur opposition à ce projet. “Dans ce collectif à l’expertise reconnue, pas un·e seul·e membre n’est favorable à la construction de l’autoroute A69. Pas un. Pas une. Il s’agit d’un rejet unanime”, introduit leur tribune. Dans une lettre ouverte, publiée le 4 octobre dans l’Obs, près de 1.900 scientifiques ont une nouvelle fois fait entendre leur opposition, à l’initiative du collectif Scientifiques en rébellion. Parmi eux, plusieurs auteurs du GIEC, membres du Haut Conseil pour le Climat et de l’Académie des Sciences, dont Valérie Masson-Delmotte. Voici les quatre principaux arguments scientifiques à retenir.

N°1 – Il y aura plus de voitures pour un gain de temps pratiquement inexistant

L’ouverture d’une nouvelle autoroute constitue une invitation à ce que davantage de voitures individuelles circulent. En plus, une vitesse plus élevée que sur l’actuelle nationale N126, engendrera plus d’émissions entre les deux villes. Les scientifiques soulignent que ces deux conséquences vont à l’encontre des mesures nécessaires pour atteindre les objectifs de l’ Accord de Paris et de la planification écologique.

Les scientifiques le rappellent : sur les autoroutes, “l’heure est à la réduction de la vitesse”. Plutôt que de construire une nouvelle autoroute, ils invitent le gouvernement à limiter la vitesse maximale sur autoroute à 110 km/h, comme le proposait la Convention citoyenne pour le climat. Cette mesure de sobriété est la plus efficace selon l’association négawatt pour réduire la consommation de carburant des voitures et les émissions de gaz à effet de serre associées.

Cette mesure de sobriété « ferait perdre de facto l’intérêt en gain de temps de l’A69″, dénonce la tribune parue dans l’Obs. En effet, l’un des principaux arguments soutenant la construction de l’A69 est le gain de temps engendré. Au total, vingt minutes sur un trajet d’1h30. “Du point de vue de l’intérêt – par ailleurs très discutable – du temps de trajet diminué, une éventuelle limitation des vitesses sur l’autoroute ferait perdre tout bénéfice à ce nouvel aménagement”, détaille l’Acétopol.

N°2 – L’A69 va davantage polariser les territoires

Les deux collectifs se basent également sur les recherches dans les domaines de la géographie, de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire de ces quarante dernières années. Celles-ci montrent que le lien entre l’arrivée de nouvelles infrastructures autoroutières et le développement des territoires qu’elles traversent n’est pas automatique. Les conséquences peuvent même parfois être négatifs.

“Les infrastructures autoroutières, en exacerbant la compétition entre territoires, ont surtout pour effet d’amplifier les dynamiques existantes, ces dernières dépendant plus des projets de territoire que des infrastructures elles-mêmes”, précise l’Atécopol. Contrairement à ce que promet le projet de construction, l’A69 ne serait donc pas une opportunité de désenclavement pour Castres. L’autoroute deviendrait plutôt un soutien au développement de la métropole toulousaine et accentuerait la polarisation du territoire.

N°3 – La priorité doit être au développement des transports en communs

En voiture thermique, le trajet Toulouse-Castres émet trois fois plus de CO² qu’en TER et huit fois plus qu’en car. Si la ligne ferroviaire existante entre les deux villes était électrifiée, un voyage en train émettrait 25 fois moins de CO² qu’à bord d’un véhicule thermique. “Réduire les émissions de gaz à effet de serre françaises au rythme prévu sera difficile, et développer le transport routier même électrique va à l’encontre de ces objectifs” rappelle la tribune lancée par Scientifiques en rébellion.

Le collectif Acétopol, composé de scientifiques de la région toulousaine signale le manque de transports en commun sur ce trajet. “En tant qu’habitant·es de la région toulousaine, nous vivons quotidiennement les insuffisances du réseau de transport en commun régional : autocars complets, trains régulièrement annulés et insuffisants” témoigne-t-il. Le développement du réseau de transports en commun entre Toulouse et Castres est donc préférable et nécessaire selon les scientifiques.

N°4 – Les atteintes à la biodiversité ne peuvent pas être compensées

Même en admettant que “cette autoroute ait un quelconque effet sur la croissance économique de Castres”, ce qui n’est pas garantit par les études, les scientifiques estiment “que cela ne justifie pas les pertes de terres agricoles, l’artificialisation d’espaces sauvages, les dommages sur la santé des populations induits par les centrales à enrobés, les expropriations, les dizaines de milliers de tonnes de CO² qui seront émises au cours de la construction et les milliers par an supplémentaires lors de l’utilisation”.

La compensation environnementale, présentée comme un moyen d’effacer les répercussions négatives du projet, ne convainc pas les deux collectifs. “Le principe même de la compensation écologique est largement contesté dans la littérature scientifique. Notamment parce que des arbres centenaires et des écosystèmes ne sont pas remplaçables par des plantations plus jeunes ou par la protection d’autres zones”, explique la tribune lancée par Scientifiques en rébellion.

Malgré la décision du gouvernement, les manifestations contre ce projet continuent. L’association La voie est libre organise par exemple un week-end de mobilisation les 21 et 22 octobre. Avec son « Ramdam sur le Macadam », elle  demande à ce que le chantier soit “suspendu le temps d’une expertise indépendante et d’une consultation populaire”.

L’article de Natura Sciences est ici.

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Donner des droits aux arbres : et si c’était la solution pour stopper les grands projets autoroutiers ?

Un article de Novethic, par Blandine Garot, le 21/10/2023.

Une nouvelle manifestation d’envergure contre l’autoroute A69 est prévue ce week-end dans le Tarn, bien que le gouvernement ait décidé de poursuivre le chantier « jusqu’à son terme », entraînant dans la foulée l’abattage d’arbres se trouvant sur son tracé. Et si la survie de ces arbres pouvait en France venir du côté de la justice ? Pour répondre à cette question, Novethic a interrogé plusieurs spécialistes du sujet.

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Un grand rassemblement, intitulé « Ramdam sur le macadam » est prévu ce week-end contre le chantier de la future autoroute A69 reliant Castres à Toulouse. Charly Triballeau / AFP

Tous les regards seront tournés ce week-end des 21 et 22 octobre sur la grande mobilisation « Ramdam sur le macadam » organisée contre l’A69 entre Castres et Toulouse. Des milliers de manifestants sont attendus à Saïx (Tarn) pour résister et lutter contre ce projet qui a déjà mis à terre plus d’une centaine d’arbres. Et c’est pour ces arbres menacés par cette nouvelle voie rapide que Thomas Brail et plusieurs membres de son collectif se sont mis en grève de la faim puis de la soif. Un combat pourtant infructueux puisque le gouvernement a acté la poursuite du chantier « jusqu’à son terme ».

Alors que faudrait-il faire pour réussir à protéger ces arbres au moment où nous en aurions le plus besoin pour lutter contre le changement climatique ? La solution serait peut-être à trouver du côté de la justice et du droit, comme laisse entrevoir la récente décision du tribunal de Nantes. Cette instance a rejeté la demande d’abattage d’un magnolia par un couple qui estimait qu’il faisait de l’ombre à son logement Airbnb.

Une possibilité juridique devenue réalité

La loi française est rarement du côté des arbres. Ils sont juridiquement considérés comme des choses. Or, le juge a estimé que ce magnolia « apportait un bénéfice à la collectivité par les bienfaits environnementaux » et qu’à ce titre, « il devait être préservé conformément à l’article 2 de la Charte de l’environnement ». Toujours selon le tribunal, « la coupe de cet arbre à hauteur de 2 mètres est de nature à causer un préjudice écologique au sens de l’article 1247 du Code civil. »

« Il est intéressant de voir le juge rappeler le lien qui existe entre les entités naturelles, les arbres notamment, et le bien-être de la collectivité, en insistant sur le devoir qui est fait à tous d’agir pour la protection de l’environnement », explique Marine Calmet, juriste et cofondatrice de l’organisation Wild Legal, auprès de Novethic. « Une telle décision pourrait donc ouvrir la voie à une meilleure considération de la nature et de son rôle au sein de la société et de son écosystème », glisse-t-elle.

La prochaine étape serait peut-être de reconnaître aux arbres une personnalité juridique. Cette idée a été émise par Christopher Stone en 1972 dans un article retentissant « Les arbres doivent-ils pouvoir plaider ? ». Ce texte a été écrit en réaction à une affaire jugée aux États-Unis où plusieurs associations s’opposaient à la destruction de séquoias géants millénaires pour un projet immobilier de Disney. À l’époque, Christopher Stone était convaincu que le droit était en mesure d’évoluer.

Une course contre la montre

Ce changement de paradigme est en marche. L’exemple le plus abouti est sans nul doute celui de l’Équateur qui a accordé en 2008 des droits à la Pacha Mama, la Terre Mère, mettant ainsi un stop à certains projets industriels. Côté français, un pas vient également d’être franchi en juillet 2023 en reconnaissant aux tortues et aux requins des îles Loyauté le statut d’« entité naturelle juridique »« Alors si ces animaux se sont vu reconnaître ces droits fondamentaux, il n’y a aucune raison que des arbres ne puissent pas aujourd’hui obtenir ce statut du fait de la loi et se défendre en leur nom propre », reconnaît la cofondatrice de Wild Legal.

Sans aller aussi loin, d’autres spécialistes du droit de l’environnement ou associations plaident pour un renforcement du droit existant. À l’image du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de Seine-et-Marne (CAUE 77) qui appelle à reconnaître l’arbre comme un être vivant, et non plus comme un objet ou « comme un élément gênant, un empêcheur de faire »« Toutes nos propositions, applicables dès demain, ont été pensés en conciliant les enjeux environnementaux et urbains », fait remarquer sa directrice Grégorie Dutertre.

« Couper les arbres, c’est souvent le meilleur moyen de faire passer un mauvais projet et montrer la détermination et l’inéluctabilité de la réalisation du projet », déplore Christine Nedelec, présidente de FNE Paris. Or « nous sommes en train de scier la branche sur laquelle nous sommes assis, soit par déni, absence de conscience, cynisme ou par court termisme hallucinant ». Une stratégie choisie par les autorités sur le chantier de l’A69.

L’article de Novethic est ici.

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Anor : projet d’usine à pellets, c’est la fin du parcours… judiciaire

Un article de La Voix du Nord, par Lionel Maréchal, le 05/11/2023.

Même si le premier arrêté préfectoral datait de 2014, l’action en justice se poursuivait s’agissant d’une usine à pellets sur la commune. Elle devrait avoir pris fin. La requête de l’association de défense Anor environnement a été rejetée et elle n’ira pas plus loin. Tout comme vraisemblablement le projet.

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Que reste-t-il du permis de construire d’une usine à pellets à Anor ? Pas grand chose.

Bientôt dix ans ! 2014-2023. C’est le temps qu’il aura fallu à la justice pour passer définitivement suite aux saisines, à plusieurs reprises, des protagonistes du projet. En effet, on vient d’apprendre que l’association de défense des riverains, Anor Environnement, arrêtait la partie concernant l’installation d’une usine à pellets (ou granulés de bois) au hameau de Saint-Laurent.

Une activité économique importante pour la société Jeferco puisque son gérant, Jean-François Rosado, voyait grand : la fabrique (20 M€, 26 emplois) devait alimenter non pas des particuliers mais des industriels d’Europe de l’est. Pour ce faire, elle aurait eu besoin, chaque année, de 120 000 tonnes de bois.

Le préfet donne un arrêté d’exploiter en 2014. En face, on s’organise : les bénévoles attaquent au tribunal administratif. Les opposants gagnent, le pourvoi en cassation de Jeferco est déclaré irrecevable. Quand ils dénonçaient les nuisances et pollutions à venir, ce sont les garanties financières du promoteur qui ne sont pas au rendez-vous. Un second arrêté voit le jour en 2018. Et c’est reparti pour un tour… d’autant que le bois souillé (peint, vernis, traité, etc,) s’invite à la fête.

L’association s’impose au premier round mais perd au second : sa requête est rejetée en date du 7 avril dernier. Il y a la solution de l’appel mais finalement on en restera là. Après, également, deux enquêtes publiques (une positive, une négative) qui ont laissé des traces.

Pas suspensif

Du coup, la suite, c’est quoi ? Quand beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Ainsi, le second arrêté préfectoral de 2018, d’une durée de trois ans autorisant Jeferco à exploiter, a pris fin le 25 octobre 2021. Et comme aucune première pierre n’a été déposée, il devient lui aussi obsolète comme le rappelle l’article R 512-38 du Code de l’environnement qui prévoit que : « L’arrêté d’autorisation cesse de produire effet lorsque l’installation classée n’a pas été mise en service dans le délai de trois ans ou n’a pas été  exploitée durant deux années consécutives, sauf le cas de force majeure. »

Mais a-t-il été suspensif le temps de la procédure ? Voici ce que dit la jurisprudence (tribunal administratif de Nancy en 2004) : « L’annulation d’une autorisation d’exploiter prononcée par un jugement frappé d’appel a pour effet d’interrompre, et non de suspendre, le délai de caducité d’une telle autorisation jusqu’à la notification de la décision ».

Bref, il semblerait bien que si un nouveau promoteur se faisait connaitre – et ce n’est pas encore le cas, il faudrait tout recommencer à zéro. Fin de l’histoire.


L’association prend acte

L’association Anor Environnement a publié un communiqué suite à la décision de justice :
« Les instances régionales et quelques élus zélés ont tenté, depuis plus de neuf ans, de faire passer en force ce projet d’usine expérimentale de fabrication de pellets sans norme, non certifiés, à usage industriel et fabriqués à partir de bois souillés. Pourtant, les finlandais puis les américains, les norvégiens et les canadiens ont abandonné cette idée après plusieurs années de recherche. L’étude d’impact de ce projet est tellement mal ficelée qu’on ne sait absolument rien sur la centrale biomasse (une chaudière de 15 millions de watts). On ignore tout sur l’embranchement de voie ferrée dont on ne connait ni le tracé, ni la longueur, ni la hauteur, ni le nombre de voie, ni le nombre de wagons et leurs poids, ni le nombre de motrices. Et il n’existe aucun accord avec l’exploitant de cette voie ferrée non électrifiée »
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« Sacrée liste d’erreurs »

Et de poursuivre :
« On ne sait rien sur les quantités de gaz à effet de serre qui seront émises. Pas plus que sur les produits contenus dans les déchets de bois et qui seront à l’origine de pollutions. Rien non plus sur les rejets liquides et gazeux. Ni sur les quantités d’effluents rejetés en milieu naturel. Ni sur les déchets produits sous forme solides et de boues. Ni sur la destination des cendres qui seraient soit évacuées en décharge, soit épandues sur les pâtures des environs. Si on ajoute à tout cela le caractère théorique du procédé retenu mais jamais expérimenté et l’avis défavorable du commissaire enquêteur, on a tout de même une sacrée liste d’erreurs, d’incertitudes, de manquements, de doutes et d’amateurisme. Malgré tout cela, la justice administrative a décidé de rejeter notre requête. Anor Environnement prend acte de cette décision ».

L’article de La Voix du Nord est ici (réservé aux abonnés).

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La justice suspend les expérimentations visant à rétablir les chasses traditionnelles

Un communiqué de presse de la LPO, le 27/10/2023.

Nouvelle victoire juridique contre des pratiques archaïques

Le Ministère de l’écologie a voulu organiser une étude soi-disant scientifique visant à autoriser de nouveau le piégeage traditionnel d’espèces d’oiseaux pourtant en déclin. Saisi en référé par la LPO et One Voice, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne vient de suspendre l’arrêté préfectoral autorisant la tenderie des 500 vanneaux huppés et de 15 pluviers dorés dans les Ardennes.

Vanneau huppé Vanellus vanellus Northern Lapwing

Vanneau huppé. Famille des Charadriidés. Ordre : Charadriiformes

En parallèle, le tribunal administratif de Bordeaux a suspendu les arrêtés préfectoraux autorisant la capture de 6000 alouettes des champs à l’aide de pantes (filets horizontaux) ou de matoles (cages tombantes) dans les départements de la Gironde et du Lot-et-Garonne.

 » L’obstination du gouvernement à vouloir perpétuer des pratiques rétrogrades sous la pression des lobbies cynégétiques n’est pas digne d’un pays qui se veut leader en matière de reconquête de la biodiversité. Navrant que la science et le droit soient contraints de le lui rappeler. « 

Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO

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Déchets nucléaires : le Conseil constitutionnel reconnaît le droit des générations futures à un environnement sain

Un article de Reporterre, par Émilie Massemin, le 27/10/2023.

Le droit des générations futures à vivre dans un environnement sain est reconnu par le Conseil constitutionnel. Une victoire militante, même si le stockage souterrain des déchets nucléaires a été déclaré conforme à la Constitution.

Le 27 octobre 2023, les Sages ont reconnu « en des termes inédits » le droit des générations futures à vivre dans un environnement sain. © Mathieu Génon / Reporterre

« C’est une avancée énorme », assure Marion Rivet, porte-parole du réseau Sortir du nucléaire. Les Sages ont examiné une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posé par des militants antinucléaires et viennent de rendre leur conclusion vendredi 27 octobre.

Certes, le stockage des déchets radioactifs en couche géologique profonde est bien conforme à la Constitution, a estimé le Conseil constitutionnel. Mais cela n’a pas douché l’enthousiasme des défenseurs de l’environnement : les Sages ont, aussi, reconnu « en des termes inédits » le droit des générations futures à vivre dans un environnement sain.

Ainsi, « lorsque le législateur va adopter une loi susceptible d’entraîner une atteinte grave et durable à l’environnement, il doit faire en sorte que les choix qu’il opère ne viennent pas compromettre les besoins des générations futures et des autres peuples. C’est une décision qui pose des jalons très importants pour la protection de l’environnement », se réjouit Me Stéphane-Laurent Texier, contacté par Reporterre. Il est l’avocat des requérants : trente-deux associations et trente riverains du projet d’enfouissement des déchets radioactifs à Bure (Meuse). L’avocat imagine déjà les applications possibles de cette décision pour la mobilisation contre le changement climatique ou pour la transition écologique.

L’inquiétude des requérants porte sur la réversibilité du stockage, c’est-à-dire la possibilité de récupérer les colis en cas de problème. © Frederick Florin / AFP

« C’est une victoire qui a été permise par l’ampleur du projet Cigéo, parce que c’est assez rare d’avoir des projets industriels qui vont polluer aussi longtemps et qui vont présenter un danger aussi long pour les générations futures », a commenté Marion Rivet, également contactée par Reporterre.

Des garanties de réversibilité suffisantes pour les Sages

La question prioritaire de constitutionnalité avait été posée en juillet 2023 dans le cadre d’un recours contre la déclaration d’utilité publique (DUP) de Cigéo. L’inquiétude des requérants portait sur la réversibilité du stockage, c’est-à-dire la possibilité de récupérer les colis en cas de problème. Ils s’inquiétaient qu’elle ne soit pas garantie au-delà de cent ans alors même que certains déchets radioactifs resteront extrêmement dangereux pendant des dizaines voire des centaines de milliers d’années. Ils estimaient donc que l’article L542-10-1 du Code de l’environnement, qui définit ce qu’est un centre de stockage en couche géologique profonde et ses dispositions en matière de réversibilité, n’était pas conforme à la Charte de l’environnement. Ce texte du bloc constitutionnel affirme en effet dans son préambule que « les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ».

« Des jalons très importants pour la protection de l’environnement »

Ce point de vue n’a pas été partagé par le Conseil constitutionnel. Les Sages considèrent bien que l’enfouissement est susceptible de « porter une atteinte grave et durable à l’environnement » mais ils estiment que les garanties de réversibilité sont suffisantes. En effet, la durée de celle-ci ne peut être inférieure à cent ans, et, durant la phase pilote, « qui comprend des essais de récupération », « tous les colis de déchets doivent rester aisément récupérables ». « Enfin, seule une loi peut autoriser la fermeture définitive du centre », souligne le Conseil constitutionnel. Ces déclarations satisfont donc l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra), qui pilote le projet Cigéo : « Une fois la fermeture définitive du stockage effectuée, les générations futures [seront] protégées sans avoir la charge de la gestion des déchets », appuie-t-elle dans un communiqué.

« Nous ne comprenons pas cette partie de la décision », juge, quant à lui, le Front associatif et syndical contre Cigéo dans un communiqué. « Car en réalité, la réversibilité et la récupérabilité ne sont pas assurées, ni pendant la phase d’exploitation, ni après la fermeture du site ». Leurs craintes : l’absence de solution, pour les humains à venir, en cas de problème – incendie souterrain, libération d’éléments radioactifs dans le sous-sol ou dans les nappes phréatiques.

La décision du Conseil constitutionnel n’est pas une validation de Cigéo

Fin de partie pour les écologistes anti-Cigéo ? Du tout : la décision des Sages ne « valide » pas Cigéo, insistent-ils. Elle indique seulement que l’article L542-10-1 du Code de l’environnement est conforme à la Constitution, rien de plus. L’offensive juridique contre le projet de stockage va se poursuivre, avec l’examen du recours contre la DUP au Conseil d’État attendu dans les prochaines semaines.

« La loi qui décrit le processus de stockage en couche géologique profonde mentionne plusieurs autorisations à obtenir : la déclaration d’utilité publique d’abord, puis la décision d’autorisation de création d’abord partielle, puis complète après la phase pilote. Il reste plusieurs étapes avant que le processus Cigéo soit complètement et définitivement validé », insiste Me Stéphane-Laurent Texier.

En début de semaine, Antoine (prénom modifié), militant à Bure et membre du front juridique contre Cigéo, avait ainsi indiqué à Reporterre que la coordination antinucléaire planchait déjà sur la demande d’autorisation de création déposée par l’Andra début 2023, dans l’optique d’un recours à venir. « Les associations requérantes, qui sont quand même une trentaine, vont continuer à s’engager dans cette lutte juridique, et au-delà dans une lutte de terrain toujours aussi active », confirme Marion Rivet.

L’article de Reporterre est ici.

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Au nord de Paris, la construction d’un entrepôt logistique qui fait deux fois la longueur du Stade de France ne passe pas

Un article de Novethic, par Blandine Garot, le 29/10/2023.

Un mastodonte. Avec ses 600 mètres de long et ses 30 mètres de haut, Greendock est un immense projet de plateforme logistique qui doit prochainement voir le jour dans le nord de Paris, afin de faciliter le transport fluvial. Mais les riverains et les défenseurs environnementaux dénonce son gigantisme et sa proximité avec une zone Natura 2000.

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À travers le projet Greendock, la société Goodman prévoit de construire un bâtiment long de 600 mètres et haut de 30 mètres le long de la Seine, sur le port de Gennevilliers (Hauts-de-Seine). Goodman

« Non au projet Greendock! » Porté par le promoteur australien Goodman et Haropa Port, propriétaire du terrain et gestionnaire des ports du Havre, de Rouen et de Paris, la mise en service de ce mastodonte de la logistique est annoncée à l’horizon 2026 pour un coût estimé à 150 millions d’euros. L’entrepôt de 96 000 mètres carré qui doit être construit sur plus de six hectares, fera 600 mètres de long (soit la longueur de deux stades de France) et 30 mètres de haut le long de la Seine, sur le port de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), dans le nord-est de Paris.

De quoi susciter une levée de boucliers parmi les riverains mais aussi les associations environnementales. Ils ont profité d’une mobilisation contre le BIP (Boulevard intercommunal du Parisis), un projet autoroutier du Val d’Oise, pour témoigner leur opposition à cet autre projet d’envergure dont le permis de construire, qui devait être déposé en janvier, puis en avril, en juin, ne le sera vraisemblablement qu’en fin d’année. Outre le gigantisme du projet, c’est la proximité avec une zone Natura 2000, qui abrite en hiver des centaines de grands cormorans et des martins-pêcheurs d’Europe, qui inquiète.

Zéro artificialisation, report fluvial, toiture solaire…

Présenté par son promoteur comme « un incubateur d’innovations pour la logistique de demain », le projet multiplie pourtant les initiatives « vertes » et décarbonées. Greendock qui doit remplacer d’anciens entrepôts des Magasins généraux, datant des années 1950 et laissés à l’abandon, se veut « être la démonstration qu’on peut continuer à faire de la logistique à l’heure de la ZAN (Zéro artificialisation nette, NDLR)« , explique Philippe Arfi, directeur de Goodman France auprès de Novethic. « La logistique n’est pas condamnée à s’étaler à l’infini sur les terres agricoles », affirme-t-il, en insistant sur le fait que « si l’on devait construire la même surface que Greendock au sol, il faudrait entre 25 et 30 hectares, et non 6 comme c’est le cas à Gennevilliers ».

Quant au bâtiment, lui aussi, il se veut être « écolo-compatible ». Greendock accueillera sur son toit la plus grande centrale photovoltaïque de la métropole avec deux hectares de panneaux solaires. En faisant le choix de s’installer sur le port de Gennevilliers, l’un des plus gros ports fluviaux de France, le projet souhaite aussi se doter d’un accès multimodal (routier et fluvial), afin de faciliter le transit des marchandises aux portes de Paris entre les navires de fret et les camions. « Au lancement des opérations, on estime à 15% le report fluvial en amont comme en aval de Greendock mais très vite, selon nos calculs, il se situera entre 30 et 40% », insiste Philippe Arfi. Soit « tout au plus une vingtaine de bateaux aller-retour chaque jour », représentant l’équivalent de 200 à 600 camions retirés des routes.

« En avons-nous réellement besoin ? »

Or, ces arguments ne convainquent toujours pas les riverains et élus des villes voisines, et ce malgré une année de concertation et sept réunions. « Il s’agit d’un monstre totalement déconnecté de la réalité et des défis environnementaux qui nous attendent », témoigne Eugénie Gonthier, adjointe à la mairie d’Épinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) auprès de Novethic. À la place, les mairies d’Épinay-sur-Seine et de l’Île-Saint-Denis, où se trouve notamment la Zone Natura 2000, travaillent conjointement depuis plusieurs années à renaturer les berges de Seine.

Habitant à Épinay-sur-Seine, Claire Lagrange, secrétaire de l’association « Protection Berges de Seine » et future voisine de Greendock regrette elle aussi « le gigantisme de ce projet qui va venir complètement défigurer le paysage ». « Nous ne sommes pas contre, mais nous nous opposons à sa démesure et nous nous questionnons aussi sur son intérêt. En avons-nous réellement besoin ? », s’indigne cette professeure.

Ainsi, l’élue Eugénie Gonthier souhaiterait plutôt que l’on réfléchisse à « nos modes de consommation » au lieu de construire d’immenses structures logistiques qui ne font que les entretenir. « À l’heure de l’urgence climatique, souhaitons-nous vraiment être livrés en moins de deux heures ? », s’interroge-t-elle. Et pourtant, le projet Greendock, comme l’assure son promoteur, s’est construit pour répondre aux besoins des Parisiens et des villes environnantes. Preuve une fois encore de l’incompatibilité de poursuivre nos activités économiques tout en préservant nos écosystèmes.

L’article de Novethic est ici.

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Glyphosate : pas de consensus des 27 États-membres sur la réautorisation du pesticide

Un article de Novethic, par Arnaud Dumas avec AFP, le 14/10/2023.

Les 27 États-membres n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la proposition de la Commission européenne de réautoriser le glyphosate pour dix années supplémentaires. Plusieurs pays, dont la France, se sont abstenus, estimant que les conditions de renouvellement du pesticide controversé n’étaient pas suffisantes. Un nouveau vote devrait cependant survenir en novembre.

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La Commission européenne propose de renouveler la licence du glyphosate sur le marché européen pour 10 ans, malgré les controverses. Photo d’illustration

Partie remise. La Commission européenne avait soumis aux 27 États-membres une proposition pour renouveler la licence du glyphosate pour dix années supplémentaires, après qu’un rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) estimait que le niveau de risque ne justifiait pas d’interdire la substance. Mais les représentants des pays européens réunis dans le Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale n’ont pas réussi à atteindre la majorité qualifiée nécessaire pour valider la proposition, soit 15 États sur 27 et 65% de la population européenne.

Plusieurs pays du Sud et de l’Est soutiennent la réautorisation, tandis que l’Autriche et le Luxembourg ont déclaré vouloir voter contre, la Belgique et les Pays-Bas ont indiqué s’abstenir. L’Allemagne s’est également abstenue, en raison des divisions de la coalition au pouvoir à Berlin, de même que la France, insatisfaite de la proposition de Bruxelles. Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, estime que « la proposition telle qu’elle est formulée, dix ans sans conditions, ne correspond pas à la trajectoire décidée par la France ». Selon lui, la France entend restreindre l’utilisation du pesticide quand il y a des alternatives.

Restreindre au maximum l’utilisation du glyphosate

La Commission européenne avait pourtant revu sa copie, en réduisant notamment la dose maximale de glyphosate par hectare. « Mais cela ne suffit pas. La proposition est toujours moins-disante par rapport aux mesures mises en place en France », assure Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique.

L’eurodéputé Pascal Canfin, président de la commission Environnement du Parlement européen, ajoute de son coté que le rapport de l’EFSA « laisse suffisamment de zones grises pour créer des interrogations ». Il appelle à restreindre au maximum l’utilisation du glyphosate et « à s’en donner les moyens ».

Les ONG se sont félicité des hésitations des gouvernements, qui démontrent que le renouvellement sans restriction du glyphosate ne peut pas atteindre de consensus en Europe. Mais pour François Veillerette, porte-parole de Générations futures, « les gouvernements européens doivent réaliser aujourd’hui que le glyphosate ne doit pas, ne peut pas être réautorisé en Europe, tant les preuves scientifiques validées s’accumulent pour montrer sa dangerosité, tant pour la santé que pour l’environnement ».

Nouveau vote en novembre

Quelques jours avant le vote, Sabine Grataloup avait révélé avoir obtenu une indemnisation du Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides. Celui-ci reconnaissait donc le lien entre l’épandage de glyphosate par Sabine Grataloup lorsqu’elle était enceinte, et les malformations de son fils. Plusieurs organisations scientifiques ont déjà reconnu le caractère dangereux du glyphosate, qui se retrouve dans plusieurs herbicides dont le Roundup de Monsanto. Il a notamment a été classé en 2015 comme « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé.

Les 27 États membres se réuniront à nouveau sans doute mi-novembre pour un nouveau vote en comité d’appel. S’ils n’arrivent toujours pas à obtenir une majorité qualifiée pour ou contre la réautorisation du glyphosate, la Commission européenne aura alors les mains libres pour prolonger le renouvellement de la licence. D’ici là, les discussions entre les gouvernements européens risquent donc d’être intenses. « La France et l’Allemagne ont eu des discussions assez nourries depuis plusieurs semaines », croit savoir Pascal Canfin, et les deux pays pourraient s’accorder.

L’article de Novethic est ici.

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Nucléaire: les 27 tentent de débloquer la réforme du marché de l’électricité

Un article de GoodPlanet, par AFP, le 17/10/2023.

Luxembourg (AFP)

Les Vingt-Sept cherchent mardi 18 à débloquer les négociations sur la réforme du marché européen de l’électricité, plombées par les divergences franco-allemandes sur le soutien au nucléaire, au cœur d’un débat sur la compétitivité de l’industrie.

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Les tours aéroréfrigérantes de la centrale nucléaire française du Bugey dans la commune de Saint-Vulbas (Ain), le 24 juillet 2023 © AFP/Archives Emmanuel Dunand

Les ministres européens de l’Énergie sont réunis à Luxembourg, une semaine après une rencontre entre le chancelier allemand Olaf Scholz et le président français Emmanuel Macron — qui avait affirmé la volonté des deux pays de conclure un accord « d’ici la fin du mois ». Depuis, la présidence espagnole de l’UE a proposé de faire complètement disparaître du texte la question controversée du dispositif de soutien aux centrales nucléaires existantes, ce qui ne satisfait ni Paris, ni Berlin.

Les autres pays sont suspendus à un compromis entre les deux premières puissances de l’UE. « La question des distorsions de concurrence est désormais au cœur des négociations, ce qui me rend optimiste quant à un accord », a assuré lundi la ministre autrichienne Leonore Gewessler.

Après l’envolée des prix de l’électricité l’an dernier, le texte entend faire baisser les factures des ménages et entreprises grâce à des contrats de long terme permettant de lisser l’impact de la volatilité des cours du gaz.

Il s’agit aussi d’assurer davantage de prévisibilité aux investisseurs: tout soutien public à de nouveaux investissements dans la production d’électricité décarbonée (renouvelables ou nucléaire) se ferait via des « contrats pour la différence » (CFD) à prix garanti par l’État. Selon ce mécanisme, si le cours du marché de gros est supérieur au prix fixé, le producteur d’électricité doit reverser les revenus supplémentaires engrangés à l’État, qui peut les redistribuer. Si le cours est en deçà, c’est l’État qui lui verse une compensation.

« Clarification »

Bruxelles souhaitait étendre ces CFD aux investissements destinés à prolonger la vie des centrales nucléaires existantes. Le sujet est crucial pour la France, soucieuse de financer la réfection de son parc nucléaire vieillissant et de maintenir des prix bas, un atout majeur pour les industriels du pays, notamment après la fin en 2025 du mécanisme obligeant EDF à céder une partie de sa production à prix cassé.

De quoi inquiéter Berlin. L’Allemagne, sortie du nucléaire, redoute la concurrence, selon elle déloyale, d’une électricité française rendue plus compétitive grâce à un soutien public massif. Plus largement, les industriels européens s’inquiètent pour leur compétitivité, entre envolée des prix de l’énergie et subventions massives des industries vertes aux États-Unis.

Le groupe public EDF, lourdement endetté, « peut faire grâce aux garanties de l’État » ce que ne peuvent pas faire les acteurs de l’électricité en Allemagne, « tous privés » et soumis aux lois du marché, observait la semaine dernière le ministre allemand de l’Économie Robert Habeck, réclamant que ce point soit « clarifié » dans la réforme.

Soutenu notamment par l’Autriche et le Luxembourg, Berlin exige un strict encadrement de la redistribution des recettes issues des CFD sur le nucléaire existant, notamment auprès de l’industrie. La France entend au contraire bénéficier de ses choix énergétiques de longue date, au moment où l’Allemagne pâtit à la fois de la perte des importations de gaz russe, dont elle s’était rendue dépendante, et de l’abandon du nucléaire — qui l’ont contrainte à relancer le charbon.

« Il faut éviter de tomber dans les fantasmes de pays qui mettraient à disposition des industriels une énergie à coût quasi-nul, ça n’existe pas. Le nucléaire n’est ni une martingale, ni une énergie particulièrement coûteuse », assurait mi-juillet à l’AFP la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher. Le nucléaire permet en revanche « de stabiliser en Europe l’intermittence des énergies renouvelables », met-elle en avant. Faute d’accord européen, Paris n’exclut pas d’agir seul. Emmanuel Macron a menacé fin septembre de reprendre « le contrôle du prix de l’électricité » française.

La bataille franco-allemande sur le nucléaire se poursuit sur de nombreux autres textes européens en cours de négociation: règlement pour aider les industries vertes, règles sur la production d’hydrogène propre… Un projet de Berlin de subventionner le prix de l’électricité pour ses industriels pourrait ouvrir un nouveau front.

Un autre sujet fera débat mardi: les « mécanismes de capacité » qui permettent aux États de rémunérer les capacités inutilisées des centrales pour garantir leur maintien en activité et éviter des pénuries futures d’électricité. Plusieurs pays veulent être exemptés des contraintes écologiques prévues, la Pologne réclamant notamment de pouvoir utiliser l’outil pour ses centrales à charbon.

L’article de GoodPlanet est ici.

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Lier humanité et biodiversité, le message qu’Hubert Reeves aimerait laisser après sa mort

Un article de Novethic, par Anne-Catherine Husson-Traore, le 15/10/2023.

Hubert Reeves, l’un des scientifiques les plus populaires de son temps est mort à 91 ans. Canadien d’origine, il vivait en France à qui il avait fait aimer les étoiles dans de nombreuses émissions de vulgarisation. Astrophysicien, il était un fervent défenseur de la nature et tentait d’inviter les humains à mieux la protéger. Le conteur s’en est allé, reste son message d’éternel amoureux de l’Univers, dans toute sa complexité.

Hubert Reeves établissait des liens étroits entre astronomie et écologie. Pour lui, ce sont « deux volets du même thème : notre existence. L’astronomie, en nous racontant l’histoire de l’Univers, nous dit d’où nous venons, comment nous en sommes venus à être ici aujourd’hui. L’écologie, en nous faisant prendre conscience des menaces qui pèsent sur notre avenir, a pour but de nous dire comment y rester ». Cet extrait de ses mémoires titrées, « Je n’aurai pas le temps », résume les combats de sa vie. Jusqu’à la soixantaine, il était un scientifique reconnu spécialiste de l’univers ayant travaillé à la Nasa puis au CNRS où il était directeur de la recherche et au CEA en France qu’il avait intégré dans les années 60. Il vivait en Bourgogne à la campagne où il avait planté des grands arbres capables de résister au changement climatique, comme les cèdres du Liban.

À la soixantaine, il avait accédé à la célébrité grâce à l’émission littéraire Apostrophes dans laquelle il était venu parler du cosmos avec le formidable talent du conteur qu’il était. Ses livres se sont vendus à des millions d’exemplaires et il a donné plus de 2500 conférences. Au début des années 2000, il a succédé à Théodore Monod à la tête de l’association de défense de l’environnement qu’il avait créée en 1976. Hubert Reeves était président d’honneur depuis 2015 d’Humanité et Biodiversité qui plaide inlassablement auprès des décideurs publics et privés pour qu’ils protègent plus et mieux la nature.

« On ne retrouvera plus la Terre telle qu’elle était avant l’ère industrielle »

Il était inquiet de la dégradation de l’environnement qui ne cesse de s’aggraver, comme le raconte Anne-Sophie Novel, Au cours de l’entretien qu’elle avait eu avec Hubert Reeves en 2015 pour Le Monde, il lui avait dit :  « on ne retrouvera plus la Terre telle qu’elle était avant l’ère industrielle, nous allons vers une nouvelle forme d’occupation des sols : il faudra nous y adapter. » Sa citation mise en exergue par Hugo Clément est une sorte de testament.

Si l’homme gagne sa guerre d’asservissement de la nature, elle se vengera en lui rendant la vie impossible ! Hubert Reeves, sage conteur à la barbe blanche et à l’œil pétillant, le savait scientifiquement mais il avait réussi à le faire comprendre émotionnellement de son vivant. Espérons que sa mort ne mette pas fin à cette inspiration scientifique et poétique si précieuse dans un monde sombre et brutal.

L’article de Novethic est ici.

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Dans trois mois, tous les Français devront trier leurs biodéchets mais rien n’est prêt

Un article de Novethic, par Florine Morestin, le 13/10/2023.

À partir du 1er janvier 2024, tous les Français auront la possibilité de trier leurs déchets verts et alimentaires. Du moins, sur le papier. Dans les faits, peu de collectivités seront prêtes à déployer cette nouvelle collecte à temps. Manque d’information, coût important, mesure non contraignante… Les acteurs de la filière pointent de multiples freins, tout en faisant face à l’enjeu majeur de la sensibilisation des usagers.

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En 2022, seule une centaine de collectivités proposent à leurs usagers une collecte séparée des biodéchets. Pexels

C’est un changement de taille dans nos poubelles. D’ici le 1er janvier 2024, les Français devront trier leurs biodéchets. Le but, valoriser les 5,5 millions de tonnes de déchets verts et alimentaires jetés chaque année dans l’Hexagone. Aujourd’hui enfouis ou incinérés, deux solutions énergivores et potentiellement polluantes, ils pourraient produire des fertilisants une fois compostés, ou du biogaz par le biais de la méthanisation. Or une grande majorité des collectivités qui ont bénéficié de plus de huit ans pour anticiper le déploiement de la mesure n’est toujours pas prête.

« Sur le terrain, on s’aperçoit qu’une minorité de communes ont pris le défi au bon niveau. Beaucoup sont en retard, énormément ne seront pas au rendez-vous au 1er janvier 2024 », regrette Sébastien Roussel, directeur Île-de-France de Moulinot, entreprise pionnière de la valorisation des biodéchets. Selon une étude de l’Agence de la transition écologique (Ademe) publiée en 2022, une centaine de collectivités offrent aujourd’hui à leurs usagers une collecte séparée des biodéchets, représentant 6,2% de la population du pays. Un chiffre très bas qui ne devrait pas exploser avec l’entrée en vigueur de la mesure. L’Ademe estime que seul un quart des Français auront la possibilité de trier ses déchets au 1er janvier 2024.

« Organiser un service à partir de rien »

Alors, comment expliquer ce retard ? « Jusqu’à très récemment, il y avait un manque d’information des établissements publics intercommunaux sur cette obligation de tri », affirme Sébastien Roussel. « Or, ce n’est pas juste une autre collecte en plus », ajoute-t-il. « Il s’agit d’organiser un service à partir de rien », abonde Stéphane Duru, responsable du pôle déchets au sein de l’association Amorce, réseau d’accompagnement des collectivités.

« Les besoins et les solutions ne seront pas les mêmes selon les villes, la densité et la typologie des populations », détaille-t-il. Pour répondre à l’obligation, plusieurs outils sont sur la table. Collecte en porte-à-porte, points d’apport volontaire, compostage partagé ou domestique, c’est la complémentarité des solutions qui permettra la bonne prise en charge du tri, appuient experts et associations. Mais pour cela, « il est nécessaire d’avoir une vraie stratégie sur ce que l’on veut faire sur le territoire et une vision intégrée de la filière », précise Sébastien Roussel.

Autre frein pointé du doigt par tous les acteurs, le coût. « En ce moment les collectivités connaissent des difficultés financières », explique Stéphane Duru qui évoque la crise énergétique, l’inflation mais aussi les tensions d’approvisionnement sur les matières premières. Par ailleurs, si la mise en œuvre de la collecte des biodéchets coûterait entre 7 et 22 euros par Français et par an aux collectivités d’après une étude commandée par la Confédération des métiers de l’environnement, les mécanismes de soutien de l’État ne compenseraient que 2 euros par habitant, indique Stéphane Duru.

Appel à un décret contraignant

Dernière raison invoquée, l’absence de contrôle et de sanction. L’association Zéro Waste, à l’origine d’un communiqué alertant sur la situation, appelle ainsi à la prise d’un décret d’application, définissant « des objectifs quantitatifs clairs de détournement des biodéchets de la poubelle d’ordures ménagères résiduelles » et comprenant « une obligation de moyens et de résultats. » Contraignant, ce dernier pourrait s’accompagner de sanctions financières. Un mécanisme considéré comme « contre-productif » par Stéphane Duru. « Il existe déjà la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) », rappelle-t-il. En hausse, cette contribution versée par les collectivités vise à favoriser la valorisation ou le recyclage des déchets en lieu et place de leur incinération ou enfouissement.

En parallèle, et afin d’assurer l’efficacité du tri des biodéchets, Zéro Waste soutient l’accompagnement financier des collectivités, l’équipement des usagers, la mise en place d’une tarification incitative ou encore le déploiement de campagnes de communication à destination des citoyens. Un point sur lequel insistent les acteurs de la filière pour faire entrer ce nouveau geste dans les habitudes, convaincre de sa pertinence mais aussi sensibiliser sur la qualité du tri qui peut altérer le digestat. L’enjeu est donc majeur mais aussi complexe. « Ce n’est pas parce que vous avez une grande campagne lors du lancement, que la sensibilisation est acquise. C’est une communication sans fin, en particulier dans les grandes agglomérations où il y a un turn-over des populations », avance Stéphane Duru. « Le stade suivant, c’est la réglementation locale et la sanction. »

L’article de Novethic est ici.

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Frites : l’industrie de la patate dévore les terres du Nord

Un article de Reporterre, par Simon Henry et Stéphane Dubromel (photo), le 11/10/2023.

Haies coupées, prairies retournées… Dans le Nord, l’appétit des cultivateurs de pommes de terre gagne du terrain, et ravage le département. Les acteurs locaux tentent de résister à ce phénomène.

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Dans ce champ à Ohain, les haies ont été coupées par des exploitants spécialisés dans la pomme de terre. Ici, le 18 septembre 2023. © Stéphane Dubromel / Reporterre

Trélon et Ohain (Nord), reportage

« Là c’est à lui, ici aussi, il y a aussi là-bas. » À Trélon et à Ohain, deux villages situés dans le parc naturel régional (PNR) de l’Avesnois, aux confins du département du Nord et à la lisière de la Belgique, on ne sait plus où donner de la tête face à l’expansion d’un agriculteur néerlandais. Comme si ce dernier se bâtissait un véritable empire. Le long de la départementale à la sortie de Trélon, un champ de pommes de terre est arrivé à maturation. « Vous voyez ce terrain ? Avant, c’était une belle prairie, avec des vaches, ça a bien changé », se désole Thierry Reghem, maire de Trélon.

Le terrain appartient désormais à cet agriculteur néerlandais, qui n’a pas souhaité répondre à Reporterre et préfère l’anonymat. Il s’est installé en 2015, et s’est étendu progressivement sur les communes voisines. Le cas de cet exploitant illustre le bouleversement démarré voilà plus d’une décennie sur le territoire.

Ces terres d’élevage, à l’origine dédiées au lait et à la viande bovine, cèdent progressivement la place aux grandes cultures, en particulier celle de la pomme de terre. Selon les chiffres de la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture, et de la forêt (Draaf) Hauts-de-France, communiqués spécialement à Reporterre, les surfaces agricoles dédiées au tubercule dans le parc naturel régional de l’Avesnois ont augmenté de 131 % entre 2010 et 2022.

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Thierry Reghem, maire de Trélon. © Stéphane Dubromel / Reporterre

Un territoire à la merci des patatiers

Un territoire jusque-là relativement préservé par la culture de la patate, contrairement au reste de la région Hauts-de-France où elle est plus présente. Cette dernière concentre 64 % de la production nationale, et 8 % de la production en Europe en 2023, selon la Chambre d’agriculture. Avec son climat océanique ainsi que ses terres argileuses et limoneuses, le nord de la France est particulièrement propice à la culture du tubercule. L’essor des industries de la pomme de terre dans les années 80 marquées par un produit emblématique, la frite, offre également des débouchés prometteurs.

La région Hauts-de-France se hisse aussi à la première place de la transformation de pomme de terre et représente 70 % des frites produites en France. Avec des entreprises surtout étrangères : le groupe canadien McCain, n°1 mondial sur ce secteur, y a installé deux usines. Au total, 1 frite industrielle sur 3 consommées dans l’Hexagone vient de chez McCain. Fin août, la société belge Agristo, spécialisée dans la fabrication de produits à base de pomme de terre surgelée, a aussi racheté le site de la sucrerie Tereos située à Escaudoeuvres, à une quarantaine de kilomètres des portes de l’Avesnois.

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La sucrerie du groupe Tereos, fermée depuis quelques mois. Elle a été vendue et sera transformée en usine de frites industrielles. © Stéphane Dubromel / Reporterre

Mais plus que la hausse des surfaces consacrées à la pomme de terre dans l’Avesnois, ce sont les pratiques agricoles inhérentes à cette culture, parfois intensives, et leurs conséquences pour l’environnement qui inquiètent le territoire. La pomme de terre est une culture épuisante pour le sol, à cause de l’utilisation d’engins agricoles massifs qui tassent le sol. De plus, elle nécessite souvent l’usage de pesticides pour prévenir le mildiou. Enfin, certains exploitants n’hésitent pas aussi à modifier le paysage.

Haies arrachées, prairies retournées… Des « exploitants sans scrupules »

Dans un chemin cahoteux bordé d’arbres, un éleveur qui s’est installé dans le coin en 1996 montre le bouleversement du paysage que subit le territoire. « D’un côté vous avez une pâture intouchée, verdoyante, et de l’autre un champ de colza à perte de vue où les haies ont été arrachées, témoigne-t-il anonymement. Cette destruction est l’œuvre d’un Belge arrivé il y a quelques années. Les haies devaient certainement le limiter dans ses activités. »

Selon Sylvain Oxoby, le maire d’Ohain, ce terrain appartient bien à un agriculteur belge, qui cultive entre autres de la pomme de terre. Selon nos informations, l’exploitant revend une partie de sa production à une industrie de pommes de terre belge. Contacté par Reporterre, il n’a pas souhaité nous répondre. « On est face à des exploitants sans scrupules pour obtenir un maximum de rendement, s’indigne l’édile. Ils n’hésitent pas à se livrer à des retournements de prairies et des arrachages de haies pour se faciliter le travail, sans se soucier de la préservation du paysage. »

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Sylvain Oxoby, maire d’Ohain : « On est face à des exploitants sans scrupules. » © Stéphane Dubromel / Reporterre

Composé à 42 % de prairies et de 11 000 km de haies bocagères, le PNR de l’Avesnois présente plusieurs facettes, selon Yvon Brunelle, directeur du parc. « Il y a toujours eu de la pomme de terre dans certaines poches du territoire, comme à l’est en direction de Valenciennes et Cambrai, explique-t-il. Mais c’est vrai que le Sud Avesnois, vers Trélon et Ohain, où la densité bocagère est plus forte, n’était pas concerné il y a quelques années encore par cette culture. C’est un phénomène nouveau pour la population locale qui, d’après ce qui m’a été rapporté, s’émeut de l’arrivée de pratiques agricoles intensives de personnes extérieures, en particulier les Belges et le fameux Néerlandais. »

Parallèlement à l’extension de la culture de la patate, l’Avesnois comme tout le département du Nord compose depuis des années avec l’installation d’agriculteurs belges et néerlandais. En Belgique et aux Pays-Bas, le foncier agricole est saturé. De plus, le prix à l’hectare peut être jusqu’à dix fois supérieur à la France.

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Dans le bocage avesnois, des terres cultivées de façon intensive. Les haies ont été coupées pour gagner en rendement. En face se trouve une pâture où les haies sont toujours en place. Les restes de tailles alimentent des systèmes de chauffage. © Stéphane Dubromel / Reporterre

Pour ces agriculteurs du Benelux, l’Avesnois présente un sérieux intérêt puisqu’il se situe à quelques kilomètres de la frontière. Pratique pour acheminer leur production jusqu’aux usines belges et néerlandaises de transformation de la pomme de terre, parmi les plus productives du monde. Ce serait le cas de l’agriculteur néerlandais de Trélon, selon Thierry Reghem. « Il m’a dit qu’il travaillait pour un industriel néerlandais et qu’il envoyait sa production là‐bas. Il ne s’en cache pas », assure le maire.

« On ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque haie »

Sylvain Oxoby est actuellement traversé par une autre inquiétude : l’agriculteur néerlandais, qui a déjà investi au moins 2 millions d’euros dans sa production depuis son arrivée, selon nos informations, pourrait s’étendre davantage. « Il cherche actuellement à reprendre près de 200 hectares de terrain sur ma commune, fait savoir le maire d’Ohain. Des terres appartenant à l’agriculteur belge évoqué précédemment. »

La mine soucieuse derrière son bureau, l’édile poursuit : «La mairie ne peut en aucun cas jouer son droit de préemption. Si une offre de rachat était transmise par le Néerlandais, on espère que la Safer [1] bloquera la vente, au motif qu’il dispose de suffisamment de terres, en privilégiant un projet agricole en accord avec nos ambitions territoriales». D’ici à 2025, le PNR Avesnois s’est donné pour objectif d’atteindre 30 % de surfaces destinées au bio.

Face au bouleversement de leur terroir, les acteurs locaux paraissent dépassés. « Le pouvoir du maire est limité en la matière : nous nous limitons à une surveillance et à un dépôt de plainte en cas d’infractions environnementales », exprime Sylvain Oxoby, résigné. Deux agriculteurs sont convoqués par la gendarmerie prochainement pour des arrachages de haies. Ils risquent au maximum une amende et une injonction de les replanter. En accord avec le parquet, l’Office français de la biodiversité (OFB) se saisit uniquement des dossiers avec « un lourd impact sur la biodiversité », selon Alexis Pecqueur, chef d’enquête de l’OFB dans ce secteur. « Plusieurs procédures judiciaires sont en cours », assure l’agent de l’environnement. Impossible en revanche pour son équipe en sous-effectif d’intervenir à chaque signalement.

« Le parc n’a pas de pouvoir de répression, ajoute Yvon Brunelle. Nous pouvons seulement mettre en place des garde-fous, en donnant des moyens d’alerte aux communes. » Dans un nouveau plan local d’urbanisme intercommunal (Plui), en cours d’approbation, 80 % des haies du PNR Avesnois doivent être classées comme espèces protégées. Les arracher constituerait dès lors un délit. « Est-ce que ce sera suffisant pour stopper les infractions ? Je n’en sais rien, remarque Yvon Brunelle. Malheureusement, on ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque haie. »

L’article de Reporterre est ici.

Notes

[1] Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural.

Commentaire

Hey, le Parc Naturel Régional de l’Avesnois, 11 000 km de haies et 42% de prairies : faudrait revoir vos chiffres !  Car selon ce qu’on peut constater dans le sud Avesnois, et pas seulement « ce qui a été rapporté » à votre directeur, ce sont des centaines de kilomètres de haies qui ont été arrachées par ces « Belges et le fameux Néerlandais ». C’est « un phénomène nouveau » qui dure depuis plus de 10 ans.

Le président du PNRA, récemment élu sénateur, vient de démissionner et il faudrait profiter de la nomination de son remplaçant pour changer aussi le directeur du parc. Car s’il pense que le Valenciennois et le Cambrésis font partie du parc, et qu’en plus il n’aperçoit pas les milliers d’hectares de champs de patates qui remplace les prairies de notre bocage, alors le temps est venu pour lui de quitter ce poste !

PNRA

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Projet routier dans le nord de Paris : une aberration écologique et financière pour les opposants au BIP

Un article de Novethic, par Blandine Garot, le 11/10/2023.

C’est l’A69 du Val-d’Oise. Près de 700 personnes ont marché samedi 7 octobre pour s’opposer au projet du Boulevard intercommunal du Parisis (BIP). Ce projet routier 2×2 voies, reliant l’A1 à l’A15, doit voir le jour dans le sud du département du Val-d’Oise, à quelques kilomètres à peine de Paris. Mais ce projet vieux de 80 ans, suscite l’inquiétude et la colère des riverains, parents d’élèves et élus locaux. Reportage.

Près de 700 personnes ont participé aux marches contre le projet de BIP devant relier les autoroutes A1 et A15, dans le Val d’Oise, ce samedi 7 octobre. Crédit : Blandine Garot

Buses variables, bernaches du Canada, ou encore punaises des bois… Cam, qui préfère rester anonyme, les inscrits au fur et à mesure de la balade dans son petit calepin. Aidée par deux collègues, cette membre des Naturalistes des terres va ainsi recenser pas moins d’une centaine d’espèces différentes dans ce dernier écrin de verdure du Val-d’Oise, niché pourtant entre les villes très denses d’Arnouville et de Sarcelles.

Cette entomologiste réalise cette liste à la Prévert en marge de l’une des marches contre le projet de Boulevard intercommunal du Parisis (BIP), qui s’est tenue samedi 7 octobre. Venue avec sa fille depuis la Seine-et-Marne, elle ne se résout à voir se concrétiser ce projet d’une 2×2 voies de 21 kilomètres, reliant les autoroutes A1 et A15. À noter qu’il existe déjà deux petits tronçons, à l’ouest entre l’A15 et Soisy-sous-Montmorency et à l’est, entre l’A1 et Bonneuil-en-France. 11 kilomètres restent donc à construire.

L’un des derniers poumons verts du Val-d’Oise

Premier arrêt à quelques mètres à peine du très fréquenté rond-point du Christ d’Arnouville, la cinquantaine de marcheurs se faufilent, les uns derrière les autres, derrière une barrière ouverte pour l’occasion. Le dépaysement est immédiat. Pierrot, également membre des Naturalistes des terres, invitent les personnes présentes à écouter et à observer le paysage avant de demander : « Savez-vous où nous sommes ? » « Dans la forêt », s’aventurent certains avec un peu d’hésitation. « Pas tout à fait, nous nous trouvons précisément dans une zone humide », explique cet écologue urbain. « Ces zones abritent 50 à 60 % de la biodiversité mondiale. Or, on parle avec ce chantier d’artificialiser et d’imperméabiliser les terres que nous avons sous nos pieds. C’est un projet écocidaire que l’on a ressorti du tiroir sans même s’interroger de son intérêt en pleine urgence climatique », tance le scientifique.

Près de 700 personnes ont marché à travers les espaces verts menacés par le tracé du projet du futur BIP, dont une importante zone humide aux portes d’Arnouville. Crédit : Blandine Garot

Ce projet routier est ancien, voire très ancien. Il remonte à 1939. « Cela devait être un super périphérique, puis une autoroute mais en raison de l’urbanisation intensive de la vallée de Montmorency, c’est devenu au final une voie rapide », nous explique Audrey Boehly au nom de « Vivre sans Bip ». Ce collectif à l’origine de cette mobilisation craint aujourd’hui que le chantier ne démarre prochainement car malgré trois victoires en justice, « le conseil départemental ne lâche pas et s’est pourvu en cassation », souligne Audrey Boehly. Le BIP a été inscrit en juin dernier au nouveau schéma directeur de la région Île-de-France (Sdrif) qui doit dessiner les contours du territoire à l’horizon 2040, et dont les travaux pourraient débuter dès 2024 pour un coût estimé à 1 milliard d’euros.

Une source de pollution atmosphérique, sonore et visuelle

Les porteurs du projet actuel voient dans ce chantier l’opportunité de désengorger les centres-villes et de faciliter les trajets domicile-travail, notamment jusqu’à l’aéroport de Roissy. « 45 000 véhicules passent dans Soisy-sous-Montmorency chaque jour », affirme auprès de nos confrères de FranceBleu le maire LR de la ville et vice-président délégué du département Luc Strehaiano, pour justifier la nécessité de ce chantier.

L’Agence de la transition écologique (Ademe) notait plutôt l’inverse. Dans une étude publiée en 2021 elle remarque : « La création de voies de circulation supplémentaires génère invariablement une augmentation du trafic, et en conséquence, des émissions associées ».

Pendant la marche, des panneaux d’informations ont été planté dans des lieux emblématiques menacés par le projet du BIP. A l’image de la ferme Lemoine, l’une des dernières du Val-d’Oise. Crédit : Blandine Garot

Avant-dernière étape, le groupe s’arrête à Garges-lès-Gonesse, et plus précisément derrière l’école élémentaire Jean-Jaurès. Si le projet voit le jour, les 3 000 élèves de l’établissement auront une vue plongeante sur cette nouvelle voie rapide. Au total, ce sont 40 établissements qui se trouveront de part et d’autre de son tracé, touchant ainsi près de 10 000 enfants de la crèche au lycée. Pour la représentante du collectif de parents d’élèves, Sonia Nassied, « on joue avec la santé de nos enfants ». « Ce projet vient s’ajouter à une pollution atmosphérique et sonore déjà très importante en raison du couloir aérien de Roissy et du Bourget », résume cette mère de famille.

Sur les coups de 13 heures, les quelques 700 marcheurs se retrouvent enfin dans le parc des Près-sous-la-ville à Sarcelles, où un pique-nique est organisé. Pour certains élus du département, dont le maire LR de Montmorency Maxine Thory, c’est l’occasion d’esquisser un projet alternatif comme celui de « créer une trame verte plus en adéquation avec les besoins de nos habitants ». En attendant, riverains, parents d’élèves ou simples sympathisants se préparent à de nouvelles actions afin de faire « flancher » le Conseil départemental et voir définitivement le projet du PIB remisé aux archives.

Contacté par Novethic, le Conseil départemental n’a pas encore réagi à nos sollicitations à l’heure de la publication.

L’article de Novethic est ici.

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Changement climatique : le monde pourrait dépasser le seuil de +1,5°C en décembre 2034

Un article de Novethic, par Concepcion Alvarez, le 03/10/2023.

66 ans d’avance. Alors que l’Accord de Paris fixe la limite du réchauffement à +1,5°C à la fin du siècle, une nouvelle donnée vient bouleverser cette trajectoire. La dernière estimation, issue du programme Copernicus, table sur un dépassement en décembre 2034, au rythme actuel des émissions de gaz à effet de serre.

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Selon la dernière estimation du programme Copernicus, le seuil de +1,5°C devrait être dépassé en décembre 2034. @Copernicus

Plusieurs études avaient déjà alerté sur le dépassement relativement imminent du seuil de +1,5°C, dont les conséquences seront désastreuses. Pour un suivi de l’évolution de la température mondiale, le programme européen Copernicus a mis au point une application gratuite baptisée Le Moniteur de la tendance de la température mondiale, actualisée tous les mois. Leur dernière estimation est pour le moins alarmante : le seuil de +1,5°C pourrait être dépassé dès décembre 2034.

Ainsi, on s’aperçoit qu’en décembre 2000, le seuil de +1,5°C de réchauffement n’était prévu « qu’en » mai 2045. Une date qui n’a fait qu’avancer depuis avec une accélération à compter des années 2020. En août 2023, le réchauffement global était déjà de +1,23°C, toujours selon Copernicus. « Il est vraiment utile de visualiser où nous en sommes aujourd’hui et où nous pourrions être très bientôt si le réchauffement climatique se poursuit au rythme actuel », explique Carlo Buontempo, directeur du C3S. « En montrant l’incertitude quant à la hausse future des températures, l’application souligne également qu’il est difficile d’estimer exactement si et quand nous atteindrons la limite de 1,5°C. »

Effacer les tensions géopolitiques

« L’humanité a ouvert les portes de l’enfer », avait une nouvelle fois tancé Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, lors du Sommet sur l’ambition climatique mi-septembre à New York. « Notre climat implose plus vite que nous ne pouvons y faire face, avec des phénomènes météorologiques extrêmes qui frappent tous les coins de la planète », mais « nous pouvons toujours construire un monde avec de l’air pur, des emplois verts, et une énergie propre et abordable pour tous », a-t-il ajouté.

La clé réside dans la sortie des énergies fossiles. À quelques semaines de la COP28, le sommet international sur le climat qui se tiendra aux Émirats arabes unis fin novembre, l’Agence internationale de l’énergie a elle aussi accentué la pression notamment sur les pays développés. Dans son scénario « Net Zero by 2050 » actualisé la semaine dernière, elle estime que les économies avancées, telles que les États-Unis et l’Union européenne, vont devoir avancer de cinq ans (de 2050 à 2045) leur objectif de neutralité carbone, et la Chine de dix ans à 2050, pour rester dans les clous de l’Accord de Paris et ainsi donner une chance au monde de limiter le réchauffement planétaire à +1,5°C.

« L’objectif d’un réchauffement de 1,5 °C est toujours à portée de main mais il se heurte à de nombreux défis », a ainsi mis en garde Fatih Birol, le directeur de l’AIE, à l’ouverture d’une réunion internationale sur le climat et l’énergie organisée à Madrid lundi 2 octobre. Parmi ces défis, « celui qui me semble le plus important est la fragmentation géopolitique du monde, qui constitue un obstacle majeur » pour l’action climatique, a poursuivi Fatih Birol. L’invasion de l’Ukraine par la Russie et la rivalité croissante entre les États-Unis et la Chine risquent en effet de freiner toute velléité d’accord à la COP28, la COP la plus importante depuis celle de 2015.

L’article de Novethic est ici.

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15 mégabassines annulées : une grande victoire pour les opposants

Un article de Reporterre, par Hortense Chauvin, le 04/10/2023.

La justice a annulé les projets de quinze mégabassines en Nouvelle-Aquitaine. « Ça montre que les magistrats écoutent les scientifiques », se réjouissent un militant et un élu écologistes.

Rassemblement militant à Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres) contre les mégabassines en 2021.
© Delphine Lefebvre / Hans Lucas via AFP

Après des mois de lutte, une nouvelle victoire. Mardi 3 octobre, le tribunal administratif de Poitiers a annulé deux arrêtés préfectoraux autorisant la création de quinze mégabassines en Nouvelle-Aquitaine.

Ces réserves, d’une capacité totale d’environ 3 millions de mètres cubes, devaient être construites en Charente, Charente-Maritime, dans les Deux-Sèvres ainsi qu’en Vienne. Leur principe : prélever de l’eau dans les nappes superficielles en hiver pour la mettre à disposition d’agriculteurs irrigants en été quand la pluie se fait rare. Le tribunal a jugé que ces projets n’étaient « pas associés à de réelles mesures d’économie d’eau » et n’étaient pas adaptés aux effets du changement climatique.

« C’est une très, très bonne nouvelle », a réagi auprès de Reporterre Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines non merci. « Cette décision renforce encore davantage la légitimité de notre combat, se réjouit également l’eurodéputé écologiste Benoît Biteau, qui s’oppose aux mégabassines depuis les années 1990. Ça montre que les magistrats administratifs écoutent et s’approprient les conclusions des scientifiques, et les traduisent en décisions de justice. »

Julien Le Guet lors de la soirée de soutien aux Soulèvements de la Terre, à Paris (avril 2023).

Le premier arrêté préfectoral annulé par le tribunal administratif de Poitiers permettait la création de neuf retenues prévues sur les bassins de l’Aume et de la Couture dans les départements de la Charente, Charente-Maritime et des Deux-Sèvres. Le second autorisait six retenues dans le sous-bassin de la Pallu (Vienne). Ces projets, portés par des collectifs d’agriculteurs irrigants, étaient contestés par des associations de défense de l’environnement, alliées à l’UFC-Que Choisir, à la Confédération paysanne dans la Vienne et à la Ligue pour la protection des oiseaux.

« La stratégie des porteurs de projet, c’est de gagner du temps »

Leur annulation par le tribunal administratif de Poitiers confirme, selon Julien Le Guet, ce que les opposants aux mégabassines disent « depuis des années ». À savoir « que ces bassines sont illégales, qu’elles ne respectent pas le cadre européen, et qu’elles bafouent la directive cadre sur l’eau et le Code de l’environnement ». Le porte-parole de Bassines non merci dit tirer « beaucoup d’espoir » de cette décision de justice. La cour d’appel de Bordeaux doit statuer, prochainement, sur le sort de seize bassines dans les Deux-Sèvres. « On a de très fortes chances de succès », pense-t-il.

En tout, Julien Le Guet estime à une petite quarantaine le nombre de projets de mégabassines contestés en France. Le problème, explique-t-il, est que les travaux de construction commencent bien souvent avant que les opposants aient eu le temps d’aller au bout de leurs recours judiciaires. « La stratégie des porteurs de projet, c’est de gagner du temps, dénonce Benoît Biteau. Ils avancent au rouleau compresseur, et nous mettent devant le fait accompli. » Dans un communiqué, la Confédération paysanne estime que le jugement du tribunal administratif de Poitiers « légitime pleinement » la mise en place d’un moratoire. « Tous les travaux doivent être suspendus jusqu’à ce que tous les recours en justice aient été épuisés », estime Benoît Biteau.

Julien Le Guet appelle quant à lui à mettre en regard les succès obtenus par les opposants aux mégabassines dans l’arène judiciaire, et la répression dont ils font l’objet. « Qui défend les générations futures ? Qui est le garant, aujourd’hui, des engagements internationaux pris pour la protection de la nature ? Ce n’est pas le gouvernement. Ce sont les citoyens qui résistent sur le terrain, et subissent ses représailles. »

L’article de Reporterre est ici.

 

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A69, artificialisation des sols : les régions font-elles de la résistance à la planification écologique ?

Un article de Novethic, par Anne-Catherine Husson-Traore, le 02/10/2023.

Quelques jours après le lancement de la planification écologique à la française par Emmanuel Macron, Laurent Wauquiez président de la Région Rhône-Alpes, entre en résistance en refusant d’appliquer la loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN) des sols. De son côté, la présidente de la Région Occitanie confirme son soutien à l’A69. Or les régions sont un échelon indispensable au déploiement de la planification écologique qui a besoin de leur soutien. Baroud d’honneur ou vrai coup de frein ?

Le péage sur l’autoroute qui permettra de gagner 20 minutes entre Castres et Toulouse coûtera 17 euros.
Lionel Bonaventure / AFP

La planification écologique est en train de devenir un vrai facteur de clivage politique, plutôt pour la freiner à ce stade. À droite comme à gauche certains élus continuent à croire que les électeurs sont majoritairement contre. C’est en tout cas le pari de deux présidents de régions emblématiques. À droite Laurent Wauquiez qui devant l’Association des maires ruraux annonce vouloir faire de la région qu’il dirige une ZAD (Zone à Défendre) de la ZAN (Zero Artificialisation Nette). Concrètement il fait comme s’il pouvait s’affranchir d’appliquer la loi qui fixe le cap de Zero Artificalisation Nette des sols en France pour 2050.

Laurent Wauquiez semble oublier deux choses : cette loi est destinée à protéger la biodiversité et donc le capital des maires ruraux qui ont applaudi son idée, et sa proposition est complètement illégale. S’il la met en œuvre le préfet de Région reprendra les rênes pour que la loi soit appliquée en Rhône Alpes comme ailleurs. Pour mieux la tourner en ridicule l’avocat spécialiste de l’environnement Arnaud Gossement a fait une contreproposition : en finir avec le changement climatique et la destruction de la biodiversité.

Cette vraie fausse annonce politique, reprise un peu partout ce week-end, contribue à semer la confusion en jetant le doute sur les bénéfices que doit apporter la planification écologique quelques jours seulement après son annonce officielle.

Résistance

Les Régions sont un maillon indispensable pour que la planification écologique se déploie suffisamment rapidement afin d’espérer que la France puisse tenir ses objectifs climatiques et environnementaux. Chacune a des caractéristiques et des problématiques différentes, à la fois sur le climat et la biodiversité mais si leurs président(e)s ne jouent pas le jeu, l’agenda aura du mal à être respecté. Car dans une région voisine Carole Delga, la présidente socialiste d’Occitanie, incarne elle aussi la résistance à ses nouveaux modèles plus durables. Elle « croit à l’avion vert » et apporte son soutien indéfectible au projet d’extension de l’A69 dont elle estime qu’il est « la seule possibilité de désenclaver la région ».

Carole Delga devrait rencontrer des jours-ci les opposants au projet qui font le siège devant le Conseil Régional à Toulouse mais ils ont posé des conditions : que les travaux soient arrêtés, qu’un représentant du Ministère des Transports assiste à la réunion et que l’évènement soit médiatisé. Ils font monter la pression d’autant plus que Thomas Brail, le gréviste de la faim devenu le symbole de cette lutte, annonce qu’il est prêt à mourir pour la protection des arbres centenaires que le futur tronçon de l’A69 doit faire disparaitre.

Repenser les modèles

La réforme des régions de 2014 qui a fait passer leur nombre de 22 à 14 en a fait de vastes territoires où cohabitent plus ou moins bien deux visions du développement économique. L’une est portée par des élus qui défendent le modèle des années 80 basant la prospérité des territoires sur le développement des infrastructures routières et aéroportuaires, à l’image du « pack » de la CCI du Tarn, farouchement pro A69.

L’autre est plutôt tournée vers d’autres modèles qui s’appuient sur les liens établis par le TGV. Il a fait suffisamment évoluer les grandes métropoles comme Bordeaux ou Lyon pour qu’elles aient élus des maires écologistes en 2020. Mais quelle que soient les convictions politiques, les faits sont têtus. Les transports représentent, selon le Haut Conseil pour le Climat, 32 % des émissions de gaz à effet de serre de la France. Il est donc impératif de les repenser pour tenir les engagements de neutralité carbone, français et européens.

L’article de Novethic est ici.

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Pollution de l’air : à Strasbourg, des médecins réclament l’arrêt des centrales biomasse

Un article du Parisien, par Martin Antoine, le 07/04/2020.

Le collectif « Strasbourg Respire » alerte sur les dangers de la combustion du bois responsable de la hausse des cancers du poumon et de l’augmentation des émissions de CO².

Centrale biomasse Strasbourg

Strasbourg (Bas-Rhin) possède deux centrales biomasse dans les quartiers Port-du-Rhin et Wacken. Photo PQR/L’Alsace/Jean-Marc Loos

« Continuer à développer des centrales biomasse qui produisent de la chaleur et de l’électricité à partir du bois est une aberration. » Le médecin Thomas Bourdrel, à la tête du collectif « Strasbourg Respire » a réuni une quarantaine de confrères alsaciens pour lancer un appel réclamant l’arrêt de deux sites (privés) de la capitale alsacienne situés dans les quartiers du Port du Rhin et du Wacken.

Selon une étude récemment publiée dans la revue de référence « Nature », la combustion du bois est plus toxique que le diesel en termes d’émissions de particules qui contiennent des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). « Les HAP sont extrêmement dangereux et augmenteraient de 20 % les risques de cancer du poumon », prévient Thomas Bourdrel.

Les efforts pour réduire la pollution réduits à néant

Un avertissement étayé par les résultats des analyses d’urine de 300 mineurs strasbourgeois menée par le professeur belge Tim Nawrot. « Dans les urines des enfants qui habitent près des centrales biomasse, on retrouve beaucoup de nanoparticules issues de la combustion du bois », se désole le médecin strasbourgeois

Une pierre dans le jardin de la mairie de Strasbourg, qui veut faire de la métropole du Grand-Est une Zone à faibles émissions (ZFE) en 2022 en ciblant notamment le diesel. Le responsable du collectif « Strasbourg Respire » tire la sonnette d’alarme :

« Continuer à développer des centrales biomasses chauffées par la combustion du bois réduirait à néant les efforts pour réduire la pollution. Contrairement aux idées reçues, celle-ci pourrait augmenter de 30 % les émissions de CO² dans les dix prochaines années ».

L’article du Parisien est ici.

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Drôme : incendie à la centrale biomasse à Pierrelatte, une cinquantaine de pompiers toujours mobilisés

Un article de France Bleu Drôme Ardèche, par Adèle Bossard, le 27/06/2020.

Une cinquantaine de pompiers sont toujours mobilisés ce samedi midi sur l’incendie d’un silo de la centrale biomasse à Pierrelatte (Drôme). Leur intervention est longue car ils n’ont qu’une petite ouverture pour dégager les 1500 mètres cubes de bois contenus dans le silo.

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L’incendie du silo de la centrale biomasse de Pierrelatte nécessite l’intervention de dizaines de pompiers. © Christian Mennessier

Une cinquantaine de pompiers sont toujours mobilisés ce samedi midi sur l’incendie qui ravage un des silos de la centrale biomasse de Pierrelatte (Drôme). Ils étaient même 80 au début de l’intervention ce vendredi soir : le feu a pris vers 18h30 dans un silo qui contient 1.500 mètres cube de copeaux de bois. « Cette intervention est difficile parce que le seul moyen d’éteindre le feu, c’est de vider le bois du silo mais nous n’avions qu’un petit accès, de trois mètres par trois mètres, en partie haute donc accessible seulement par des petits engins de travaux publics. Et à cause de l’incendie qui a duré une bonne partie de la nuit, les portes ne s’ouvraient plus, explique le lieutenant-colonel Ramon Navarro, qui mène les opérations sur place. Mais on a finalement réussi vers 10 heures ce samedi matin à créer un accès pour vider le silo de son contenu de bois, sachant que l’on enlève environ 50 mètres cubes toutes les demi-heures ».

L’origine du feu reste inconnue à ce stade mais elle serait accidentelle. La centrale était à l’arrêt pour maintenance au moment des faits, « ce qui a d’ailleurs permis que le feu ne se propage pas plus loin », estime Christian Mennessier, le chef d’agence du groupe Coriance qui gère la centrale biomasse de Pierrelatte. « Et ni la chaudière, ni la turbine, qui est le cœur le plus sensible de l’installation, ne sont touchés », rassure-t-il.

Cette centrale alimente plusieurs bâtiments de la ville, comme les serres ou la Ferme aux crocodiles. « On a dû arrêter la fourniture du réseau vendredi soir parce qu’on a dû couper l’électricité mais on s’est assurés que nos abonnés soient alimentés en chaleur à partir de chaudières locales qu’on met en fonctionnement, assure Christian Mennessier. Et on devrait pouvoir redémarrer notre chaufferie-gaz dès ce samedi après-midi donc on pourra remettre en service notre réseau de chaleur. Donc la perturbation pour nos abonnés sera très très négligeable, si elle n’est pas totalement nulle ».

Les pompiers ont prévu de continuer l’extraction du bois jusqu’à 22 heures ce samedi soir. Puis une dizaine d’entre eux resteront sur place pour surveiller les lieux et les opérations de vidage de la cuve reprendront ce dimanche à 7 heures. Elles pourraient encore durer une partie de la journée.

L’article de France Bleu Drôme Ardèche est ici.

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Jura : projet d’usine à pellets à Salins-les-Bains, « il n’y a pas assez de ressources ici pour assouvir cet industriel »

Un article de France 3 Bourgogne/Franche-Comté, par Vanessa Hirson, le 21/06/2023.

La création d’une entreprise fabriquant des pellets ou granulés bois à Salins-les-Bains (Jura), inquiètent les riverains. Un collectif s’est même constitué. Le maire lui, se veut rassurant, d’autant plus que 40 emplois pourraient être créés.

Des membres de l’association Pays de Salins Environnement, à Salins-les-Bains, le mardi 20 juin 2023.
© Hugues Perret – France Télévisions

Si elle voit le jour, cette entreprise de fabrication de pellets, sera installée sur 7 hectares de parcelle, dans la zone des Mélincols à Salins-les-Bains, dans le Jura. Elle pourrait être la plus grande d’Europe selon ses opposants. Comme  toutes nouvelles installations d’entreprises, ce projet a ses défenseurs et ses détracteurs. Parmi les opposants, l’association Pays de Salins Environnement, anciennement « l’association Les Riverains de la D105 », co-dirigée par Jérôme Biro et Sandrine Chauvin. Leurs principales inquiétudes reposent sur l’impact environnemental et sur la qualité de vie, en raison des nombreux camions qui pourraient circuler dans la ville.

« On craint la circulation, les nuisances sonores, les différents dangers liés à l’implantation de cette méga-usine comme les risques d’incendie, la recrudescence des accidents sur la route, les fumées, la nuisance esthétique aussi, qui va à l’encontre des volontés de la ville et surtout les fumées. Dans ces fumées, il y a des particules fines, parfois à la limite de ce qui est autorisé et 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, quel est l’impact sur les habitants ? » liste Jérôme Biro, à notre journaliste Elisabeth Braconnier.
L’association Pays de Salins Environnement, s’appuie sur l’expérience de deux autres entreprises de pellets, basées à Mignovillard (Jura) et à Levier (Doubs), des vidéos circulant sur Internet, montrent en effet de gros nuages.

Faux, réplique cette fois-ci l’un des défenseurs du projet, le maire de Salins-les-Bains, Michel Cêtre. « Je réfute que ce soit de gros nuages. C’est de la vapeur d’eau qui s’échappe de cette activité. Il n’y a pas de produits chimiques, car ce bois est compressé. Quant au transport, il s’agit de bois découpé donc l’utilisation de grosses grues n’est pas judicieuse et puis ces bois traversent déjà la commune puisque ces résineux sont exploités par les papeteries. »

Des emplois en perspective

La société EO2 veut investir 25 millions d’euros dans ce projet jurassien. Le futur site constituerait la deuxième entreprise du groupe après celle de Saint-Germain-Près-Herment dans le Puy-de-Dôme.

Si le permis de construire, actuellement en cours d’instruction par les différents services de l’État, est validé, cette usine de fabrication et de distribution de pellets, verrait le jour fin 2023. Sa production pourrait débuter, au mieux, en octobre 2024. Le maire de Salins indique également « que quarante personnes seraient embauchées, sans compter les emplois indirects » se félicite ce dernier.

Un site autrefois agricole

Les 7 hectares, sur lesquels va être implantée l’usine, Edwige Peiffer les a exploités. Avec son mari et son fils, elle élève 120 vaches laitières pour la filière comté. « On a été bailleur jusqu’en 2012, mais la communauté de communes les a rachetés et n’a pas poursuivi le bail. On nous a réduit une partie du pâturage et cela nous met en porte-à-faux vis-à-vis du cahier des charges de la filière Comté et l’avenir est forcément moins serein ».

Voir une usine sortir de cette pâture, qui nourrissait autrefois ces bêtes, l’inquiète d’autant plus que pour elle, la matière première est insuffisante dans ce secteur. « Il y a un peu de ressources en bois, mais pas assez pour assouvir les besoins de cet industriel. On est quasiment sûr que du bois sera exporté de l’étranger, donc ça n’a pas de sens de prôner l’usage local quand le bois vient de loin pour être transformé. »

Le marché des pellets, des demandes en hausse

Considéré comme une énergie performante, dégageant moins de poussière et de polluants atmosphériques qu’une bûche de bois classique, le pellet rencontre un vif succès. Propellet, l’association nationale du chauffage au granulé de bois revient sur le bilan de l’année 2022. Plus de 1,7 million de foyers français se chauffent avec ce combustible. Les niveaux de consommation ont doublé en 5 ans, pour atteindre 2,5 millions de tonnes en 2022. La production nationale s’élève, elle, à 2,5 millions de tonnes, soit 250 000 tonnes de plus qu’en 2021.

De nouveaux sites de production ont vu le jour en France et en Europe. L’an passé, trois nouvelles usines ont été ouvertes, pour une capacité de production supplémentaire de 270 000 tonnes de granulé de bois. Il en sera de même sur 2023 avec 3 nouvelles usines. La France devient ainsi autosuffisante à 85%. En Franche-Comté, des projets sont encore en cours de déploiement : une usine à Houtaud près de Pontarlier, celle de Salins-les-Bains dans le Jura, et depuis le printemps, la scierie Chauvin à Mignovillard produit des pellets.

À Salins-les-Bains, si le projet aboutit, quelque 120 000 tonnes de pellets y seront produites par an. Edwige Peiffer, produisait sur cette parcelle, 600 000 litres de lait par an.

L’article de France 3 Bourgogne/Franche-Comté est ici.

Commentaire

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Dans un rayon de 60 km autour de Salins-les-Bains se trouvent déjà 6 usines de pellets. L’usine EO2 pourrait être la septième !

Que la matière première soit des grumes ou des plaquettes forestières – des bois découpés comme dit le maire – pour fabriquer 120 000 tonnes de pellets par an il faut 250 000 tonnes de bois vert. Soit 9 000 hectares de forêt. Il serait intéressant de savoir ce qu’en pensent les 6 usines de pellets voisines de Salins !

Par ailleurs, le maire de Salins-les-bains a raison pour une chose, « C’est de la vapeur d’eau qui s’échappe de cette activité. Il n’y a pas de produits chimiques… » mais il omet de dire qu’il parle de produits chimiques ajoutés dans les pellets. Car on trouve dans les pellets, et donc aussi dans les fumées de l’usine, tous les polluants que le bois a capturé et stocké durant toute sa vie, dont la liste est ci-dessous. Mais surtout on y trouve beaucoup de CO², 51% de plus que dans le charbon. Et le dioxyde de carbone (CO²), comme la vapeur d’eau (H²O) sont deux des principaux gaz à effet de serre. Les dioxines (TCDD) – particules chimiques les plus toxiques – sont émises en quantité 7 fois supérieures que par combustion du charbon.

Monsieur le Maire de Salins-les-Bains, pour en savoir plus lisez cet article qui va nourrir votre réflexion !

Liste des polluants atmosphériques les plus abondants dans la biomasse, ceux marqués d’une étoile sont des métaux lourds :

  • antimoine (Sb)
  • arsenic (As) *
  • cadmium (Cd) *
  • chrome (Cr) *
  • cuivre (Cu) *
  • dioxyde de soufre (SO²)
  • dioxines (TCDD)
  • furanes (C4H4O)
  • hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)
  • manganèse (Mn)
  • mercure (Hg) *
  • monoxyde de carbone (CO)
  • nickel (Ni) *
  • oxydes d’azote (NOx
  • particules fines en suspension (PM10 et PM2,5)
  • plomb (Pb) *
  • sélénium (Se) *
  • vanadium (V) *
  • zinc (Zn) *

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Glyphosate : Bruxelles veut une réautorisation de l’herbicide controversé jusqu’en 2033

Un article de Novethic, par Marina Fabre Soundron avec AFP, le 21/09/2023.

Le vent tourne. La Commission européenne propose de renouveler pour 10 ans le glyphosate, considéré comme cancérogène probable par l’OMS. La position de la France est très attendue. Alors qu’elle avait défendu un renouvellement de seulement 3 ans en 2017, elle a aujourd’hui changé d’avis et devrait s’aligner sur le délai de 10 ans, contre le souhait des défenseurs de l’environnement.

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La Commission européenne propose de renouveler la licence du glyphosate sur le marché européen pour 10 ans, malgré les controverses. Photo d’illustration

Un sursis de dix ans. Alors qu’en 2017, la Commission européenne avait accordé une prolongation de cinq ans au glyphosate, la principale molécule du Roundup – herbicide le plus vendu au monde -, Bruxelles a proposé mercredi 20 septembre de renouveler son autorisation de mise sur le marché pour dix ans. Le glyphosate, herbicide controversé, pourrait ainsi être vendu dans l’Union européenne jusqu’en 2033. Un recul de taille pour les défenseurs de l’environnement comme l’ONG Générations futures qui milite pour l’interdiction de ce pesticide en Europe.

« Cette position est scandaleuse car elle ignore totalement l’impératif de protéger la biodiversité, en plein effondrement, dès aujourd’hui », fustige-t-elle dans un communiqué. La proposition de l’exécutif européen sera examinée vendredi 22 septembre par les représentants des 27 États membres, qui devront ensuite la valider à une majorité qualifiée, représentant au moins 65% de la population européenne, lors d’un vote le 13 octobre.

La France a changé de position

Le sujet est particulièrement sensible. D’un côté, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), branche de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a classé, en 2015, le glyphosate comme cancérogène probable pour l’Homme. De l’autre, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) considère que le glyphosate n’est pas cancérogène et ne présente pas de « domaine critique de préoccupation », dans son évaluation de juillet dernier.

Mais ses conclusions ont écarté de nombreuses études, dénonce Générations futures. « Pas sûr que les chercheurs auteurs des milliers d’études disponibles ainsi que les chercheurs de l’Inserm auteurs de l’expertise collective jugeant le glyphosate possiblement perturbateur endocrinien, génotoxique, générant un stress oxydant ou encore une altération du microbiote soient du même avis », pointe l’association.

Quant à la France, elle a fait volte-face. En 2017, elle était très critique sur le glyphosate et avait proposé un délai d’autorisation de trois ans seulement. Emmanuel Macron avait même fait de l’interdiction de cet herbicide une de ses promesses de campagne. Mais cette fois, la donne a changé. Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, est favorable à une réautorisation du glyphosate. Le Président de la République a lui-même fait machine arrière. La position de l’Allemagne sera aussi scrutée à la loupe. Le pays a déjà annoncé qu’il s’abstiendrait alors qu’en 2017, après moult revirements, l’Allemagne avait voté pour une prolongation du glyphosate en Europe.

Une « proposition pas acceptable »

Reste les garde-fous établis par Bruxelles. La Commission propose un renouvellement sous conditions de « mesures d’atténuation des risques » concernant les alentours des zones pulvérisées, via des « bandes tampons » de cinq à dix mètres et des équipements réduisant drastiquement les « dérives de pulvérisation ». De même, les États devront « prêter attention » à l’impact sur les petits mammifères, en envisageant « si nécessaire » des mesures d’atténuation ou restrictions. S’ils identifient des effets indirects potentiels sur la biodiversité, ils devront examiner si d’autres méthodes de protection des cultures sont possibles, et pourront là aussi adopter des restrictions.

Des recommandations jugées très insuffisantes par l’eurodéputé Pascal Canfin, président (Renew, libéraux) de la commission parlementaire Environnement, qui déplore l’absence de « restrictions sérieuses d’usage » et dénonce une « proposition pas acceptable », « non conforme aux conclusions de l’EFSA qui pointe de nombreuses zones grises ».

Si l’autorisation du glyphosate comme substance active est reconduite au niveau de l’UE, ce sera ensuite à chaque État d’autoriser les produits qui en contiennent, en encadrant leur usage « quand c’est justifié » selon les cultures, conditions climatiques et spécificités locales, précise un responsable européen. « Dans des cas extrêmes, des États peuvent théoriquement interdire tous les produits contenant du glyphosate », mais ils doivent pour cela avoir de solides justifications « dans le cadre des conditions » mentionnées dans le texte, ajoute-t-il. Le Luxembourg avait ainsi banni la commercialisation du glyphosate fin 2020 avant que la justice ne le contraigne en 2023 à lever cette interdiction.

L’article de Novethic est ici.

Publié dans Agriculture chimique, Pesticides - Insecticides | 1 commentaire

Glyphosate : le gouvernement favorable à sa réautorisation

Un article de Reporterre, le 21/09/2023.

Vous reprendrez bien un peu d’herbicide ? La Commission européenne va proposer le 22 septembre de prolonger de dix ans l’autorisation du glyphosate, en dépit des alertes lancées par nombre de scientifiques. Cette proposition met le gouvernement français face à ses contradictions.

Photo d’illustration.

Une fois la proposition de la Commission officialisée, chaque État membre devra en effet la valider, ou non. Or, d’après l’ONG Agir pour l’environnement, « la position de la France sera cruciale, car l’Allemagne s’opposera à ce renouvellement et il serait possible de constituer ainsi une minorité de blocage ». Les associations écolos auraient pu espérer une opposition franche de la France, puisque Emmanuel Macron lui-même s’était engagé, pendant la campagne présidentielle de 2017, « à interdire le glyphosate dans les trois ans ».

Sauf que… début septembre, dans un entretien au journal Ouest-France, le ministre de l’Agriculture estimait désormais que «tout [convergeait] vers une nouvelle homologation» : «On fait confiance à la science, aux études qui disent que le glyphosate ne pose pas un problème cancérogène, affirmait-il. On va porter l’idée que sans l’interdire, car il y en a besoin, on peut quand même le réduire partout où cela est possible. »

Selon Agir pour l’environnement, il s’agit d’un « revirement spectaculaire, qui constitue une insulte envers tous les acteurs de l’environnement et de l’agroécologie, et qui discrédite la France au sein de l’Europe ».

Même son de cloche chez Générations futures : « La position de la France dans le dossier du glyphosate n’est absolument pas sérieuse, puisqu’elle consiste uniquement à demander des restrictions d’utilisation à certains usages, comme c’est le cas en France actuellement, déclare François Veillerette, porte-parole de l’ONG, dans un communiqué. Il n’y a qu’une façon pour le gouvernement français d’agir aujourd’hui de manière cohérente dans ce dossier : voter contre toute demande de réautorisation du glyphosate en Europe pour protéger la santé publique et nos écosystèmes ! »

L’article de Reporterre est ici.

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Décès de six vendangeurs pendant la canicule : « le code du travail doit s’adapter au changement climatique »

Un article de Novethic, par Concepcion Alvarez, le 16/09/2023.

Des vendanges au goût amer. Entre le 5 et le 8 septembre, six décès d’ouvriers agricoles ont été constatés dans les vignobles de Champagne et du Rhône. Tous sont morts de malaises cardiaques alors que le pays subissait une canicule tardive inédite. De quoi remettre sur la table la question de l’adaptation des conditions de travail au changement climatique.

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Ces six décès quasi concomitants sont tous dus à des malaises cardiaques, survenus lors de fortes chaleurs. @CC0

Un jeune saisonnier Rémois de 19 ans est mort dans un vignoble de Champagne alors qu’il faisait entre 32 et 34 degrés vendredi 8 septembre. Quelques jours auparavant, trois autres décès de vendangeurs avaient été recensés dans la Marne, frappée par des chaleurs exceptionnelles pour un mois de septembre, en raison de la canicule tardive qui s’est abattue sur le pays. La même semaine, deux autres décès ont également été constatés dans des vignes du Rhône. Ces six décès quasi concomitants sont tous dus à des malaises cardiaques, survenus lors de fortes chaleurs. Des enquêtes ont été ouvertes pour déterminer leurs circonstances exactes.

« C’est une véritable hécatombe », réagit auprès de Novethic Anthony Smith, responsable syndical au sein du ministère du Travail. « Il faut en prendre la mesure. » Son syndicat, la CGT, a adressé une lettre ouverte à Olivier Dussopt, le ministre du Travail, pour l’instant resté muet. Le syndicat demande que le code du travail s’adapte au changement climatique. « On a besoin d’une réglementation qui protège les ouvriers agricoles, mais aussi ceux du BTP, les caissières exposées aux fortes chaleurs derrière une vitre de magasin, les professeurs dans les salles de classe… », liste le syndicaliste qui dit recevoir de nombreux témoignages.

« La chaleur peut tuer au travail »

Pour l’instant, le code du travail ne prévoit rien de précis en cas de canicule, l’employeur devant simplement prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Le salarié peut exercer son droit de retrait en cas de « danger grave et imminent » mais il se sent rarement libre de le faire. C’est d’autant plus vrai pour les saisonniers, qui sont embauchés à la mission, et qui sont souvent des travailleurs précaires. Une dérogation permet en outre de les faire travailler jusqu’à 60 heures par semaine.

Dans le cas du jeune homme de 19 ans, décédé dans un vignoble champenois, son employeur assure avoir vu plus tôt dans la journée qu’il « ne se sentait pas trop bien ». Elle explique, sous le couvert de l’anonymat, au micro de France Bleu, lui avoir alors dit de s’arrêter. Mais ce dernier aurait refusé. « Il sera peut-être avéré que le soleil y est pour quelque chose », a également réagi auprès de l’AFP Maxime Toubart, président du syndicat général des vignerons de Champagne. Mais « avec 120 000 personnes qui affluent en quinze jours », « forcément il se passe des choses », a-t-il dit, évoquant « un à deux morts par arrêt cardiaque ou rupture d’anévrisme chaque année ».

« De plus en plus de gens arrivent et ne sont pas en condition physique pour faire un travail extérieur : des jeunes qui ne déjeunent pas le matin, qui ne se désaltèrent pas, qui sont sous médicament, qui travaillent torse nu », ajoute-t-il. Un discours fustigé par Anthony Smith. « Ce sont toujours les mêmes poncifs qui sont utilisés. Cela montre bien que les employeurs ne mesurent pas l’ampleur des impacts du changement climatique sur l’organisation du travail. Face à leur immobilisme, c’est au législateur de prendre le relais. C’est vital : la chaleur peut tuer au travail », insiste le responsable syndical.

Une soixantaine de morts au travail dues à la chaleur

Une proposition de loi déposée par des députés LFI en juillet vise à interdire certaines activités en cas d’activation du niveau 4 de vigilance météorologique, de limiter le temps de travail à six heures par jour en cas d’activation du niveau 3 de vigilance météorologique ou encore de prévoir des temps de pause réguliers sans perte de salaire lorsque la température dépasse un certain seuil.

Le texte propose aussi que les inspecteurs du travail puissent procéder à des arrêts temporaires de travaux en cas de conditions atmosphériques présentant des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Mais encore faut-il pouvoir l’appliquer. « La France ne compte plus que 1 700 inspecteurs du travail pour 20 millions de salariés et 2 millions d’entreprises », rappelle Anthony Smith.

D’après les rapports de Santé Publique France, entre 2017 et 2022, 54 travailleurs seraient morts au travail des suites de l’exposition à de fortes températures. Cet été, l’organisme en a compté deux lors de la première canicule début juillet. Santé Publique France précise que ce décompte est partiel, puisqu’il ne prend en compte que les personnes décédées sur leur lieu de travail. Ce qui est certain, c’est que le changement climatique va exacerber les risques de décès et que les « mesures de bon sens » auxquelles appelait Olivier Dussopt en présentant son plan canicule en juin ne suffiront pas.

L’article de Novethic est ici.

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Coupe du monde de rugby : en se déplaçant en train, les joueurs changent les mentalités

Un article de Novethic, par Florine Morestin, le 09/09/2023.

Vendredi 8 septembre sonnait le coup d’envoi de la Coupe du monde de rugby 2023. Mais avant même de fouler le terrain du stade de France, les joueurs ont marqué leur différence en arrivant à Paris en train. Une volonté du comité d’organisation qui souhaite assurer 70% des déplacements des équipes par voie ferroviaire pour faire baisser l’empreinte carbone de l’événement. Si le cap est fixé, dans les faits, le transport des supporters pèse encore lourd dans la balance.

17 des 20 équipes utiliseront le train pour leurs trajets durant la compétition. Clement Mahoudeau / AFP

Les All Blacks ont montré l’exemple. Jeudi 7 septembre, l’équipe néo-zélandaise de rugby est arrivée en train à Paris, lieu du premier match de la Coupe du monde en France. Partis de Lyon, ils ont fait une entrée remarquée.

Le comité d’organisation de la Coupe du monde de rugby a en effet annoncé éviter autant que possible le transport en avion durant la compétition, dont les 48 matchs se déroulent dans dix villes françaises. 80 trajets seront ainsi effectués par rail pour 17 des 20 équipes participantes, ce qui représente 70% des trajets de l’événement. La règle est simple : le train, et le car pour rejoindre les gares, seront systématiquement utilisés pour tous les voyages durant moins de 5h30. C’est le cas de l’Irlande qui naviguera entre Tours et Saint-Denis, ou encore l’Uruguay qui se rendra à Lille depuis Avignon.

Transporter 2,5 millions de supporters

« On veut démontrer qu’un grand événement sportif, comme toutes les entreprises, peut aussi essayer de limiter son impact carbone », a déclaré lors d’une conférence de presse Jacques Rivoal, le Président de France 2023, en charge de l’organisation de la compétition, rapporte 20 minutes. Ce choix devrait permettre de réduire son impact carbone de 50% estime par ailleurs Michel Poussau, directeur général de la Coupe du Monde 2023. Du côté des spectateurs, qui représentent une part importante de l’empreinte carbone de l’événement, le ferroviaire est aussi privilégié.

Le comité d’organisation table sur 88% de déplacements en train pour les 2,5 millions de supporters qui devraient suivre les matchs. Pour cela, la SNCF a renforcé son offre en proposant par exemple 10 000 billets à petit prix entre Paris et la région Centre-Val de Loire en septembre. Pour les trajets plus importants, le train semble également séduire. « Pour le premier match de l’Angleterre », Trainline observe dans un communiqué « une hausse de 418% des passagers à destination de Marseille par rapport à l’an dernier. » À noter tout de même que 600 000 spectateurs étrangers sont attendus, ce qui alourdit considérablement l’empreinte environnementale de la compétition.

Une empreinte carbone à nuancer

Si Jacques Rivoal estime le bilan carbone global de l’événement à 410 000 de tonnes équivalent CO² (tCO²e), la plateforme d’expertise climat Sami mesure dans une étude une empreinte plus élevée, aux alentours de 640 000 de tCO²e. Selon ce rapport, 73% des émissions proviendraient des déplacements, suivi de l’hébergement et de la restauration (14%), puis du numérique (10%). Les 3% restants se répartissent entre le merchandising, les infrastructures ou encore les déchets. À titre de comparaison, la Coupe du monde de football de 2022 au Qatar avait généré 6 millions de tCO²e, soit dix fois plus que la Coupe du monde de rugby 2023. Un rapprochement à nuancer, les méthodologies utilisées pouvant différer.

Les efforts menés par le comité d’organisation pourraient toutefois être entachés par le choix de l’un des sponsors de la compétition. Le 30 août dernier, Greenpeace pointait du doigt dans une campagne de sensibilisation l’implication du géant TotalEnergies dans l’événement sportif, l’ONG jugeant que ce partenariat aurait pour but de « détourner l’attention du public de leurs activités qui détruisent le climat ». 

Reste qu’entre le foot et le rugby, l’engagement n’est pas le même, un an exactement après la polémique des « chars à voile ». Début septembre 2022, l’entraîneur du PSG Christophe Galtier avait alors ironisé sur la question des déplacements en jets privés, très carbonés, de son équipe. Pour le comité d’organisation de la Coupe du monde de rugby, pas question de suivre la même trajectoire.

L’article de Novethic est ici.

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J’ai obtenu le permis de chasse… sans toucher une fois la cible

Un article de Reporterre, par Emmanuel Clévenot, le 09/09/2023.

Les accidents de chasse sont nombreux. Pour remonter à la racine du problème, un journaliste de Reporterre a passé son permis de chasser. Jamais, au cours de la formation, il n’a touché la cible. Il a pourtant obtenu son permis…

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« Mon bilan laisse peu de place au doute : 22 tentatives de tir, 22 échecs. » Rien d’éliminatoire, pourtant, lorsque l’on passe son permis de chasse. © Cécile Guillard / Reporterre

Forêt de Marly (Yvelines), reportage

« Morgan coupait du bois dans son jardin, murmure Mila, son amie. Il a reçu une balle dans le thorax. » À l’automne 2022, Julien F. comparaissait devant le tribunal judiciaire de Cahors pour l’homicide involontaire de Morgan Keane, enfant du pays lotois. « Ce chasseur venait d’obtenir son permis, poursuit Mila. Avant cette battue aux sangliers, il n’avait encore jamais appuyé sur la détente. » Dès l’ouverture de son procès, l’Aveyronnais reconnut avoir tiré sur « une masse sombre » non identifiée. Cet aveu soulage, autant qu’il bouleverse. Comment un homme, fraîchement instruit des règles cynégétiques élémentaires, a-t-il pu commettre l’irréparable ?

Pour y répondre, une option : suivre les chasseurs au plus près, et en comprendre les façons d’agir à la racine, dès leur formation. Dès lors à Reporterre, a émergé une idée : et si l’un de nous passait le permis de chasse pour en découvrir les coulisses ? Je fus le journaliste choisi. Cinq mois plus tard, au printemps 2023, un inspecteur de l’Office français de la biodiversité (OFB) me décernait le fameux diplôme, passé en immersion sans jamais révéler aux chasseurs ma profession. Désormais, je peux légitimement l’affirmer : truffée de lacunes et dispensée en seulement une journée, la formation ne garantit pas la future sécurité [1] des chasseurs en herbe ni celle des personnes qui croiseront leur chemin.

Aucun casier judiciaire demandé

Décembre 2022. Au bout du fil grésille en boucle une mélodie entonnée par des cors, puis : « Fédération départementale de chasseurs, bonjour. » L’heure était venue pour moi d’entamer les démarches. Premièrement, m’assurer que l’abattage d’un animal ne serait pas exigé au cours de la formation. La standardiste me confirme que non. Deuxièmement, constituer un dossier d’inscription, ce qui n’a d’ailleurs rien d’insurmontable. En plus des documents protocolaires, un certificat médical attestant d’un état de santé physique et psychique compatible avec la détention d’une arme est réclamé depuis 2005. Rien de plus, rien de moins.

Inutile, donc, de fournir une copie de casier judiciaire : « Il faudra simplement remplir une attestation sur l’honneur, mentionnant que vous n’êtes pas privé du droit de détention ou de port d’armes », m’indique la standardiste. Sur l’honneur, uniquement ?

Tout compte fait, ma plus grande peine fut de retrouver mon certificat de participation à la « Journée défense et citoyenneté » (la « Journée d’appel »), perdu au fond d’un carton poussiéreux. Et, bien sûr, de signer les chèques : 46 euros à l’OFB, pour les frais d’examen, et 140 euros à la fédération, pour la formation. Une fois postée la paperasse, il ne me restait plus qu’à scruter l’arrivée de ma convocation.

Une arme dans les mains à 15 ans

Janvier 2023. La forêt de Marly, aux portes de Paris, se noie dans un océan de brume. Au bout d’un chemin apparaît le fort du Trou d’Enfer. Bâti en 1878, l’édifice accueillait autrefois près d’un millier de soldats. Il fut aussi le site d’élevage de gibiers pour les chasses présidentielles jusqu’en 1995.

Désormais, ces remparts hébergent la fédération des chasseurs d’Île-de-France. Dans l’ancienne infirmerie, les brancards ont été remplacés par des kakemonos. Sur l’une de ces grandes affiches est inscrit : « La chasse, un atout pour l’éducation. » Dans une vitrine s’amoncellent les trophées d’animaux empaillés, prêts à bondir. Le ton est donné, place à la formation.

« J’ai déjà accompagné mon père à la chasse… Et il m’est arrivé de tirer », explique Charles, d’un haussement de sourcils. L’instructrice lui sourit et rétorque : « Ne vous en faites pas, je ne suis pas de la police. » Tour à tour, tous les candidats déclinent leur identité. L’un est cadre, un autre officier de l’armée de l’air, un autre encore vient régulariser son permis étranger. Il y a deux adolescents, de 15 et 16 ans. Une autre est agricultrice, désireuse d’abattre les corbeaux, « ces saletés de nuisibles » qui envahissent ses champs. Une autre femme, à la BMW cabriolet étincelante, a fini par céder aux demandes de son mari, qui rêve de l’emmener chasser : « C’est un véritable féru, dit-elle en riant. Il a offert un fusil à mon fils comme cadeau de naissance. »

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Des chasseurs. Pixabay/CC/Jackmac34

Quatre ateliers composent l’épreuve pratique de l’examen, introduite en 2003. Le circuit débute par une simulation. Arme en mains, le candidat est amené à franchir une clôture ou un fossé, puis à tirer à blanc sur des plateaux d’argile. Éjectés dans le ciel par une machine, ceux-ci peuvent emprunter des trajectoires dangereuses, passant par exemple à proximité d’une maison ou d’une silhouette humaine métallique. Le chasseur novice doit alors s’abstenir de presser la détente.

Désigné pour ouvrir le bal, Loïc, un adolescent chétif aux joues couvertes d’acné, s’empare du fusil et, comme demandé, décrit ses mouvements d’une voix frêle : « J’observe mon environnement… Puis je… Je vérifie mes canons. »

« On file le permis à des amateurs qui ne savent pas viser… »

À mi-chemin, une cible fuse brusquement en direction d’une cabane en bois. Loïc épaule et presse la détente. « On a pourtant dessiné le visage d’un bonhomme à la bombe de peinture fluorescente, à force d’observer les candidats tirer dessus, grommelle l’inspectrice en secouant la tête. Visiblement… ça ne suffit pas. » Penaud, le garçon de 16 ans se fige. À côté de lui, la taille de l’arme semble démesurée. « Comment peut-on mettre une arme dans les mains d’un enfant qui n’a même pas encore le droit de voter ou de conduire ? » réagira au téléphone Mila Sanchez, du collectif Un jour un chasseur, à l’évocation de la scène.

Moins strict, le permis français ne vaut rien au Benelux

L’atelier suivant consiste à ranger le fusil dans un étui souple ou une mallette rigide pour un déplacement fictif en voiture. Avec une facilité déconcertante, l’instructeur démonte l’arme sous nos yeux. « Et comment la remonte-t-on ? » l’interroge un homme. Pas la peine de s’en préoccuper, « l’inspecteur ne vous le demandera pas ».

Direction ensuite le stand de tir, à deux pas du véhicule : six plateaux d’argile sont propulsés dans le ciel, un à un. Avec des balles réelles, le candidat doit tirer sur les cibles… à condition qu’elles ne soient pas orange — synonyme d’oiseaux protégés —, et qu’aucun mannequin pivotant n’apparaisse dans le champ. Combien faut-il en abattre pour valider l’atelier ? Aucune, assure l’inspecteur : « L’examen français est le seul d’Europe à ne pas du tout se soucier de la précision au tir, ce que je déplore. On file le permis à des amateurs qui ne savent pas viser… »

En septembre 2022, un rapport d’information du Sénat dénonçait déjà cette absence de vérification de compétences : « Ne toucher aucune cible prouve une maîtrise très insuffisante de l’arme pouvant conduire à des situations dangereuses. » En Allemagne, les futurs chasseurs doivent détruire cinq des dix plateaux d’argile lancés pour décrocher l’examen, surnommé là-bas le « bac vert ».

Ce jour-là, sur douze cibles chacun, un seul des huit candidats est parvenu à en éclater certaines… sans toutefois respecter les règles de sécurité. Autant dire que ni eux ni moi n’aurions obtenu le permis outre-Rhin. « Ils ont encore de beaux jours devant eux, tes corbeaux », dit l’instructeur, en souriant à l’agricultrice.

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Un chasseur tient une balle de fusil lors d’une battue aux sangliers à Saint-Astier (Dordogne), en septembre 2022. © Romain Longieras / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

J’enfile à mon tour le casque antibruit et saisis le semi-automatique noir. Je n’ai jamais tiré de ma vie. « Clac ! » Un plateau s’envole à toute allure dans le ciel. Le temps d’analyser la sûreté de la trajectoire qu’il emprunte, le voilà déjà presque imperceptible. Tant pis, je tire au doigt mouillé : « Très bien », me félicite mon professeur d’un jour. Avec cette précision, j’aurais pourtant raté un éléphant.

Ce manque de considération pour la précision au tir est d’ailleurs décrié par nos voisins. Aux Pays-Bas et au Luxembourg, le permis français n’est désormais plus reconnu. Même chose en Belgique, où 30 % des chasseurs en devenir franchissaient la frontière pour obtenir le droit de chasser bien plus facilement que chez eux. « Et voilà comment, en France, on apprend tous les quatre matins qu’une balle a traversé une maison, s’est encastrée dans une voiture, ou pire encore », se désole Mila Sanchez, du collectif Un jour un chasseur.

« Tu viens de pointer ton arme chargée sur tes camarades là. On se concentre maintenant ! »

Ultime atelier : la simulation d’une battue. Sylvie, l’agricultrice, se prépare en suivant minutieusement les étapes détaillées un instant plus tôt par l’instructeur. Il s’agit notamment de signaler sa position aux autres chasseurs d’un geste de la main et d’installer des plots délimitant son angle de tir. Dès lors, interdiction formelle de sortir de son poste de tir : « Du moins ça, c’est ce qu’on vous apprend ici. Dehors, vous verrez, reconnaît l’homme. Je reviens des Pyrénées, là-bas, ils ne tiennent pas en place, les types ! »

Une fois sonné le début de la battue, une cible aux allures de sanglier sort d’un bosquet sur un rail. La femme met en joue l’animal, tire une première balle puis, sourire aux lèvres, pivote sur elle-même pour attraper le regard de l’instructeur : « Ohhhh, s’écrie-t-il en bondissant sur le canon. Tu viens de pointer ton arme chargée sur tes camarades là. On se concentre maintenant ! » Une arme effectivement chargée avec une vraie cartouche…

Plongés dans l’obscurité, les chênes et les châtaigniers dansent au gré des bourrasques. « Rassemblez-vous pour le débrief, lance l’inspecteur, le ton militaire. Toi et toi, c’est bien. » À ses yeux, seuls deux élèves auraient pu aujourd’hui obtenir le permis à l’issue de l’examen blanc passé en toute fin de journée. L’anxiété grimpe aussitôt chez les six autres.

« Ne vous en faites pas, tempère l’instructeur. Revoyez les gestes chez vous, avec une arme si vous en avez une, et tout ira bien. » Recroquevillée dans son manteau, Sylvie admet ne pas se sentir à la hauteur et demande à assister à une deuxième journée de formation. « Non, on ne peut la dispenser qu’une seule fois, l’interrompt l’instructeur. De toute façon, le taux de réussite national à l’examen navigue autour des 73 %. »

« Comment peut-on écrire de telles conneries ? »

Mars 2023. L’esprit égaré dans les paysages qui défilent sous mes yeux, j’entends vibrer mon téléphone. La notification provient de l’Office français de la biodiversité : l’examen a lieu dans six jours. En toute honnêteté, je n’ai pas feuilleté une seule fois le manuel de révision de l’épreuve théorique, qui me suit pourtant dans toutes mes escapades, dissimulé au fond de mon sac à dos. L’épreuve comporte dix questions, dont une éliminatoire. À la lueur jaunâtre des néons du train, je plonge enfin dans la petite bible cynégétique.

Un mot de Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), introduit les quelque 300 pages : « À vous qui êtes l’avenir de la chasse française, je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue dans notre grande famille et vous invite à partager les joies et les émotions d’une passion profondément humaine et naturelle. » Voilà qui est dit. Le reste de l’ouvrage est consacré aux structures et la législation entourant la chasse, aux armes et munitions, aux différentes pratiques et à la connaissance des espèces.

« Comment peut-on écrire de telles conneries sur des fiches d’apprentissage ? » À l’autre bout du fil, Yves Verilhac survole le trombinoscope recensant certains des mammifères, chassables ou protégés. Directeur général de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) de 2014 à 2022, il déplore que l’utilité écologique des espèces et leur état de conservation ne soient jamais évoqués : « Les chasseurs ne sont pas sensibilisés à tous les déséquilibres de l’écosystème engendrés par l’abattage des prétendus nuisibles que sont les renards, belettes, fouines ou martres. »

Faisan

Plusieurs millions de faisans (photo) et de perdrix sont élevés dans de petites cages dans le but d’être relâchés et abattus par des chasseurs.

Quelques chapitres plus loin, le faisan et la perdrix sont décrits avec minutie, jusqu’à la couleur du contour de leurs yeux. « Ils écrivent des tartines sans jamais mentionner que ces oiseaux sont élevés et relâchés chaque année au profit des chasseurs, pour remplacer toute l’avifaune flinguée par l’agriculture intensive », poursuit l’ornithologue. Juste à côté, la gélinotte, « que les chasseurs s’évertuent à tirer alors que les populations chutent », n’a le droit qu’à six petites lignes.

« C’est médiocre. Ne sortez surtout pas dans la nature avec un fusil »

« Écoutez, testons vos connaissances ! » lance le naturaliste, malicieux. Geai des chênes, choucas des tours, sarcelle d’hiver, tarin des aulnes… Je tente d’identifier au mieux la ribambelle de spécimens aux ailes tantôt jaunâtres, tantôt gris anthracite, qu’il me montre. Le souffle las d’Yves Verilhac m’évoque alors celui de mes professeurs au collège, à l’heure de distribuer les copies corrigées : 5/20.

« C’est médiocre, juge-t-il sans détour. Ne sortez surtout pas dans la nature avec un fusil. Au mieux, vous ne tirerez que sur les oiseaux que vous savez reconnaître… et rentrerez bredouille. » Les pensionnaires des centres de soin, classés protégés et pourtant criblés de plomb, témoignent toutefois du contraire. « Il ne s’agit pas d’exiger une expertise ornithologique, juste de posséder les fondamentaux, conclut l’homme. De là à se proclamer “premiers écologistes de France”…»

Noyées au cœur du livre, seulement 8 des 300 pages font référence à la sécurité. À croire que la FNC n’avait pas grand-chose à dire. Ces vingt dernières années, en France, plus de 400 personnes ont pourtant été tuées lors d’actions de chasse, d’après l’OFB. Par ailleurs, aucune formation aux gestes de premiers secours n’est exigée, et la dangerosité des fusils une fois rentrés de la forêt ne fait l’objet d’aucune prévention. La possession des fusils facilite pourtant les passages à l’acte suicidaire et les homicides. En 2020, au moins 27,54 % des 102 féminicides ont été commis à l’aide d’une arme de chasse.

«Tu peux tirer à la kalachnikov»

Les stratus barrent le chemin aux lueurs de l’aurore. C’est le jour J. Un gobelet de café dans le creux des mains, les dix candidats guettent l’arrivée des inspecteurs. Parmi eux, deux ont déjà échoué une fois l’examen. « Hier encore, je confondais les corneilles noires et les corbeaux freux », reconnaît mon voisin de droite, affolé à l’idée du questionnaire théorique. « Oh moi, je me prends pas la tête, je les tire tous, glousse son camarade. Sur ta propriété, c’est open-bar. Tu peux tirer à la kalachnikov, personne ne viendra te faire chier. » Une demi-heure plus tard, le même homme au béret revient la mine piteuse : « Vous avez la gâchette trop facile, lui dit l’examinateur. Il va falloir venir une troisième fois. »

Tour à tour, les prétendants au permis défilent. L’épreuve pratique dure moins de quinze minutes. La théorie, pas plus de cinq minutes. Quelques instants plus tôt, les instructeurs ont pris soin de nous remémorer les pièges dissimulés dans le circuit, lors d’une ultime démonstration. « Cette situation provoque un bachotage […] sans forcément garantir une véritable assimilation des règles de sécurité », dénonçait dans son rapport la mission sénatoriale.

« À vous, monsieur. » Une boule au ventre, je saisis le fusil. Avant moi, sept des neuf candidats ont été reçus. Surpris par le recul de l’arme, je sens la crosse percuter mon aisselle : « Attention à bien épauler ! » m’avertit l’inspecteur. Les autres ateliers se déroulent sans accroc et j’obtiens alors le privilège d’entrer dans la maisonnette de l’épreuve théorique. À l’intérieur, un vieux PC m’attend. « Un tracteur est à 150 mètres, un lièvre passe devant. J’ai du plomb n°5 : je tire (réponse A) — je ne tire pas (réponse B). » Un collégien n’aurait eu aucun mal à s’emparer de ces dix points. L’examinateur me remet un petit morceau de papier : 30/31.

Mon bilan laisse peu de place au doute : 22 tentatives de tir, 22 échecs

Me voilà officiellement chasseur… et ce, à vie. Chaque année, il suffit aux chasseurs d’attester sur l’honneur ne souffrir d’aucune contre-indication pour préserver son permis. Aucun certificat médical n’est demandé. « Comment peut-on croire que les chasseurs gardent les mêmes aptitudes physiques entre leurs 15 ans et leurs 80 ans ? » s’agaçait à ce propos Mila Sanchez, d’Un jour un chasseur. En Espagne, le permis n’est valable que cinq ans, et qu’une seule année pour les plus de 70 ans.

Que tirer de cette expérience ? Jamais auparavant je n’avais touché d’arme. Je regrette de n’avoir pas chronométré le temps passé arme en mains, au cours de ma formation et de l’examen : après mûre réflexion, une heure à tout casser. Quant aux cibles à abattre, mon bilan laisse peu de place au doute : 22 tentatives, 22 échecs. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé.

Au-delà de ces chiffres anecdotiques, le peu de sensibilisation à la dangerosité de cette pratique est criant. Certes, instructeurs et inspecteurs insistent à maintes reprises sur la nécessité de toujours vérifier son environnement avant de relever son arme. Mais comment, en si peu de temps, créer des automatismes chez les novices ? Le 10 septembre, s’ouvre en France une nouvelle saison de chasse… En seulement six mois, j’ai pourtant le sentiment d’avoir oublié la moitié des règles de sécurité. Heureusement, je ne compte pas chasser — le permis de chasse n’étant qu’un outil pour mener mon enquête à son terme. Pourtant, de nombreux novices fraîchement diplômés pourront désormais disposer d’une arme, sans trop savoir tirer.

L’article de Reporterre est ici.

Notes

[1] Le 23 août 2023, l’Office français de la biodiversité recensait 6 morts et 78 blessures par arme à feu au cours de la saison 2022-2023 : un niveau « historiquement bas », se félicitait l’établissement français.

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35°C à Paris, 34°C à Limoges, 33°C à Rennes… : pour la première fois, une vigilance orange canicule est déclenchée en septembre

Un article de Novethic, par Concepcion Alvarez, le 08/09/2023.

Jamais une vigilance orange à la canicule (le niveau 3 sur 4) n’avait encore été déclenchée en septembre. C’est désormais chose faite. 14 départements de l’Île-de-France et du Centre-Val-de-Loire sont concernés avec des températures qui devraient encore battre des records. Novethic fait le point sur les mesures mises en place.

C’est la première fois qu’une vigilance orange à la canicule est déclenchée en septembre. Dimitar Dilkoff / AFP

On ne s’arrête plus d’égrener les records. Météo-France a placé 14 départements en vigilance orange canicule ce vendredi 8 septembre, une première pour un mois de septembre depuis que le dispositif a été créé en 2004. Des températures très élevées sont attendues dans les régions Île-de-France et Centre-Val-de-Loire avec 35°C à Paris et Dijon, 34°C à Tours, Limoges et Clermont-Ferrand, 33°C à Rennes et Nantes, 32°C à Nancy et Lille. Une situation qui devrait durer jusqu’à dimanche.

« C’est le monde réel. Et ce n’est que le début. On peut encore éviter le pire : sortir des énergies fossiles, développer l’agroécologie… Agissons ! », réagit sur Twitter Anne Bringault, la coordinatrice du Réseau action climat. Elle fait ici référence à la phrase lancée par le patron de TotalEnergies, à l’université d’été du Medef fin août. Alors que le climatologue Jean Jouzel insistait sur l’importance d’arrêter d’investir au plus vite dans les énergies fossiles, Patrick Pouyanné lui a rétorqué : « Je respecte l’avis des scientifiques mais il y a la vie réelle »

Parcs ouverts la nuit et musées gratuits

La vie réelle en cette semaine de rentrée, c’est cette canicule tardive. Toute la région Île-de-France est concernée. À Paris, une cellule de régulation sociale est activée pour identifier les besoins des personnes et proposer des visites à domicile. La cellule de régulation sanitaire est également mobilisée pour réaliser des entretiens approfondis d’évaluation médicale qui peuvent conduire à une intervention. Par ailleurs, la ville ouvre des salles rafraîchies dans toutes les mairies d’arrondissement, renforce ses maraudes et ouvre ses parcs et jardins toute la nuit pour permettre aux Parisiens de se rafraîchir. À Orléans, les quatre musées de la ville sont ouverts gratuitement pour que la population « profite de la fraîcheur dans un cadre culturel », a annoncé la mairie.

Du côté des écoles, aucun dispositif particulier n’est mis en place. En juin 2022, lors d’une vigilance canicule rouge, le ministère de l’Éducation nationale avait rendu l’école facultative dans les douze départements concernés. Ce même épisode caniculaire avait contraint le ministère à reporter les épreuves du brevet du collège « pour garantir la sécurité des élèves ». Mais ce sont des décisions qui restent extrêmement rares. Hasard de calendrier, en début semaine, le chef de l’État a annoncé un plan qui vise à rénover plus de 40 000 bâtiments scolaires en dix ans. À Paris, pour parer au plus urgent, 3 200 fenêtres ont été changées cet été et certains toits peints en blanc comme c’est le cas pour la crèche Louis-Blanc dans le 10e arrondissement. On dénombre également 130 cours-oasis végétalisées.

« Cercle vicieux »

Les salariés quant à eux peuvent faire valoir leur droit de retrait en cas de « danger grave et imminent ». Le code du travail ne prévoit rien de précis en cas de canicule, l’employeur doit simplement prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Le Conseil économique social et environnementale, ainsi que le syndicat CGT ont appelé à introduire un seuil de température au-dessus duquel un travailleur ne peut occuper son poste. En Grèce, le syndicat Peyfa, qui représente les gardiens de l’Acropole d’Athènes et des autres sites archéologiques, a pris les devants. Il a cessé le travail entre 16 heures et 20 heures pendant quatre jours en juillet en raison de la canicule, après avoir déjà subi des températures extrêmes à plus de 45°C.

Ces vagues de chaleurs, plus étalées dans le temps, sont liées au changement climatique causé par l’homme. « Sous l’effet du changement climatique, les épisodes de chaleur seront plus fréquents et plus intenses. Ils seront également plus précoces et plus tardifs. Le réchauffement climatique joue un rôle amplificateur et favorise une extension des vagues de chaleur au-delà de la saison estivale », explique ainsi Météo-France.

En outre, ces épisodes contribuent également à produire une importante pollution de l’air, ce qui a entraîné ces derniers jours des restrictions de circulation. Dans une étude publiée cette semaine, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) alertait sur le fait que « les vagues de chaleur détériorent la qualité de l’air, avec des répercussions sur la santé humaine, les écosystèmes, l’agriculture et même notre vie quotidienne », alimentant un véritable « cercle vicieux ». L’OMM rappelle que la longue vague de chaleur qui a frappé l’Europe en 2022 a entraîné une augmentation des concentrations de particules et d’ozone troposphérique. « Ce que nous voyons en 2023 est encore plus extrême », s’inquiète l’organisme.

L’article de Novethic est ici.

Publié dans Dérèglement climatique, Pollution | Commentaires fermés sur 35°C à Paris, 34°C à Limoges, 33°C à Rennes… : pour la première fois, une vigilance orange canicule est déclenchée en septembre